Après avoir été incriminé dans la mort de plus de 17 personnes en Allemagne, le concombre espagnol a été définitivement innocenté par Hambourg. A travers José Luis Zapatero, Madrid entend obtenir de Berlin des dommages et intérêts pour le préjudice causé. C'est officiel, après avoir été incriminé puis blanchi pour ses concombres soi-disant fous, Madrid réclame des dédommagements à Berlin. Rapidement désignés comme le vecteur de la maladie par les autorités sanitaires de Hambourg, épicentre de l'épidémie, les légumes espagnols sont désormais hors de cause. La Commission européenne a définitivement levé, mercredi soir, la mise en garde qui pesait sur eux. La veille, les autorités sanitaires de Hambourg avaient reconnu avoir fait fausse route. Mais les dommages sont considérables pour l'agriculture espagnole, qui a vu ses exportations s'effondrer. Le Premier ministre espagnol José Luis Zapatero est monté au créneau jeudi pour réclamer des dédommagements auprès de l'Union Européenne pour les préjudices provoqués. La veille, son ministre de l'Intérieur Alfredo Perez Rubalcabasa n'avait pas exclu une plainte contre les autorités de Hambourg. Jeudi, la Grande-Bretagne annonce à son tour que des cas d'infection à la bactérie E.coli ont été signalés sur son sol. « Sept cas de contamination par la bactérie E.coli, ayant tous un lien avec l'Allemagne, ont été répertoriés », a annoncé jeudi l'Agence nationale de protection de la santé. Trois des personnes contaminées sont des Britanniques ayant récemment séjourné en Allemagne, les quatre autres sont des ressortissants allemands actuellement au Royaume-Uni, a précisé l'agence dans un communiqué. Du coup, jeudi, la Russie a décrété un embargo sur les légumes en provenance d'Europe, ce qui risque d'aggraver davantage la crise. Des malades ont également été enregistrés dans le reste de l'Europe et jusqu'aux Etats-Unis, tous ayant apparemment transité par l'Allemagne. «L'interdiction des importations de légumes frais, qui concerne tous les pays de l'UE, a pris effet jeudi matin», a déclaré le chef de l'Agence de protection des consommateurs, Guénnadi Onichtchenko, cité par l'agence Interfax. La Commission européenne a immédiatement protesté, annonçant qu'elle allait demander à la Russie des explications sur cette décision qu'elle juge disproportionnée. Les exportations de légumes vers la Russie représentent entre 3 et 4 milliards d'euros, selon l'UE. Face aux tensions et aux décès, le temps presse pour trouver le vecteur de la contamination par la bactérie E.coli 0104 (Eceh). Or, le concombre exclu, les chercheurs allemands qui planchent depuis des jours sur des centaines d'échantillons, sont pour l'instant dans l'incapacité de l'identifier, ont admis les autorités. Mais ce ne sera pas facile, car ce n'est plus une question de traçabilité. Il faut demander aux gens ce qu'ils ont mangé. Mais l'incubation est d'une dizaine de jours avant que la maladie ne se déclare. Seule certitude selon les scientifiques : les crudités, consommées en grande quantité en cette saison, comme les fruits mais aussi la viande, sont dans la ligne de mire des chercheurs. Partout en Europe, les concombres ont été jetés par milliers devant la désaffection des consommateurs qui concerne maintenant d'autres produits maraîchers. L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a annoncé jeudi que la souche de bactérie Escherichia coli entérohémorragique (Eceh), qui frappe plusieurs pays européens, est une nouvelle souche jamais détectée auparavant. Les premières analyses génétiques suggèrent qu'il s'agit d'une mutation des deux bactéries Escherichia et coli, porteuse de gènes mortels, qui expliqueraient pourquoi cette épidémie est si vaste et dangereuse. Hilde Kruse, experte en sécurité alimentaire de l'OMS, a déclaré que « c'est une souche unique, qui n'avait jamais été détectée auparavant chez des patients ». Cette nouvelle souche a « des caractéristiques variées, qui la rend plus virulente et productrice de toxines ». La maladie se manifeste par des hémorragies du système digestif, et dans les cas les plus graves, par des troubles rénaux (syndrome hémolytique et urémique, SHU). La Commission européenne parle de « crise de consommation partout » en Europe, avec « une diminution radicale de la consommation de fruits et légumes, et pas seulement des concombres », selon un de ses porte-parole. L'Institut fédéral allemand pour l'évaluation des risques (BfR) a annoncé avoir mis au point un nouveau test, en coopération avec des chercheurs français de l'Agence nationale de la sécurité sanitaire (Anses), pour détecter la bactérie dans les aliments. Déjà plus de 2 000 cas ont été signalés en Allemagne, 500 de plus que mercredi. Des malades ont également été enregistrés dans le reste de l'Europe et jusqu'aux Etats-Unis, tous ayant apparemment transité par l'Allemagne. Dix-sept personnes sont mortes, 16 en Allemagne et une en Suède. Saïd Lahlou