La première édition des Assises RSE a eu lieu mardi à Casablanca. Une occasion pour débattre des opportunités et contraintes de cette nouvelle démarche. La Responsabilité sociale de l'entreprise (RSE) relève-t-elle du luxe ou de l'obligation de se conformer strictement à la loi ? Organisées mardi à Casablanca par la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), les premières assises RSE ont été l'occasion pour les acteurs politiques et les opérateurs économiques, de promouvoir ce label, mais aussi de débattre d'une démarche qui remet en question la disponibilité et l'aptitude du tissu entrepreneurial marocain, à intégrer et respecter les normes éthiques les plus strictes en matière de gouvernance de l'entreprise, mais aussi l'environnement et les droits de l'Homme, ainsi que la prévention de la corruption. De l'avis de Mohamed Horani, patron des patrons, la RSE se veut une nécessité et non plus un choix. Même son de cloche du côté d'un patron d'une des sociétés qui vient d'être labellisée RSE (voir encadré). A ses yeux, pour être socialement responsable, il faut avoir de la conviction et de l'engagement. «Il ne faut pas attendre en contrepartie d'en tirer profit et d'espérer un retour sur investissement», soutient-il. Une opinion communément partagée par Fouad Benseddik, directeur des méthodes et relations institutionnelles pour Vigeo groupe, intervenant lors d'un panel portant sur, «la RSE, nouvelle contrainte ou levier de croissance pour les entreprises marocaines ?». Il pense qu'il faut voir dans la RSE non plus une dépense inutile ou un coût excessif, mais plutôt l'assurance de la durabilité et le gage de la pérennité. Toujours est-il que la tâche n'est pas aussi facile que l'on pourrait penser. Primo, c'est une question de culture et d'attachement aux valeurs sociétales. L'esprit d'entrepreneuriat au Maroc est familial par excellence. Comme le montre clairement cet auditeur plus proche du terrain, dont le cabinet a été mandaté par la CGEM. La RSE fait encore peur aux entreprises. «Un des points qui font mal est celui de la désignation d'un représentant ou d'un délégué du personnel», explique-t-il. Secundo, l'environnement juridique, administratif, fiscal et financier, n'est pas pour inciter les entreprises à s'engager profondément dans ce processus largement bénéfique, aussi bien au niveau de la compétitivité que de la productivité. Tertio, ne faut-il pas voir dans cette nouvelle approche, une contradiction avec les recettes néolibérales prônant la flexibilité de l'emploi ? Plus encore, la carte sur laquelle joue le Maroc pour vendre son image de marque est celle de «destination low cost». Pour dire simple, la compétitivité se joue dans ce contexte de mondialisation, sur le rétrécissement des champs du social et du sociétal, au grand profit de l'économique. D'autant que l'informel, une des soupapes de sécurité ayant contribué à la résilience de notre économie face aux chocs de la crise mondiale, se taille encore une place de choix dans le tissu entrepreneurial national. Onze entreprises ont reçu le label RSE et huit d'entre elles sont distinguées pour la première fois : Cosumar & Surac, filiales du groupe Cosumar, Carrière et transport Menara & Menara Prefa, compagnie minière de Guemassa (CMG), Gemadec, CMCP et Tragem. Les trois entreprises ayant renouvelé leur labéllisation, après l'échéance de trois ans, sont Eramedic, Lafarge ciments et Logimag. Il faut dire aussi que parmi les rasions qui sous tendent le non-respect et la non-conformité à la loi, puisque la responsabilité sociale est d'abord une responsabilité légale, on compte «l'inexistence d'une pression conséquente sur les entreprises par les consommateurs», selon un intervenant. Mais cela relève d'un autre sujet. L'économie responsable, la consommation responsable, autant de concepts forgés et conçus ailleurs et qui n'ont malheureusement pas de place chez nous. Un panéliste a soulevé à cette occasion un autre point de discorde, à savoir la complémentarité entre le label RSE et les différentes normes internationales, notamment l'ISO 26 000. Pour lui, il est très difficile, du moins dans un premier temps, de se conformer stricto sensu aux lignes directrices de cette norme. À noter enfin que seules 36 entreprises sont labellisées RSE, dont la majorité est tournée vers le marché intérieur. «Où sont passées les entreprises exportatrices ? », se demande un participant.