Dans la salle de conférence au deuxième étage de la Bibliothèque nationale de Rabat, des militantes des droits de la se femme sont réunies le 27 avril, pour célébrer le Manifeste de l'égalité. « Nous représentons quatre organisations dont l'objectif est d'intégrer l'approche genre dans tous les articles de la Constitution, qui touchent à la citoyenneté. Nous demandons à ce que la femme soit un acteur à part égale dans le développement de notre pays, et particulièrement, aux postes de décision. Nous avons ainsi proposé un mémorandum pour revendiquer l'égalité de tous les droits », déclare au Soir échos Hakima El Haité, vice-présidente de l'International network of liberal women (INLW) et initiatrice de ce mouvement, qu'ont rallié l'International women's forum (IWF-Morocco), présidé par Asma Chaâbi, Women's Tribune que chapeaute Fathia Bennis et l'Association pour la promotion de l'entrepreuneuriat féminin (ESPOD) dirigée par Sabah Chraïbi. A la recherche de voix Ces quatre dirigeantes, premières signataires du Manifeste de l'égalité, en ont fait un engagement personnel et collectif et étaient toutes là, non seulement pour en informer l'opinion publique, mais surtout pour que d'autres bonnes volontés, ONG, organismes et individus y souscrivent, en ajoutant leur signature au document. « Nous souhaitons que cette rencontre devienne historique, car nous comptons sur une adhésion massive, afin que la nouvelle Constitution fasse enfin de l'égalité des sexes une réalité. Si nous voulons vraiment asseoir la démocratie et la modernité au sein de notre société, nous n'avons d'autre choix que d'adopter l'équité entre l'homme et la femme », affirme Sabah Chraïbi. Une petite signature dont la portée est si grande aux yeux de ce collectif, pour qui « la prise de pouvoir se fait d'abord sur le texte ». « Nous sommes à un tournant qu'il ne faut pas rater. Il est essentiel de remédier à notre point faible qui est la solidarité », reconnaît Fathia Bennis. Pour décliner le contenu de ce Manifeste, Asmaa Chaâbi a pris le temps de lire l'intégralité du document (en arabe) de quatre pages, remis à la commission de révision de la Constitution. Le mémorandum s'articule autour de huit axes, précédé d'un préambule où le collectif souligne son objectif et sa conviction de la nécessité, pour la femme de «participer activement au développement durable de notre pays». Entre autres propositions, le collectif appelle à adopter l'exemple français pour ce qui est de la responsabilisation des partis politiques et à « encourager l'égalité entre l'homme et la femme, dans les fonctions électives et les responsabilités professionnelles et sociales» . Le Manifeste propose par ailleurs la création d'un « Conseil suprême de l'équité et de l'égalité des chances ». Discrimination positive Dès l'ouverture de la séance des questions, le collectif s'est retrouvé face à des critiques virulentes. « Franchement, je trouve le document très timide ! », déplore Naïma Senhaji, membre du Comité consultatif du PNUD pour la promotion arabe. Militante connue et reconnue depuis de longues années, elle a reproché au comité d'avoir été impertinent dans le choix de ces termes : « Il fallait utiliser des termes juridiques et axer le document sur les droits de la femme… Au préambule déjà, il ne fallait pas parler de potentialités de la femme, mais de ses droits. Ensuite, pourquoi utiliser le terme » encourager « l'égalité alors que le but est de la garantir », s'interroge celle qui estime que l'exemple français ne devrait pas non plus être cité. « A mon avis, l'exemple tunisien est meilleur ! ». Naïma Senhaji propose des modifications qu'elle estime nécessaires pour mettre en place « les bases légales » d'une équité. La présidente du Forum des femmes parlementaires, Zahia Dadi Skalli, parle, dans ce sens, d'une égalité en tant que « concept fondateur » et propose la constitutionnalisation plutôt de la discrimination positive c'est grâce à elle que les partis politiques seront contraints d'accepter la représentativité des femmes. « Il faudra proposer aux partis une égalité basée sur le fait que la femme et l'homme sont égaux en droits et en devoirs ». La célèbre juriste, Malika Benradi, a, pour sa part, soutenu l'importance d'ajouter au Manifeste un argumentaire (chiffres sur l'état des lieux), et d'y souligner clairement les droits civils des femmes. « Le roi n'a pas imposé de limites religieuses », rappelle-t-elle avant d'ajouter que les principes de libertés individuelles et collectives doivent être mis en exergue. «Il faut insister sur les garanties : nous voulons une citoyenneté pratique et non théorique». Quant à la suggestion de créer « un Conseil suprême », les intervenantes estiment qu'il serait meilleur, et plus efficace, de revendiquer « un Conseil national de la femme » dont l'objectif serait de veiller au respect de l'égalité, notamment en ce qui concerne les nominations aux postes de décision. Le collectif a donc promis de prendre toutes ces propositions en considération et d'apporter les amendements nécessaires à leur manifeste.