Après une trêve de quelques mois, l'association américaine des droits de l'Homme, Human Rights Watch (HRW), semble vouloir renouer avec la tension qu'elle maintenait contre le ministère de la Communication. Mardi dernier, WRH a en effet émis un communiqué depuis son siège à New York, où elle somme presque le Maroc à « cesser d'annuler l'accréditation de certains journalistes travaillant pour des médias étrangers et dont les articles déplaisent au gouvernement ». L'insinuation est bien évidemment faite à la chaîne qatarie Al Jazeera : octobre dernier, le département de la Communication décide la fermeture du bureau d'Al Jazeera à Rabat et retire l'accréditation des sept journalistes de la rédaction de la chaîne arabophone. Pour justifier son geste, le gouvernement serait, selon WRH, « mécontent » à l'égard de la couverture du conflit au Sahara et plus précisément après les événements survenus à Sidi Ifni. L'argument est corroboré par les déclarations, à l'époque, de Khalid Naciri, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement : « L'image du Maroc est systématiquement écornée par le refus de l'objectivité et de l'impartialité» affichés par les médias étrangers. Khalid Naciri allait même ajouter : «Nous reprochons à cette chaîne son refus de traiter les grands dossiers structurants et de véhiculer une image caricaturale de la réalité marocaine ». Pour donner du sens à cette nouvelle sortie (sans coïncidence ?), Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch, commente dans son communiqué du mardi 5 avril : « Alors que le roi Mohammed VI promet des réformes de grande envergure et notamment une protection renforcée des droits humains, le Maroc ne devrait pas suivre le mauvais exemple des gouvernements arabes qui interdisent la chaîne Al Jazeera». La mesure de libertés Ce retour sur scène de WRH, robe sur les épaules, pour plaider la cause de la chaîne qatarie ne serait certainement pas pour plaire à Khalid Naciri. La chaîne, juste après sa fermeture, avait fait l'objet d'une polémique sur la neutralité de son traitement des événements du pays. Les pour et les contre ont basculé sur les blogs et les sites web communautaires pour justifier, les uns aux autres, qui des deux avaient tort ou raison. Sortie mal placée En prenant à son compte le rôle d'avocat, Human Rights Watch n'a pas manqué, dans ce communiqué du mardi, de revenir sur les cas sulfureux (aux yeux du gouvernement) de journalistes marocains et étrangers, dont les accréditations ont été annulées ou retardées : «Le Maroc accueille de nombreux correspondants qui travaillent pour des médias d'information étrangers. Cependant, la liberté de presse se mesure moins en fin de compte au nombre d'accréditations accordées qu'à la tolérance montrée envers les auteurs d'articles dont le contenu mécontente les autorités», conclut Sarah Leah Whitson. Le gouvernement marocain répondra-t-il favorablement au souhait de HRW de permettre le retour d'Al Jazeera au Maroc ? La chaîne trublion n'aurait apparemment formulé aucune demande dans ce sens, ses rédactions étant plus occupées à couvrir des guerres de terrain dans des pays où les arabes façonnent leur printemps. La sortie de HRW, à cet instant, reste plutôt mal placée : le pays est sur le point de se donner un nouveau souffle de libertés, notamment celle de la presse. Un impératif dicté par la volonté de changer constitutionnellement les choses. La capsule qui dérange