Quelques spécialistes de France et du Maghreb se sont penchés sur l'effet des évènements tunisiens sur les autres pays du Maghreb. La révolte tunisienne n'est que le début d'une série ? L'avis est quasi-unanime, la contagion n'aura pas lieu. A qui le tour ? Depuis les évènements récents de Tunisie, que les médias qualifient tantôt de révolte, tantôt de véritable révolution, la question est sur toutes les lèvres. Le mouvement du peuple tunisien qui a entraîné le départ du président Ben Ali a certainement fait souffler un vent de courage sur les autres pays du Maghreb. Algérie ? Egypte ? Où se produira un nouveau scénario à la tunisienne ? Pendant que certains s'enflamment (sans mauvais jeu de mots), d'autres tempèrent et tentent de rester lucides. C'est en effet de recul dont on fait preuve les participants à la première table ronde organisée mercredi dernier par l'Ecole de gouvernance et d'économie (EGE) de Rabat. Le premier thème de la série de séminaires était donc tout trouvé, murmuré par l'actualité du moment : y aura-t-il un effet de contagion sur les autres pays de la région ? Pas de recette tunisienne miracle Ce n'est pas l'avis de Jean-Noël Ferrié, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) français, qui explique que le lien de cause à effet entre un mouvement social et le départ d'un régime autoritaire n'est pas automatique. «Ce n'est pas parce qu'il y a eu mouvement social que ça a marché. Plusieurs autres éléments sont entrés en jeu, comme l'abstention de l'armée». En somme, des mouvements sociaux, il y en a toujours eu. C'est simplement qu'ils n'ont pas tous débouché sur la même issue. Djalil Lounnas, du Centre d'études et de recherches sur l'Afrique et la Méditerranée (CERAM), fin spécialiste de l'Algérie, soutient que cette dernière ne sera certainement pas atteinte de «tunisite aiguë». «En Algérie, la structure du pouvoir est différente de celle de la Tunisie. C'est l'armée qui gère le pays. Si problème il y a, elle interviendra. Quoi qu'il arrive». Selon lui, le soulèvement, s'il se produit, se fera en 2014, à la fin du mandat du président Bouteflika. «C'est à ce moment que l'on saura s'il y a eu ou non un effet de contagion», ajoute Djalil Lounnas. D'ici là, gare à l'«illusion théorique», donc ! «Chaque régime politique dispose de moyens différents pour contrôler la société», prévient Jean-Noël Ferrié. Ainsi, si a priori, les pays du Maghreb sont semblables, ce qui s'est passé en Tunisie ne va pas se reproduire pour autant. Pas d'illusion théorique ! Pourtant, en regardant, via le cinquième pouvoir qu'est devenu Internet, les dernières manifestations qui ont lieu en Algérie, et plus récemment en Egypte, les internautes du monde entier ne peuvent s'empêcher d'imaginer un remake du scénario tunisien. «Il ne faut pas exagérer les choses», rassure Ferrié. «Si 14 millions de personnes descendent dans la rue, ça ne veut rien dire. La question est de savoir s'ils y descendront plusieurs fois. Est-ce que cette foule va grossir, et rester dans la rue ?». Toujours dans cette optique, Abdelhak Sedrati, ancien président de la Commission des affaires sociales à la CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc), rappelle que des mouvements sociaux, il y en a eu depuis des lustres. C'est l'aboutissement qui diffère. «La spécificité du cas tunisien, c'est que ça a marché», résume à ce propos Djalil Lounnas. Ainsi, si les pays du Nord de l'Afrique paraissent semblables, ce sont de faux jumeaux ! «Il faut s'éloigner des paramètres classiques. Comparer ces pays ne revient pas à comparer leurs PIB et la misère qui y sévit. Il n'y a pas de révolution sans catalyseur !», lance Abdelhak Sedrati. En somme, sans déclencheur, rien n'arrive ! Et si la pauvreté, les inégalités, ou encore l'analphabétisme, sont des points communs aux pays du Maghreb (et pas seulement à ceux-ci d'ailleurs), cela ne veut pas dire que les Bouteflika, Moubarak et autres, vont tous se retrouver bientôt autour d'un café à Riyad…