Les dossiers épineux entre le Maroc et l'Espagne sont multiples. Celui des immigrés clandestins sahraouis vient de s'ajouter à leur longue liste. L'expulsion vers le Maroc de 17 immigrés clandestins prétendument sahraouis, décidée la semaine dernière par le gouvernement espagnol, est renvoyée à une date ultérieure. L'Audience National (Tribunal de Madrid) a ordonné, mercredi, la suspension de cette mesure en attendant que la justice examine les recours présentés par la défense des concernés. Selon les médias, cette décision a été prise après que la Commission espagnole d'aide aux réfugiés (CEAR) a alerté de l'«imminence des expulsions». Et de donner pour preuve, le transfèrement des immigrés légaux, mardi, de Fuerteventura vers un centre de rétention de Gran Canaria, réservé aux étrangers en situation irrégulière. Le prélude du refoulement. Argumentant sa demande, CEAR estime que la rapatriement vers le Maroc est une question de temps et plus précisément d'horaires des vols à destination de Laâyoune. L'affaire est au Parlement Prenant en compte les arguments de CEAR, l'Audience National a décidé dans l'urgence «la suspension immédiate de l'exécution de l'expulsion». L'AN estime nécessaire l'adoption de cette mesure afin que la justice se donne le temps pour examiner et les demandes d'asile des 17 immigrés clandestins et la décision du gouvernement de Zapatero de les expulser. La «revendication» de ces Sahraouis s'est même permis de se frayer un chemin à la Chambre basse du Parlement espagnol. Mercredi, le chef de l'exécutif, José Luis Rodriguez Zapatero, lors de la session appelée «contrôle du gouvernement», a répondu que le ministre de l'Intérieur, en ordonnant l'expulsion des 17 prétendus Sahraouis, s'est basé sur le manque de preuves des demandeurs d'asile d'une «persécution individuelle» de la part des autorités marocaines. Outre ce point, demeure en suspens l'épineuse question de déterminer si ces immigrés illégaux sont réellement des Sahraouis. Madrid a-t-il les moyens nécessaires pour mener à bien cette délicate mission. Force est de constater que la tâche n'est guère aisée. Si les autorités espagnoles réussissent à dénouer cet écheveau, elles auront réussi là où avait échoué, au début des années 90, la commission d'identification des Nations Unies des personnes éligibles pour le referendum. Dans cette affaire, le gouvernement de Zapatero tente de ménager la chèvre et le choux. D'un côté, il a décidé, sous la pression des associations polisariennes, d'examiner cinq demandes d'asile émanant de ce groupe de 22 immigrés illégaux. Et de l'autre, le ministère de l'Intérieur, dirigé par le très puissant Perez Rubalcaba, en prévision d'une mauvaise réaction des autorités marocaines, a ordonné l'expulsion de 17 d'entre eux. Une mesure que l'Audience National a rendue caduque mercredi. De quoi donner plus de temps aux lobbies du Polisario de «promouvoir» cette affaire, en la plaçant au cœur de la politique intérieure espagnole. A cinq mois des communales de mai, ce dossier est un aubaine pour les milieux conservateurs de ce pays. Une affaire à rebondissements Cette affaire remonte au 5 janvier, lorsqu'une patera avec à bord 22 prétendus Sahraouis échoue sur les côtes de Fuerteventura aux Iles Canaries. Une fois sur place, le groupe a immédiatement déposé des demandes d'asile politique à l'Office d'Asile et Refuge, l'autorité compétente pour ce genre de requête. Ils se disaient persécutés par les autorités marocaines à cause de leur participation au campement de fortune de Gdeim Izik, démantelé le 8 novembre dernier. Après un premier examen, l'asile politique leur a été refusé. Justement, l'office n'est pas parvenu à déterminer si les demandes émanaient réellement de Sahraouis victimes de répression. Le 11 janvier, le département de Perez Rubalcaba rejette l'ensemble des requêtes d'asile. Quelques jours plus tard, l'Office d'Asile et de Refuge décide d'examiner cinq des demandes. Le 26 janvier, l'Audience suspend l'expulsion des 17 immigrés clandestins.