Reprise des vols entre le Maroc et Israël après le Ramadan    L'ancien ambassadeur d'Argentine au Maroc décoré du Grand Cordon du Wissam Al Alaoui    Lutte antiterroriste: Le Maroc a développé une expertise ''unique et singulière''    Aziz Akhannouch s'entretient avec le Premier ministre français à Paris    Global Soft Power Index : Le Maroc se maintient parmi les 50 pays les plus influents au monde    Les débitants de tabac annoncent une campagne de boycott contre la Société marocaine des tabacs, la SMT    La justice américaine rejette le recours d'un citoyen marocain contre son expulsion, après une bataille de quinze ans    L'ONU coupe court aux spéculations et confirme un record de 17,4 millions de touristes au Maroc en 2024    Marrakech : Le Complexe sportif Sidi Youssef Ben Ali rénové et livré    Diaspo #377 : Ilias Ennahachi, un multi-champion de kickboxing aux Pays-Bas    Casablanca : arrestation d'un Français recherché pour trafic de drogue et blanchiment d'argent    À Témara, cinq enfants périssent dans l'incendie d'une habitation après l'explosion d'une bonbonne de gaz    Morocco's Govt. Head inaugurates Kingdom's pavilion at Paris International Agricultural Show    Le Festival international du film de Dublin célèbre le cinéma marocain    Un commissaire de police arrêté en flagrant délit de corruption à Aït Melloul    Application : Casablanca dévoile son patrimoine avec «CasaTourat»    Botola: Le Wydad Casablanca tenu en échec par le COD Meknès    A l'approche du mois de Ramadan, le prix de la tomate en hausse    Prêt et endettement : Bank Al-Maghrib met le holà aux abus    L'Algérie reprend secrètement ses livraisons de pétrole brut à Cuba    Revue de presse de ce samedi 22 février 2025    La Chine enregistre un record d'émission de certificats d'électricité verte en janvier    Botola : Les résultats et le programme de la 22e journée    Le Festival International du Film de Dublin 2025 rend hommage au cinéma marocain    4è Conférence ministérielle mondiale sur la sécurité routière : l'édition la plus productive selon Jean Todt    Salon International de l'Agriculture de Paris : Akhannouch aux côtés de Macron à l'inauguration officielle    Tanger Med : Avortement d'une tentative de trafic de 1.852 unités de pétards et de feux d'artifice    Alain Juillet : "Le Maroc a toujours été en pointe dans la lutte contre le terrorisme islamiste"    Qualifs. Afrobasket 25: Mission trop difficile pour les Lions face aux Panthères, ce soir, à la salle Ibn Yassine !    Ligue des champions UEFA : pour le prestige… et le chèque    Honduras : Ould Errachid se voit confier la coprésidence du Forum économique parlementaire Maroc-Foprel    La météo pour ce samedi 22 février    Evaluation du programme de développement régional : l'intriguant contrat de 3,76 millions de dirhams d'Abdellatif Maâzouz    Casablanca : ouverture du 13e congrès national de l'UMT avec une présence internationale    Cinéma : pour saluer Souleymane Cissé    Cinéma : dans "Mercato", Jamel Debbouze ne rigole pas    Les Pays-Bas vont restituer 119 bronzes du Bénin au Nigéria    RDC : le HCR demande 40 millions de dollars pour aider les civils fuyant les violences    Théâtre Mohammed V : Les artistes marocains du monde à l'honneur    Xi Jinping appelle à un développement sain et de qualité du secteur privé    Violation des sanctions américaines : une cargaison secrète de pétrole algérien arrive à Cuba    France 24 dénonce l'implication de l'Algérie dans la désinformation médiatique contre le Maroc    Qualifs. Afrobasket 25 : L'équipe nationale s'incline en ouverture    Le roi Charles III décore une infirmière britannique pour ses efforts en faveur des victimes du séisme survenu au Maroc    Clôture du 15e édition de l'exercice multinational Cutlass Express : participation exemplaire du Maroc    La signature marocaine, référence internationale de la légitimité de la diversité et de l'altérité (André Azoulay)    L'Humeur : Quand le CCM se ligue contre les festivals    Une cache d'arme découverte dans une zone montagneuse ayant servi de base arrière à la cellule terroriste démantelée mercredi au Maroc    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Tunisie : la Révolution Creative Commons
Publié dans Le Soir Echos le 18 - 01 - 2011


ABDELHADI SAID
Il est des volontés populaires que rien, surtout pas notre scepticisme aveugle, ne peut arrêter. D'une seule voix le peuple tunisien a rugi. D'une seule voix, il a fait fuir vers le désert d'Arabie et de l'Histoire celui qui s'est révélé n'être finalement qu'un lion de pacotille. Pourtant, ce sont 23 ans d'une dictature à la poigne de fer qu'on croyait inoxydable qui ont été balayés. Une dictature qui a vu naître presque la totalité de ces jeunes qui viennent de la renverser, au sortir d'une année, celle de 2010, décrétée « Année Mondiale de la Jeunesse », par Ben Ali lui-même.
La jeunesse tunisienne a propulsé son pays dans l'ère de la démocratie, armée de ses comptes twitter, pages facebook, de ses caméras intégrées, et de ses blogs dressés pour passer entre les gouttes de la cyber-censure. Armée d'une conscience en phase avec la marche du monde, forgée au contact de la modernité, d'une immense et sincère soif de liberté et d'émancipation, armée enfin de ses corps réels bravant des balles tout aussi réelles. En 29 jours, autonome et dépolitisée, elle a réussi ce que partout dans le monde arabe, des formations politiques dites opposantes, incarnées par des « figures » au disque rayé, de plus en plus en mal de crédibilité, n'ont fait que rater et rerater tout au long de générations entières.
La Révolution tunisienne est l'œuvre d'une intelligence collective. Une Révolution sans « prophète ». Comme ces équipes de foot qui jouent nettement mieux sans leurs stars (rappelez-vous la Mannschaft l'été dernier sans Ballack), la Révolution tunisienne a été d'autant plus efficace et, disons-le, expéditive qu'elle a été conduite sur un mode « collaboratif ». Ses ressorts sont de la même essence que ceux de Wikipédia. Ce janvier, l'encyclopédie libre fête précisément ses dix ans. De voir leur mayonnaise prendre de manière aussi fulgurante, la surprise des « révolutionnaires numériques » tunisiens a dû égaler en intensité celle des fondateurs de Wikipédia, ébahis devant l'essor impossible à arrêter de leur fol projet de départ. La Révolution tunisienne est la première Révolution Creative Commons de l'histoire.
Mais il y a fallu des sacrifices. Il y a fallu le sang, le feu et la haute tension. La Révolution tunisienne a éclaté lorsque les aspirations et les espérances de tous ont été irradiées par le désespoir puissant et énergique de quelques-uns. Les 30 mille volts qui ont brutalement mis fin, à 24 ans, à la vie de Houcine Neji, au sommet d'un poteau électrique à Sidi Bouzid, sont les mêmes qui ont électrocuté Ben Ali et l'ont éjecté loin de la Tunisie désormais débarrassée de sa tyrannie abjecte. Les flammes qui ont envoyé Mohamed Bouazizi, 26 ans, au Centre de traumatologie et des grands brûlés de Ben Arous, sont les mêmes qui ont fait de Ben Ali le grand brûlé de la démocratie de ce début de siècle – la gloire en moins. A lui les palais de Jeddah, comme ils ont été à d'autres tyrans avant lui. Pour justifier l'accueil de la famille présidentielle déchue, l'Arabie Saoudite invoque des « circonstances exceptionnelles ». En 1979, elle invoquait « la charité islamique », s'agissant du sanguinaire ougandais Idi Amine Dada, resté en exil à Jeddah jusqu'à sa mort en 2003.
Révolution Creative Commons, disais-je. Si ce qualificatif est juste, alors il y aurait de quoi « partager ». L'humanité tout entière en a longtemps cru incapables les peuples arabes : faire leur Révolution. Le démenti tunisien est historique. C'est aussi, indéniablement, une leçon. Les dictateurs vieillissants de la région n'en dorment plus la nuit. Ils y pensent chaque matin en se rasant. Et chaque fois qu'ils teignent leur fausse tignasse en noir avec reflets soyeux et luisants. Falsifier ses cheveux pour paraître jeune aux yeux de son peuple, voilà l'image la plus tristement risible qu'un dictateur peut, de nos jours, offrir à la face du monde. La Révolution est tunisienne, mais déjà son ombre déborde les frontières. Scandé en chœur par des dizaines de milliers de manifestants lors de l'ultime rassemblement du 14 janvier sur l'avenue Bourguiba, l'hymne national tunisien se souviendra qu'il est l'œuvre du poète égyptien, d'origine syrienne, Mustafa Sadiq Al-Rafi'i (aux deux célèbres vers d'Abou el Kacem Chebbi près). Tout aussi bien, les 186 ficus de la même avenue se rappelleront qu'ils sont originaires de Annaba l'Algérienne, d'où ils ont été importés en 1859.
La débenalisation et encore mois la détrabelsisation de la société tunisienne ne se feront pas du jour au lendemain. Une période d'incertitude, de vide, voire de chaos relatif n'est pas à exclure. Souhaitons-là la plus courte possible. Mais surtout ne craignos rien pour l'avenir de la liberté des tunisiens. Ils l'ont payée suffisamment cher pour savoir que c'est désormais leur bien le plus précieux. C'est leur âme enfin retrouvée.
Il faut, pour finir, dire un mot sur Wikileaks. Beaucoup s'interrogent, à juste raison, sur le caractère déterminant des 17 câbles intéressant la Tunisie. Il y est question notamment des clans Ben Ali et Trabelsi, qualifiés de « quasi mafia ». Repris sous la dénomination Tunileaks, traduits et largement relayés par des bloggeurs locaux indépendants et tout de courage, les fuites diplomatiques ont clairement contribué à la cristallisation de la haine contre le régime. Dans un sens, Ben Ali ouvre le bal des victimes de l'ère Wikileaks. Tous ceux qui ont sous-estimé la portée des « pseudo-révélations » propulsées par Julian Assange n'ont qu'à bien se tenir.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.