Premier long métrage du réalisateur Mohamed Mouftakir, Pegase raconte la quête de vérité de Zineb, une femme en prise avec un drame qui a bouleversé sa vie. Véritable plongée dans l'imaginaire et l'inconscient, le film explore l'esthétique et le symbolique pour dessiner l'identité brisée d'une femme. Pegase suit le cheminement de Zineb, une psychiatre de 40 ans, à qui l'on confie la délicate mission d'enquêter sur l'agression de Rihana, une jeune femme retrouvée traumatisée. Emmurée dans son monde intérieur, fait de légendes et de réalités déformées, Rihana est un personnage en marge de la société, en pleine déroute identitaire. En essayant de comprendre l'histoire de cette jeune fille, Zineb va peu à peu perdre le contrôle face à cette énigme, où les cartes mélangent rêve et réalité, passé et présent, sacré et profane. Les deux actrices Majdoline Drissi et Saâdia Ladib, récompensées ex-æquo par le premier prix au festival national de Tanger, incarnent admirablement ces deux facettes de femme, donnant corps à un inconscient ravageur et à une construction identitaire brisée. Si l'œuvre s'annonce à ses débuts comme un film fantastique, elle n'assume pas pleinement le genre jusqu'au dénouement. Les éléments fantastiques s'inscrivent plus comme des moyens de dessiner la réalité confuse d'une femme, sans jamais s'engouffrer dans le surnaturel. «Dans «Pegase», il y a l'interprétation du réel faite par un personnage traumatisé. Elle construit sa propre réalité, fictive et virtuelle pour échapper à une réalité qui la traumatise», explique le réalisateur au Soir échos. S'ensuit un jeu d'images construit sur une chronologie galopante, filant entre présent et passé, rêve et réalité, pour franchir les obstacles d'une identité brisée. La quête de vérité autour du mystère qui entoure l'agression de Rihana se déroule dans une esthétique fascinante, se parant d'une lumière bleutée puis de contrastes d'ombre et lumière. Les plans et les mouvements de caméra servent avec sensibilité l'exploration de l'imaginaire déchiré de la jeune femme. Si l'esthétique sert la portée symbolique du film, elle dessert en revanche l'intrigue, dont les ficelles se déploient dans une certaine lenteur, donnant quelques longueurs au film. Le drame se dévoile, s'appuyant au fur et à mesure sur une utilisation symbolique des éléments du récit, dont le cheval. «Dans la culture arabo-musulmane, le cheval a plusieurs significations : la noblesse, la beauté et la virilité. On assimile le cheval à l'homme. Le père de Rihana, qui veut avoir absolument un enfant mâle, compense cette idée par l'élevage des chevaux. Il manipule l'identité de son enfant à travers un animal qui est considéré dans la culture arabo-musulmane comme le symbole de la divinité et de la virilité», nous explique Mohamed Mouftakir. Un parti pris sur la dimension métaphorique qui donne à la fois densité et lourdeur au film. Après quatre courts métrages prometteurs («L'ombre de sa mort», «La danse du fœtus», «La fin du mois» et «Chant funèbre»), Mohamed Moufkatir signe avec «Pegase» un premier long-métrage à l'esthétique soignée et sublimée, au service d'une expérimentation narrative novatrice dans le cinéma marocain. Le film, récompensé par de plusieurs prix, notamment au Festival national du cinéma de Tanger, ou encore au Festival international du film de Dubaï, sort dans les salles, mercredi 12 janvier.