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Hamid Benchrifa, président de l'Association marocaine de solidarité et de développement (AMSED) « Il y a un conflit entre l'associatif et le communal »
A quelques jours de la fin de la campagne «Sidaction Maroc 2010», le fait marquant, pour les militants, reste une éventuelle réduction des financements qui seront accordés par le Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme au Maroc. A votre avis, quel en sera l'impact sur nos ONG ? Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme est une institution financière internationale créée en 2002 visant à augmenter la dépense publique pour enrayer la progression de ces trois maladies. Depuis, le Fonds mondial est devenu la principale source de financement des programmes de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et ce grâce aux dons d'un certain nombre de pays surtout les plus riches. Certes, avec la crise économique mondiale et son impact sur les économies, les finances et les attributions des dons à l'échelle internationale, cet instrument a été affecté. Face la restriction des financements qui lui sont accordés, le Fonds mondial a donc décidé de ne « prioriser » son intervention que dans les pays à bas revenu et où la prévalence est généralisée, en l'occurrence les pays de l'Afrique subsaharienne. Bien qu'elle soit fondée, à mon sens, cette logique est à remanier. Le Maroc est un pays de basse prévalence, mais le sida est en constante évolution. C'est pour cette raison qu'on ne peut pas restreindre les financements à des pays comme le nôtre même si l'épidémie n'est pas tellement répandue «Mieux vaut prévenir que guérir». Au-delà des finances que le Fonds mondial peut mobiliser, sur son agenda, la problématique du sida doit être maintenue comme étant une priorité dans tous les pays où le virus existe, c'est-à-dire, tout le monde. Au Maroc, le Fonds mondial a largement contribué à la lutte contre le sida via l'appui financier à la mise en œuvre du Plan national de lutte contre le sida, et dans le cadre duquel des associations contre cette épidémie jouent un rôle important. Si demain, le Fonds mondial se retire, il est certain qu'il y aura des répercussions. D'où l'importance de ne pas dépendre d'une seule et unique source de financement mais de la diversifier et de développer un portfolio de bailleurs de fonds potentiels. Le Maroc, faisant partie de la région MENA où existe « The civil society action» (CSAT), une initiative qui appuie la société civile de ces pays sur le plan positionnement et non financièrement. Le Maroc ne peut pas construire son action de lutte contre le sida avec un seul scénario, il doit trouver d'autres alternatives. Le Fonds mondial a entamé son appui au Maroc en 2002, mais à l'AMSED et à certaines autres organisations nationales, la lutte contre le sida est bien plus antérieure. Et comme disent les Français : «Lorsqu'on n'a pas les moyens de faire une politique, il faut faire la politique de ces moyens». Donc, on continue notre lutte contre le sida avec d'autres sources de financement ou faire avec ce que nous avons aujourd'hui. Comment l'AMSED mène-t-elle son combat contre le sida? L'AMSED, dans ses axes d'intervention, s'est fixé quatre grandes orientations stratégiques à savoir : Le renforcement institutionnel, l'Environnement, l'Education et la Santé dont le volet de la lutte contre le sida. L'AMSED, avec une expérience de 12 années en matière de prévention des IST et du VIH/sida, a vite compris que le VIH/sida n'est plus affecté uniquement au secteur sanitaire, mais considéré comme ayant une dimension sociale et économique. L'AMSED est, en un premier temps, une association de développement qui œuvre sur le renforcement des capacités. Elle dispose, à présent, d'une grande mobilisation de fonds pour accomplir sa mission concernant le renforcement des capacités des associations dans plusieurs thématiques dont aussi celles de lutte contre le sida et sa stratégie de l'intégration de la prévention dans les programmes de développement. Elle représente celles-ci au sein du Comité de coordination du Maroc (CCM) au sein duquel nous avons invité les différents membres à réfléchir à l'après-fonds. L'action de lutte contre le sida ne s'arrêtera pas et nous devons explorer ensemble d'autres sources et nous positionner. Actuellement, ce qui pose un sérieux problème, c'est le dépistage. Cela fait presque vingt ans que vous travaillez avec les associations du Maroc entier. De quelles contraintes souffrent-elles le plus? D'abord un constat unanime et national : les ONG jouent un rôle primordial parce qu'elles sont proches des populations et jouissent d'une souplesse au point de vue pratique. Mais, malgré ce dynamisme, elles n'ont pas toutes les compétences pour atteindre leurs objectifs. L'associatif des années 70 n'est pas celui des années 2000. Avant, les activités étaient ponctuelles, aujourd'hui, l'associatif est impliqué au quotidien dans le développement économique et social. Pour mener ce travail, il faut des capacités humaines et techniques plus que des financements. L'INDH a donné les moyens et pourtant nous n'avons pas pu percevoir des évolutions dans différents niveaux, d'où la nécessité de renforcer l'associatif sur trois axes fondamentaux : l'institution associative, la gestion interne de l'association et sa relation avec son environnement. Sur le terrain, il y a un conflit, en ce moment, entre l'associatif et le communal. Je suis convaincu qu'à l'origine se trouve la méconnaissance de l'un et de l'autre. Le jour où leurs rôles seront assurés et maîtrisés, il n'y aura plus de malentendu. A mon avis l'association, à elle seule, ne peut pas représenter les citoyens. S'il y a une question à débattre en urgence, aujourd'hui, c'est bien : Quel est le rôle de l'associatif ? Eau potable, microcrédit, environnement, construction de pistes… Est-ce que c'est à cela que tient le rôle d'une association ? Quel est le rôle d'une association, à votre avis ? Pour moi, le rôle de l'associatif doit porter, en priorité, sur la mobilisation de la population, son encadrement, son information et formation, et du plaidoyer… C'est ce que l'AMSED effectue auprès d'un grand nombre d'ONG depuis sa naissance. Afin d'impliquer les associations de projets, AMSED leur fournit les moyens de le faire, surtout des ressources humaines ayant toute l'expertise exigée et d'une manière permanente. Le développement social ne peut pas être réalisé avec le volontariat, vu l'obligation de la présence sur le terrain. Les problématiques sociales, comme les enfants des rues, ont besoin d'être traitées par des spécialistes et non par des volontaires. C'est le défi de la société ! On ne sait pas combien le Maroc compte-t-il d'associations : 40.000, 50.000, ou 70.000. Mais sont-elles capables de mener des actions de développement ? Les actions sont lancées sans objectifs fixes, sans pilotage, sans indicateurs, sans suivi. Dans la majorité, les associations ont un problème d'orientation stratégique. La volonté est là, mais pas les moyens.