Madrid a décidé, vendredi, d'extrader vers le Maroc, Ali Aarrass, un Belgo-Marocain soupçonné d'être lié au réseau Bellirej. Me Mohamed Ali Nayim, avocat espagnol de Ali Aarrass : «La décision d'envoyer Ali Aarrass au Maroc est une contradiction. Elle rompt avec le principe juridique selon lequel on ne peut juger une personne deux fois pour le même fait». Une soixantaine de personnes ont manifesté samedi 20 octobre après-midi devant l'ambassade d'Espagne à Bruxelles pour dénoncer la décision prise vendredi par Madrid d'extrader vers le Maroc Ali Aarrass, un Belgo-Marocain soupçonné d'être lié au réseau Abdelkader Bellirej. Agé de 46 ans, Ali Aarrass est détenu depuis deux ans en Espagne, d'abord à Madrid, puis à Badajoz et enfin à la prison Botafuegos à Algesiras, en attendant la décision de son extradition vers le Maroc. Il avait été arrêté le 1er avril 2008 à Mélilia par la police espagnole suite à un mandat d'arrêt lancé par le Maroc en raison d'accusations selon lesquelles il aurait fait transiter des armes de Belgique vers le royaume au bénéfice du réseau Belliraj. Selon les organisateurs de la manifestation, cette décision d'extradition, qui ne serait pas étayée par des preuves, aurait pour but de calmer les multiples tensions politiques survenues entre l'Espagne et le Maroc. En février 2008, après l'arrestation de 35 personnes dont six politiques, suite au démantèlement du réseau dirigé par Abdelkader Belliraj, des arrestations ont eu lieu dans différents pays européens, notamment en Belgique et en Espagne où un autre Marocain naturalisé espagnol, Ahmed El Bey, risque lui aussi d'être extradé. En Belgique, 11 personnes ont été arrêtées suite à un mandat d'arrêt international et à une demande d'extradition du Maroc. Sur ces arrestations, le rapport annuel de la Sûreté d'Etat belge (2008) dit ceci : «Le 27 novembre 2008, en Belgique, douze perquisitions ont été menées et onze personnes interpellées dans le cadre d'une enquête pénale ouverte par le parquet fédéral contre X pour participation, sur le territoire belge, à des activités de la mouvance terroriste autour de Bellirej». En Espagne aussi, suite aux mêmes mandats d'arrêt et demandes d'extradition marocaines, des arrestations ont lieu. Le 1er avril 2008, le Belgo-Marocain et Bruxellois Ali Aarrass et l'Espagnol Mohamed El Bay sont arrêtés à Mélilia. La Belgique refuse les demandes d'extradition Après les arrestations en Belgique et en Espagne, des tribunaux se sont prononcés sur la demande d'extradition des personnes mises en cause. La Cour d'Appel de Bruxelles s'est prononcée contre l'extradition en déclarant qu'il s'agit clairement d'une demande d'extradition de la part du Maroc pour des «raisons politiques». La Sûreté de l'Etat belge avait ajouté : «Parmi les détenus, aucun ne sera finalement extradé, les éléments communiqués par les autorités marocaines n'ayant pas été jugés pertinents» (Rapport annuel 2008). Contrairement à la Belgique, la justice espagnole et le juge d'instruction Baltasar Garzon vont d'abord établir qu'il n'y a pas de fondements pour les accusations contre Ali Aarrass. Ce derenier avait fait l'objet d'une information judiciaire ouverte en 2006 par l'Audience nationale pour terrorisme mais, le 16 mars 2009, cette juridiction l'a provisoirement close en raison de l'insuffisance des éléments de preuve, selon un rapport d'Amnesty International du 21 avril 2009. Malgré la mise hors de cause de Ali Arras, le tribunal espagnol a accepté la demande d'extradition formulée par le Maroc. Suite à ce jugement, Aarrass avait entrepris une grève de la faim de deux mois pour clamer son innocence, contester ses conditions de détention et s'opposer à son extradition vers le Maroc. Selon Maître Mohamed Ali Nayim, avocat espagnol du Belgo-Marocain : «La décision d'envoyer Ali Aarrass au Maroc est une contradiction. Elle rompt avec le principe juridique selon lequel on ne peut juger une personne deux fois pour le même fait. Comment peut-on extrader une personne qui a déjà été jugée en Espagne ?». Suite à plusieurs opérations de protestation, un large mouvement de solidarité s'oppose à son extradition. Amnesty International (Espagne), pour sa part, a lancé un appel pour ne pas extrader Ali Aarrass et même Mohamed El Bay vers le Maroc, car «ils risqueraient d'être détenus au secret, de subir des actes de torture et d'autres mauvais traitements, ainsi que d'être victimes d'un procès inique», avait noté Amnesty en avril 2009. D'autres parties se sont jointes à Amnesty, le président de la ville occupée de Mélilia, Juan José Imbroda, et son gouvernement local dirigé par le Partido Popular (PP), la Coalition pour Mélilia, la Commission islamique, l'Association «Inter Culture» se sont en effet tous unis pour s'opposer à cette extradition.