Fils de Colombie, Gabriel Garcia Marquez fait partie du cartel le plus puissant d'Amérique du Sud. Celui des écrivains latins aux œuvres traduites dans plus de 35 langues. Il jouit d'une reconnaissance internationale depuis « Cent ans de solitude », publié en 1967. Un roman à l'imagination interminable et aux métaphores paraboliques haute définition, puisé dans son enfance, et inspiré par sa grand-mère Tranquilina Iguaran Cotes… « Une femme nerveuse et visionnaire qui adorait entrer la nuit dans ma chambre pour me terroriser avec ses histoires de fantômes et de revenants », confiait-il. C'est d'ailleurs dans cette maison où il a grandi chez ses grands-parents, avec son ambiance, ses occupants, qui constituera la base de ce « chef-d'œuvre » littéraire. Car avec « 100 ans de solitude », Gabriel Garcia Marquez a réussi la prouesse originale de raconter, d'imager, chaque année des 100 ans qui traversent ce roman où, après quatre pages, on passe déjà à l'année suivante, avec des transitions naturellement fluides, le tout dans une saga familiale riche d'incestes et d'événements fantastiques. Pour Gabriel Garcia Marquez, le succès phénoménal de ce roman est pour le moins surprenant. « J'ai cru d'abord à une blague car ce livre est intime, pétri de messages personnels, comme une lettre ou un clin d'œil envoyé à ma famille. Son succès a été une grande surprise pour moi ». Avant de devenir un écrivain céleste, Gabriel Garcia Marquez (Gabo) fut tout au long de sa vie un journaliste brillant. D'abord, pour le quotidien colombien « El Heraldo », à Barranquilla, au début des années 50, où il se lie d'amitié avec Samudio, Mutis et Mendoza, ses « professeurs ». Ensuite, en tant que correspondant en France, en Italie et en Europe de l'Est pour le journal colombien « El Espectador ». En rentrant d'Europe, il s'installe au Venezuela en 1957. Un an plus tard, il épouse sa compagne lors d'un voyage éclair en Colombie. Ils vivront à Caracas. Deux enfants et quelques journaux plus tard, il s'installe avec sa famille au Mexique et devient rédacteur en chef de deux magazines. Mais Gabo à la bougeotte. Gabo est free-vol. Il part vivre à Barcelone entre 1968 et 1974, avant de revenir quasi définitivement au Mexique. Dès lors, il sera publicitaire, scénariste, éditorialiste, romancier, journaliste et chroniqueur politique… Autant de métiers (créatifs) qu'il n'a de touches sur son clavier. Qui est véritablement « Gabo » ? Le poète Alvaro Mutis avait déclaré un jour à son sujet : « Il y a une vie publique, une vie privée, et une vie secrète». Du haut de ses 82 ans, Gabo a abusé de ses trois vies, s'amusant constamment à tromper et détromper son monde, donnant régulièrement des fausses pistes sur sa vie, revendiquant tout et son contraire… Son imagination n'est pas un don littéraire mais un défaut de fabrication. Pendant son enfance, son père disait constamment de lui : « Ne l'écoutez pas, il ne fait que raconter des histoires !». Et « Gabo » ne changera pas, depuis. Pire, il s'appliquera, s'amusera, dans la vie comme dans la fiction, à développer cette faculté à inventer des choses qui n'existent pas, et à en faire un métier. Comme si ce journaliste qui a parcouru la Terre entière pour la rapporter, se faisait un point d'honneur de ne jamais prendre la vie au sérieux, de l'embellir ou de mentir dessus. Sûrement du fait de ses origines, lui qui a grandi dans une famille où on riait aux éclats du matin au soir, trouvant refuge dans les légendes et la légèreté. Durant ses années de journalisme et de bohème studieuse, Gabo découvre Hemingway, Virginia Woolf, Kafka, Joyce… Mais c'est Faulkner son préféré. Sur l'estrade du Nobel en 1982, il dira de lui : « Mon maître William Faulkner a dit dans ce même lieu : ‘‘Je me refuse à admettre la fin de l'homme''… Et bien, je ne me sentirais pas digne d'occuper cet endroit qui fut le sien, si je n'avais pas pleine conscience […] que la catastrophe colossale qu'il se refusait à admettre il y a 32 ans n'est ni plus ni moins une possibilité scientifique ». Pire, elle est devenue écologique. Un puits d'inspiration Ces auteurs, mais aussi ses parents, ses grands-parents, ses enfants, ses compatriotes… tous seront pour Gabriel Garcia Marquez un puits d'inspiration. Ses romans stars, outre « 100 ans de solitude » (1967), sont « Chronique d'une mort annoncée » (1981) et « L'amour au temps du choléra » (1985). Le 29 octobre prochain, sortira « Yo no vengo a decir un discurso » (Je ne viens pas faire un discours), une compilation de textes destinés à être lus en public. Il dira à son éditeur après lui avoir envoyé cet ouvrage : « En lisant ces discours, je redécouvre comment j'ai changé et évolué comme écrivain ». L'enfant à l'intérieur de l'auteur est, lui, toujours resté le même !