Dès ses treize ans, il se joignait à une troupe de théâtre amateur avec, notamment, Boujemii, plus tard célèbre comme tous les membres de Nass El Ghiwane. Mohamed Zouhir, comédien et metteur en scène de théâtre a été l'acteur principal d' « Un amour à Casablanca », le film d'Abdelkader Legtaâ. Sous la direction de celui-ci, ce père d'un petit mouflet qui regarde autour de lui avec enchantement a pu manifester, à plusieurs reprises, ses dons de comédien. Tout cela venait de loin dans sa vie. En effet, il avait rejoint Boujemii et certains membres du groupe de troubadours Tagada, lesquels continuent à se produire sur scène en chantant des airs du Haouz ou de la Chaouia. Zouhir a même participé à l'écriture de textes du groupe Lemchaheb. Repéré par Tayeb Seddiki, toujours à l'affût des talents, à la suite d' « Un amour à Casablanca » (que suivirent « La Porte Close » et « Yasmine et les Hommes » ) Zouhir devint assistant metteur en scène et comédien-chanteur. Il a ensuite dirigé la troupe théâtrale régionale de Rabat où il monta « Homme pour homme » de Brecht et traduisit en l'adaptant « La Noce des petits-bourgeois ». Je l'interroge sur les auteurs marocains figurant à son répertoire et il me cite Youssef Fadel et Abdeslam Gouindi, dramaturge et critique de théâtre qui vit à Safi. Il y a eu dans la formation de Mohamed Zouhir un long épisode français au cours duquel notre homme fit des études de philosophie et de sociologie à Lyon. D'où sa retombée sur ses pieds de théâtreux avec la constitution d'une troupe de comédiens marocains à Villeurbanne. L'expérience déboucha carrément sur la fondation d'un lieu de théâtre et de musique à Lyon, Place des Terreaux, le Vaisseau public, cette fois, avec des comédiens, français. Zouhir y accueillit des groupes de hard rock, « Les Garçons Bouchers », « Pigalle et L'Affaire Luis Trio ». En 1988, il rentre au Maroc et intègre le théâtre Mohammed V de Rabat, à quelques centaines de mètres duquel nous conversons à chacun de mes passages. Je dois d'avoir rencontré Zouhir à un lutin du nom d'Abdessamad Miftah El Kheir que j'ai pu voir tous les jours pendant deux mois riches de moments hilarants à Paris mais qui est quasiment injoignable au Maroc. Qui sait ? Ce jeune comédien est assez narcissique pour être en train de lire cette chronique où son nom apparaît ! Un autre nom sera à l'affiche dans le prochain spectacle auquel travaille Mohamed Zouhir. C'est celui d'Abdesslam Chraïbi, un auteur qui a tiré d'une qassida du melhoun la pièce « El Harraz » dont Tayeb Saddiki avait donné une version demeurée dans les mémoires. C'est l'histoire d'un homme venu d'Arabie qui séquestre une jeune fille. La pièce a été écrite dans les années soixante et jouée par la troupe Wafa Marrakouchi puis celle de Tayeb Saddiki, suite à quoi naquit le groupe Nass EL Ghiwane. Le melhoun est ainsi remis à l'honneur et avec lui toute une culture populaire. Zouhir a choisi d'adapter « El Harraz » dans un contexte contemporain. Le metteur en scène y jouera lui-même le rôle du valet du libérateur de la dulcinée tenue captive. La scène se passe à Azemmour. Le spectacle promet avec la présence sur scène de deux membres de Jil Jilala : Tahar Asbahani et Abdelkrim El Kassabji. Zouhir me quitte sur une définition de son art. « Ce qui me retient, c'est la raison ludique ». Reste une question : Dounia Boutazout sera-t-elle Aouicha dans « El Harraz » ? Le goût de faire œuvre collective au bénéfice du public le plus nombreux possible, en respectant ce public, en lui offrant un divertissement non ennemi de l'intelligence et de la sensibilité, tout cela fait de Mohamed Zouhir un artisan, parmi d'autres, du partage des fous rires et des savoirs. C'est ainsi que le théâtre réunit les gens.