Qu'elle s'éventent, se désaltèrent, montent à bicyclette à quelle mètre de palmiers intimidés par leur corpulence ou étendent leur linge en gardant les yeux clos, que le sommeil les gagne lorsqu'elle lisent « L'ennui » d'Alberto Moravia sans ôter un voile vert d'où ne transpire que leur front, les héroïnes, lasses, timides ou possiblement effrontées que peint à Agadir le médecin généraliste Abderrazzak Benyakhlef sont touchantes comme sauraient l'être des personnes réelles, perdues, éperdues, confites dans leurs rêveries. Ces grosses dames à l'embompoint têtu et même entêtant disent au spectateur d'étranges promesses tantôt délètères, tantôt reviorantes, comme si le peintre savait que rien n'est acquis hors le spectre des couleurs. Benyakhlef offre une promenade r'batie à ces grosses dames aux yeux vifs et aux mollets roses. Sur les cimaises du Grand Comptoir, les modèles imaginaires du peintre gadiri nedédaignent pas de se montrer vaquant à leurs lentes occupations aux Oudaïas, car notre artiste n'aime pas seulement la vill où il exerce l'art de soigner tout en trempant ses pinceaux dans la palette la plus tendre. Les tons pastels s'animent pour une joueuse de cartes si complètement voilée qu'elle nous cache sûrement un brelan d'as. Ce qu'on aime immédiatement, à contempler les créatures nées de l'imagination, et sans doute aussi du don d'observation que possède le peintre, c'est avant tout le sentiment d'être accueilli par les images qu'il concocte. Ces dames nous sourient-elles ? On exgérerait en l'affirmant. Leur bienveillance à l'égard du spectateur reste à prouver. Croise-t-on seulement leur regard ? Les corps amples, à peine voluptueux, comme figés dans la surprise d'être aimés du peintre, il convient de leur laisser le temps de se donner et de s'abandonner aux tns et aux couleurs, aux portes et aux terrasses, au thé qui coule dans le verre ou au vet de la menthe, comme si la couleur infusait. Il me semble que le peintre baigne encore dans les émerveillements rétifs de l'enfance. Il toque aux portes de la conscience qu'il acquiert des autres. L'éternel féminin le méduse et le voici rusant, tel un conteur que l'évolution des comportements et la lenteur des conciliations laissent pantois. Jusqu'où ces dames l'entraîneront-elles? De quoi rêvent-elles? Telle mère qui frotte le dos de sa fille à la plage trouve peut-être son enfant bien grincheux alors qu'il fait si beau et que le ciel semble destinée à demeurer d'un bleu confiant. Le choix qu'a fait Benyakhlef de priver de regard les femmes en jellaba peut paraître spécieux ou témoigner d'un goût pour le pamphlet. Il n'empêche que notre artiste peint aussi volontiers une golfeuse qu'une adepte de la balançoire. S'il menait tout ces dames, solidement étreintes par les coquelicots qui les entourent, hors du Grand comptoir où les observent du coin de l'oeil des boursicoteurs venus se désaltérer et des gens convaincus de découvrir le Botéro marocain, Benyakhlef les inviterait sûrement à Agadir, au musée municipal, où du 20 juillet au 7 août il montre, non plus de corpulentes rêveuses, mai sun autre versant de son art, à la recherche de la lumière, des oeuvres qu'on dira abstraites et qui confirment sa passion pour la liberté d'imagination et de création. Lorsqu'il agit en détecteur des songes de passantes actives ou vannées, Benyakhlef y met une sympathie dont témoignent des couleurs jamais agressives. On dirait, cette part de production, que le peintre a voulu ouvrir les fenêtre de l'âme, pacifier les regards que nous portons les uns sur les autres et faire voler les dames éventuellement cloîtrées jusqu'au grand large où les menaient leurs rêves d'enfance. L'amateur de peinture va pouvoir se faire de nouvelles amies énigmatiques avec les créatures mi-empêchées mi-acrobates auxquelles Abderrazzak Benyakhlef donne toutes les chances qu'il peut, de devenir complices de chacun d'entre nous.