Présenté à l'occasion du festival «Alegria», organisé du 8 au 10 juillet à Chefchaouen, le spectacle «Rythmes de la mémoire» réunit l'artiste espagnole, Rocio Marquez et l'artiste marocaine, Samira Kadiri. Ce duo de femmes explore le flamenco et la musique andalouse marocaine, mettant en lumière le patrimoine commun des deux rives. Dans cet entretien à deux voix, Samira Kadiri et Rocio Marquez évoquent leur collaboration et leurs convictions. Samira Kadiri : Il s'agit d'une création pour ouvrir le festival «Alegria». Notre travail est une rencontre entre deux femmes, une gitane et une mauresque. Notre duo de femmes n'est pas une fusion, c'est un dialogue entre deux cultures. Nos cultures sont différentes, mais elles ont la même origine, et sont nées dans la péninsule ibérique. On a donc travaillé sur les connections entre les chants andalous et la musique des gitans, le flamenco. On a exploré les saetas, le mawal mauresque, l'istikhbar gharnati et les seguiriyas du flamenco pour trouver les rapprochements, les points de dialogue. Sur le plan musical, c'est un dialogue entre le luth et la guitare par exemple, qui sont de la même famille. Rocio Marquez : Cela fait deux ans que nous nous sommes rencontrées. Dès le début, le projet m'a paru une idée brillante et nous sommes aujourd'hui très heureuses de cette collaboration. J'apprends beaucoup en l'écoutant chanter et en écoutant les musiciens. Nos musiques ont des racines communes et c'est à partir de là que nous travaillons. Au travers de cette collaboration, que souhaitez-vous transmettre au public ? Samira Kadiri : Tout cela permet de rendre hommage à la femme, qui a transmis ces chants. L'objectif de notre collaboration était de créer une passerelle entre les cultures. Cette fois-ci, j'ai voulu axer le travail sur la voix de la femme. La femme est souvent restée à l'écart. Par notre voix, nous rendons hommage à la femme. C'est une occasion de lui donner sa vraie place. Rocio Marquez : L'essence du spectacle réside dans le respect et l'admiration entre les cultures. La coexistence, comme l'indique le nom du festival, «Alegria», peut se faire dans la joie. Notre travail a été plus facile que ce qu'on pourrait imaginer. Je crois que c'est à l'image de ce qui se passe entre les peuples. Il est facile de communiquer et de se comprendre si on a l'envie et la volonté. Comment envisagez-vous la coopération entre les deux rives, sur le plan musical et au-delà ? Samira Kadiri : Le dialogue entre les deux rives est justifié car si on regarde l'histoire, c‘est à travers la péninsule ibérique qu'ont coexisté beaucoup de religions et de cultures. On voulait voir l'expulsion des mauresques d'un côté positif car elle a donné naissance à toute une richesse. Dans cette coopération, il y a beaucoup de thèmes à aborder, c'est un domaine très vierge pour les artistes. Les artistes peuvent réaliser des choses que les politiciens ne peuvent pas faire. Nous créons des passerelles entre les peuples. Rocio Marquez : Si les personnes veulent se comprendre, c'est possible de faire quelque chose ensemble. Sur le plan humain, au-delà de la musique, c'est la même chose, si la volonté est là, les gens peuvent se comprendre.