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«La politique adoptée pour la gestion des stocks est un échec» : Abderrahmane Sarroud, Président de la Chambre des pêches maritimes d'Atlantique centre d'Agadir
Les Echos quotidien: À partir du mois prochain, la période d'arrêt de la pêche au poulpe sera instaurée. Pourquoi rejetez-vous la décision du ministère de tutelle puisqu'il s'agit en fin de compte de la préservation du stock parental de cette espèce ? Abderrahmane Sarroud: Je tiens à préciser que le premier souci des professionnels est également la préservation et la pérennité des ressources marines dont le poulpe au niveau de la zone sud. À cet égard, je tiens à rappeler les sacrifices consentis par les trois segments de pêche pour la réduction de l'effort de pêche dans la zone sud, par la création et la contribution effective au fond de restructuration instauré depuis 2003. Or, sept années se sont écoulées depuis cette date et les quotas de capture alloués aux trois segments de pêche ont subi des réductions régulières, ce qui démontre l'échec de la politique adoptée pour la gestion des stocks et l'effet de la non application des mesures d'accompagnement convenues, notamment le renforcement du contrôle et de la traçabilité. De plus, les données peu fiables fournies par l'INRH ne reflètent pas la réalité de l'état de la ressource. Tous ces facteurs ont contribué à l'effondrement de la ressource poulpière. Avez-vous partagé vos appréhensions avec le ministère de tutelle? Depuis 2010, nous avons entamé une série de réunions avec le département de la Pêche maritime, selon un planning établi, afin d'étudier tous les facteurs contribuant à l'affaiblissement de la ressource et pour envisager les solutions adéquates. Une réunion avait été organisée le 23 mars dernier pour la présentation du bilan de ce processus et a connu la présence de tous les représentants de la profession, du secrétaire général, de la directrice de la Pêche maritime et de l'aquaculture, ainsi que de l'INRH. Quelles en étaient les principales conclusions ? Il a été décidé à l'unanimité d'instaurer, à titre expérimental, une seule période de repos biologique en automne (août-septembre-octobre). Il a également été procédé à l'interdiction de l'utilisation des pots où vivent les femelles de poulpes grainées qui sont récupérés par les barques de pêche artisanale et vendues illégalement. À ce niveau, il faut noter que durant les sept dernières années, les braconniers et les contrebandiers se sont adonnés à la pêche illicite dans la zone Sud et ont réalisé des tonnages allant jusqu'à 100t en période de repos biologique. Or, aujourd'hui, nous sommes surpris par la décision unilatérale d'instauration du repos biologique printanier qui contredit les engagements du secrétaire général et ouvrent la voie à des pratiques illégales. Dans ce sens, les professionnels craignent qu'à l'ouverture de la pêche au mois de juin prochain, la ressource ne soit déjà épuisée et que tous les efforts qu'ils auront consentis soient vains. Je réitère également que le souci de préservation de la ressource anime toute la profession, car la continuité de leurs investissements et des emplois générés en dépend. Depuis plusieurs mois, la rupture des stocks en petit pélagique a entraîné l'arrêt de certaines industries de conserves de poissons à Agadir. Quels sont les raisons de cette situation et de quelle façon y remédier ? Le stock pélagique dans la zone comprise entre Safi et Laâyoune est épuisé depuis huit ans, quoique l'activité se limite de 2 à 3 mois par an. En revanche, la zone sud jusqu'à Dakhla est plus poissonneuse. Cette année, les conditions climatiques défavorables et le réchauffement des eaux a fait que la ressource a régressé. Par ailleurs, en tant que professionnels, nous constatons un vrai manque de données scientifiques, notamment des études ciblées pour expliquer ces phénomènes de la part de l'INRH, ce qui fait que les moyens pour remédier à ce problème sont inexistants jusqu'à présent. Le système de VMS (contrôle satellitaire des navires) sera opérationnel à la fin du mois prochain. Les pêcheries de poulpe seront les premières touchées par cette décision, Quel sera l'apport de cette action en termes de préservation des ressources ? Il s'agit là d'un moyen de contrôle pour déterminer avec exactitude la position des bateaux et prévenir la pêche dans les zones interdites, mais c'est également un outil de travail pour l'armateur et pour l'équipage, qui peuvent s'en servir pour communiquer, échanger les données, et envoyer les signaux de détresse. Si ce système est généralisé à l'ensemble de la flotte opérant dans le cadre des accords de pêche, il permettra de contrôler l'activité de ces bateaux et de prévenir ainsi tout dérapage. Le jeudi 24 mars, l'appel d'offres relatif au chantier naval au niveau de la darse du port d'Agadir a été lancé par l'ANP et ce, pour la 4e fois... Les professionnels espèrent que cette fois-ci sera la bonne et que cette démarche aboutira. Le besoin est énorme pour un port abritant une flotte de 500 bateaux nécessitant un entretien régulier, dont la fréquence normale est de 6 mois. Or, avec une cale actuelle ayant une capacité de 72 bateaux, vous imaginez qu'il faudrait 8 ans pour pouvoir effectuer les travaux d'entretien à terre, ce qui influe négativement sur la structure des bateaux et les conditions d'hygiène, de sécurité et d'habitabilité à bord. Nous sommes donc en attente de l'aboutissement de cet appel d'offres. Comment peut-on interpréter les récents sit-in dernièrement dans le port de Dakhla et celui d'Agadir ? Les mouvements de protestations à Dakhla ont concerné l'introduction des caisses en plastique au niveau de la flotte pélagique. Le problème demeure d'ordre administratif. La prise en compte de tous les facteurs inhérents à cette pêcherie n'a pas été effectuée, notamment en ce qui concerne la commercialisation, la capacité des bateaux, leur configuration, ainsi que les infrastructures portuaires et les moyens de déchargement. Une étude préalable n'a malheureusement pas été faite, sachant bien que les professionnels avaient anticipé tous ces problèmes.