Après le repos biologique instauré en septembre dernier, la pêcherie du poulpe a repris samedi 15 mai dans le désordre et la confusion. Les opérateurs de la pêche côtière et artisanale de la zone Sud ont violé les accords signés avec le gouvernement. Au lieu de 100 dans la côtière et 2500 dans l'artisanale, on s'est retrouvé avec presque le double des bâteaux de pêche. Tout le monde a repris la mer. Diagnostic d'une situation qui ajoute à la crise profonde d'un secteur livré à lui-même. Une réelle anarchie règne au large des côtes du sud marocain, depuis le 15 mai 2004, date à laquelle le fameux repos biologique a pris fin. Alors que seuls les "bateaux autorisés" devaient prendre le large, pratiquement toutes les flottes des provinces du Sud se sont ruées vers le large. Le responsable: c'est incontestablement le ministère des pêches qui n'a pas mis à la disposition de la Marine royale les listes de ces fameux "bateaux autorisés". Un spectacle de désolation et de pillage. Le ministère des pêches avait pris cette décision, il y a quelques semaines, après huit mois et demi de repos biologique, en mettant en place une stratégie pour le développement du secteur des céphalopodes. En gros, le ministère a demandé aux professionnels de diminuer l'effort de pêche, dans l'intérêt de la ressource, des emplois créés dans le secteur de la pêche et partant pour le bien de l'économie de toute la région du Sud, essentiellement celle de Dakhla. Le 15 mai 2004, la reprise de la pêche devait être autorisée, certes, mais pas sans conditions. Sur les 300 bateaux de pêche côtière, seule une centaine devait être autorisée par le ministère à quitter le port. Même chose pour la pêche artisanale: seules 2.500 barques devaient recevoir le feu vert du ministère pour commencer à pêcher dès le 15 mai. Bien évidemment, que ce soit pour la pêche côtière ou artisanale, le reste de la flotte allait progressivement pouvoir pêcher. C'est ainsi que les armateurs de la pêche hauturière ont convenu avec le ministère de tutelle et l'INRH de n'autoriser à prendre le large, le 15 mai 2004, que les deux-tiers de leur flotte. L'autre tiers commencera à pêcher à la fin du mois de mai. Le souci premier étant de préserver la ressource halieutique, l'intensification de l'effort de pêche doit donc être progressive. C'est grosso modo ainsi qu'on pourrait résumer la stratégie de Taïeb Rhafes, ministre du RNI. Toutefois, en l'absence des listes des "bateaux autorisés", tous les armateurs des pêches hauturière, côtière et artisanale ont commencé à pêcher, faisant fi de la stratégie de Rhafes. Le tout sous le regard des services de la Marine royale qui, sans un document officiel signé par le ministre des Pêches, est incapable juridiquement d'arraisonner les bateaux contrevenants. La question qui se pose est de savoir pourquoi le ministre des Pêches a torpillé sa propre stratégie. Pourquoi n'a-t-il pas préparé, à temps, les listes des "bateaux autorisés" à pêcher. Certains vont jusqu'à croire que Rhafes a succombé aux pressions de certains armateurs, enfonçant par la même le secteur dans une crise totale. Cette crise, ce secteur l'a connaît depuis longtemps. D'ailleurs, l'Institut national de recherche halieutique (INRH) avait tiré la sonnette d'alarme, car le poulpe, au large des côtes marocaines, est devenu une véritable espèce en voie de disparition. Malgré le mécontentement de certains professionnels, la décision d'imposer un repos biologique de plus de huit mois, était amplement justifiée. Si le retard enregistré par le département de Rhafes est dû à des considérations techniques "rattrapables", le ministère pouvait tout simplement décaler d'une semaine l'entrée en vigueur de la stratégie. Et tout le monde y trouverait son compte. Hier soir, les professionnels de la pêche hauturière se sont réunis à Casablanca pour connaître l'état des lieux et décider des mesures à prendre. Khadija Doukkali, armateur de la pêche hauturière, assure que "le ministère devait se réunir la semaine dernière avec les professionnels pour constituer une commission de contrôle". Cette réunion n'a jamais eu lieu. En l'absence de liste des "bateaux autorisés", le ministère des Pêches annule-t-il, de facto, sa stratégie pour le secteur des céphalopodes? A ce titre, le directeur de l'INRH Laâyoune-Dakhla, M'hamed Idrissi, a assuré que "la stratégie ne devait en aucun cas être abandonnée". Si tel est le cas, le secteur des céphalopodes risque de sombrer dans une anarchie encore plus grave que celle de 2003. Pour sa part, Abderrahmane El Yazidi, a estimé que cette nouvelle stratégie du ministère des pêches a eu des résultats diamétralement opposés à ceux initialement attendus.