Fukushima fait parler d'elle... jusqu'à Casablanca. Quelques semaines après la catastrophe nucléaire japonaise qui défraie toujours la chronique et dont le niveau d'importance vient d'être relevé au maximum (de 5 à 7, degré maximum sur l'échelle internationale des événements nucléaires INES -International Nuclear Event Scale), l'Afrique du Nord vivait sous la menace d'une contamination par voie aérienne. Cela a été le cas la semaine dernière au Maroc. «Le CNESTEN (Centre national des sciences et techniques nucléaires, ndlr) a décelé, à la date du 7 avril 2011, quelques traces radioactives». Ces mots sont de Khalid Mediouri, directeur général du centre. Mais ce dernier s'empresse de lever toute crainte : «Ces traces n'ont pas d'impact important sur la santé publique et l'environnement. Les retombées radioactives sont fort négligeables comme c'est le cas en Europe, notamment en France et en Espagne». Ouf ! Plus de peur que de mal alors ? Ce qui est sûr, c'est que le responsable reconnaît lui-même que le royaume était loin d'être à l'abri. Surveillance accrue «Les radiations issues de cet accident se déplacent dans l'atmosphère en fonction des conditions météorologiques, notamment la vitesse des vents et leur direction. La possibilité que le nuage atteigne nos territoires n'était pas exclue», explique ce dernier.Raison de plus sans doute pour nous prouver que les autorités veillent au grain... ou plutôt au gaz . «Parmi les mesures mises en place par le centre, je cite la mobilisation, en cas d'appel des autorités, de l'équipe chargée de la surveillance radiologique de l'environnement pour mesurer le niveau de radioactivité dans l'air, les plantes, les eaux et les denrées alimentaires», informe Mediouri. En effet, le CNESTEN dispose, au niveau du Centre d'études nucléaires de la Mâamora, en matière de surveillance radiologique de l'environnement, d'équipements et de laboratoires pour le prélèvement et d'analyses de la radioactivité (alpha, bêta et gamma) de l'air, des particules en suspension, de végétaux, de l'eau et du sol. «Nous pouvons ainsi confirmer si les échantillons ont subi une contamination radioactive, et si oui, avec quel niveau et quel type», complète le responsable. Cette veille ne s'arrête pas là. Les produits alimentaires sont aussi concernés. «Le CNESTEN met au profit des autorités nationales chargées du contrôle radiologique de l'environnement et des importations tous les moyens dont il dispose pour mesurer la radioactivité intrinsèque des produits importés et voir s'ils ont été contaminés ou non», déclare Mediouri. «On n'a pas connu d'accident susceptible de causer des victimes» : Khalid Mediouri, DG du (CNESTEN)*. Les Echos quotidien : Qu'en est-il du réacteur marocain ? Khalid Mediouri : Pour ce qui est de notre réacteur de recherche dont la puissance est de 2 MW, et qui est mis en service depuis 2009 au Centre d'études nucléaires de la Maâmora, à 25 km au nord de Rabat, je voudrais préciser qu'il est intrinsèquement sûr, car il dispose d'un système de sûreté qui l'arrête automatiquement en cas de situation d'urgence quelconque. N'étant pas un réacteur destiné à la production de l'électricité, comme c'est le cas à Fukushima où la puissance des réacteurs est de 460 à 1.100 MW électriques, en cas d'arrêt d'urgence notre réacteur n'a pas besoin d'être refroidi parce que la chaleur résiduelle est très faible. Le niveau de risque serait-il comparable à celui de Fukushima ? Je rappelle que notre réacteur est de type piscine, refroidi à l'eau et a pour fonctions principales d'une part la production de radio-isotopes (Iode 131) destinés aux services de médecine nucléaire, et d'autre part l'analyse d'échantillons géologiques, miniers, biologiques et environnementaux par le biais de l'activation neutronique ainsi que la recherche et la formation en technologie des réacteurs. En outre, ce type de réacteur Triga existe à plus de 60 exemplaires dans le monde, souvent implantés dans des hôpitaux ou des universités. Par ailleurs, bénéficiant d'un retour d'expérience important, il n'a pas à ce jour connu d'accident susceptible de causer des victimes ou de constituer une menace pour l'environnement. Même si le «risque zéro» n'existe pas... Sur le plan réglementaire, notre réacteur a suivi un processus d'autorisation strict, basé sur la soumission à chaque étape d'autorisation, d'un rapport de sûreté démontrant son niveau de sûreté. Outre les inspections auxquelles il est soumis, il a fait l'objet de revues de sûreté indépendantes par l'AIEA et de l'Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire. * Centre national des sciences et techniques nucléaires