J'adore les études. Surtout celles qui donnent de bons chiffres. Parce que j'adore les bons chiffres. Même quand ils sont faux, ça remonte le moral. C'est comme le loto. Je n'ai pas encore gagné - peut-être parce que je n'ai jamais joué - pourtant, je ne manque jamais le tirage du loto à la télé. Quand je vois tous ces chiffres qui défilent sous mes yeux, tous ces zéros, tout beaux et tout ronds, j'imagine tout ce fric juste pour moi, bien sûr en liquide, et j'en ai l'eau à la bouche. Je ne sais pas qui gagne cet argent en fin de compte, mais ça fait rêver. Moi, je ne connais personne dans mon entourage qui ait gagné le gros lot, ni un petit non plus. Je ne suis pas en train d'insinuer que tout ça c'est du bluff. Non, jamais de la vie ! Et même si je le pensais, je ne l'écrirais jamais, de peur d'être poursuivi pour détournement de rêveurs, et d'être condamné à payer une forte amende, celle-là, bien réelle. Mais passons ... Je vous confiais donc que j'adorais les bons chiffres, et je dois vous avouer qu'au Maroc, on est bien gâtés. Il n‘y a pas un seul jour où on ne nous offre pas de supers chiffres sur un plateau ... d'argent. Tenez ! Les derniers en date concernent, justement, une étude, encore une ! Une étude sur les salaires, encore une ! Mais, cette fois-ci, dans le monde arabe. Il s'agit, bien sûr, d'une étude comparative entre les différents pays arabes. Et comme vous le savez, il y a Arabe et Arabe. Ce n'est pas parce qu'on est tous Arabes qu'on doit tous se ressembler. Ni nous rassembler, non plus, mais ça, c'est une autre histoire. On peut, à la rigueur, avoir les mêmes tares, traîner les mêmes archaïsmes, et même continuer d'être tous nostalgiques d'une Andalousie perdue à jamais, on n'en est pas moins très différents les uns des autres. En tout cas, sur les salaires, là, il n'y a pas photo. C'est vrai que certains pays proches restent très proches – côté revenus s'entend – par contre, d'autres, plus lointains, sont loin devant nous. On a au moins une consolation : les ressortissants de certains d'entre eux viennent claquer leur surplus de salaires et s'éclater chez nous comme bon leur semble. Comme bon leur semblait, car, semble-t-il, ils viendraient de moins en moins. Il semblerait même que, comme ils ne viennent plus chez nous comme avant, on aurait trouvé une belle parade : on leur enverrait, et sans qu'ils ne se déplacent, par charters entiers, de quoi s'amuser... sur place. «Il semblerait», ai-je bien précisé. Car, d'abord, moi je n'ai rien vu, et, surtout, par les temps qui courent, il vaut mieux faire attention. Maintenant, si tout ça est vrai, ça serait vraiment indécent, c'est sûr, mais que voulez-vous ? Il faut bien aller chercher l'argent, là où il se trouve. C'est-à-dire chez nos frères les Arabes riches. Nous les pauvres, pour revenir à cette étude, on ne gagne pas autant qu'eux. Je vais vous donner 2 exemples : 40 % des Marocains affirment percevoir moins de 5.000 DH par mois ! C'est tout ? Mais que peut-on faire avec 5.000 DH par mois, à l'heure où la tomate est à 15 DH le kilo et un déjeuner au Rétro, 500 DH par personne, vin non compris ?!? Heureusement, pensais-je, que les 60 % restants, eux, sont riches. C'est logique, non ? Pas du tout ! Seuls 2 % des sondés, nous dit-on, gagnent plus de 8.000 dollars par mois ! 2% ? C'est tout ? Mais alors, expliquez-moi, comment se fait-il qu'il y ait autant de grosses bagnoles, autant de grosses baraques, autant de monde escorté par autant de mecs baraqués dans autant de boîtes chic et choc (tiens, ça vous dit quelque chose, ça !) et où le champagne peut monter jusqu'à... 8.000 dollars la bouteille ! Je ne pige plus rien. Je crois qu'il doit y avoir un truc. Et vous ?