Yassir Zenagui aurait-il laissé passer l'essentiel ? Le ministre du Tourisme et de l'artisanat risque manifestement de buter contre quelques écueils dans le cadre de la mise en place de sa stratégie 2020. C'est du moins l'avis étayé par la Direction des études et des prévisions financières (DEPF) qui vient de produire la première étude critique de la Vision 2020. L'organe affilié au minstère des Finances trouve à redire dans l'approche de régionalisation adoptée par le département du Tourisme dans le cadre de la stratégie touristique nationale. Le schéma imaginé par les équipes de Zenagui se base sur le découpage du territoire national en huit grands territoires touristiques, déclinant une stratification de l'offre Maroc en des territoires à offre homogène, afin de garantir un ciblage promotionnel adéquat. Là où ça fait mal ! Le hic, selon la DEPF, est que ce découpage poserait un problème de gouvernance lié à l'organisation des Conseils régionaux de tourisme (CRT). Anticipant ce problème, le département du Tourisme a bien imaginé une parade à travers la création des Agences de développement touristique (ADT), dans lesquelles ces derniers territoires seraient institutionnalisés. Mais cela ne réglerait le problème qu'en partie, relativise la DEPF. À titre d'exemple, selon la configuration adoptée par le tourisme, la région de Souss-Massa-Drâa et le CRT y afférent seraient partagés entre le territoire touristique de Souss-Sahara-Atlantique et de l'Atlas et vallées. Cela étant, la démarche ne serait pas dénuée d'utilité. Dans le cas d'espèce, la configuration séparant Ouarzazate du Souss-Massa et la rattachant au reste du versant sud-est de l'Atlas, outre la logique géographique, historique et ethnologique, répond à certaines doléances des professionnels de cette ville, lui permettant ainsi d'avoir une offre promotionnelle propre à son identité, concède-t-on à la DEPF. L'autre réserve émise avertit du fait que la régionalisation, façon Vision 2020, aboutit à la création de territoires coupés de l'arrière pays. «Le territoire touristique du Maroc Centre serait privé de son ouverture sur la Méditerranée, compte tenu du rattachement d'El Hoceima à l'Oriental. Par conséquent, le développement de l'attractivité et de la compétitivité touristiques de ces territoires risque d'être compromis», estime la DEPF. Seule la mise en œuvre d'offres en package, à cheval entre les différents territoires touristiques, ainsi qu'une gestion territoriale concertée entre les élus et les responsables locaux, dont relèvent les ADT, seraient de nature à contourner cet écueil, toujours selon la DEPF. L'ultime réserve émise, et vraisemblablement celle qui a le plus d'impact, est que les territoires touristiques tels que constitués par le département du Tourisme ne concordent pas avec les régions administratives pensées par la nouvelle optique de la régionalisation avancée.En effet, dans cette dernière optique qui préconise un découpage administratif, en privilégiant le principe d'homogénéité sur celui de la complémentarité, le territoire national est découpé en douze régions (Tanger-Tétouan, Oriental et Rif, Fès-Meknès, Rabat-Salé-Kénitra, Béni Mellal-Khénifra, Casablanca-Settat, Marrakech-Safi, Drâa-Tafilalet, Souss-Massa, Guelmim-Oued Noun, Laâyoune-Saguia al Hamra et Dakhla-Oued ed Dahab), tandis que le découpage en territoires touristiques englobe, lui, huit régions. Il s'agit de «Souss et Sahara Atlantique» et «Maroc Méditerranée», des régions «Cap Nord», «Maroc Centre», «Atlantique Centre» et «Marrakech Atlantique», et enfin des régions «Grand Sud Atlantique» et «Atlas et Vallées». Du reste, ce décalage était incontournable, étant donné que la vision territoriale de la stratégie touristique est intervenue à la veille de l'officialisation du schéma de régionalisation avancée. Par ailleurs, ce ne serait pas trop s'avancer que de dire que la stratégie touristique ne sera pas un cas isolé, étant donné que les changements constitutionnels, organisationnels et territoriaux auxquels devrait aboutir le nouveau découpage territorial appelleront à revisiter toutes les stratégies sectorielles, afin de garantir leur cohérence et la réussite de leur mise en œuvre.