Invité jeudi dernier à la Chambre française de Commerce et d'Industrie au Maroc, Abderrahmane Chorfi n'a pas manqué d'égratigner au passage les collectivités locales. Le directeur général de l'Urbanisme, de l'Architecture et de l'Aménagement de l'espace au ministère de l'Habitat est revenu sur les grandes orientations de la politique d'aménagement du territoire adoptée par son département. «Nous, ministère, ne contrôlons pas le territoire. Même si nous avons des agences urbaines, nous ne sommes pas représentés à toutes les échelles du territoire. C'est pour cela que nous allons vers une plus grande responsabilisation des collectivités territoriales, même si le répondant local est moins efficace», a-t-il déploré. C'est que la notion de contractualisation territoriale commence à s'ancrer au Maroc. La Commission interministérielle permanente de l'aménagement du territoire se réunira ainsi le 11 mars prochain pour discuter du premier «contrat Etat-région». Tadla-Azilal va être la première région marocaine à bénéficier d'une convention avec l'Etat. Ce contrat entre le niveau central et le niveau local a pour but de définir les rôles de chaque échelle de territoire, que ce soit les administrations centrales des départements concernés, le Conseil régional, ou les représentations régionales des ministères. Meknès-Tafilalet et les régions du Sud seront les prochaines régions à bénéficier de cette contractualisation. Cette dynamique de contractualisation des relations entre Etat et territoires est la résultante d'un travail de plusieurs années. C'est la politique des Schémas Régionaux d'Aménagement du Territoire (SRAT) - élaborés depuis 2007 par les activités déconcentrées - qui a déblayé le terrain. L'année 2009 a ainsi connu le lancement de 3 SRAT ainsi que le suivi de 10 SRAT déjà engagés. Et 2010 verra la mise en œuvre de 2 nouveaux SRAT, ceux du Grand Casablanca et de l'Oriental. Vers une spatialisation des politiques économiques La mise en place d'un processus de contractualisation territoriale n'est pas le seul dispositif que le ministère de l'Habitat a initié comme mesure d'appui à la gouvernance du développement territorial, il faut y ajouter la loi d'orientation de l'aménagement du territoire, qui est prête selon les dires du directeur général. Une autre mesure concerne la mise en place d'un dispositif de financement de l'aménagement du territoire par le ministère au profit des régions - qui seraient les gestionnaires de leur développement - qui est en cours de réalisation. La tendance est donc d'aller vers une répartition des tâches où le niveau central ne serait plus qu'un appui financier et les régions les réelles exécutantes de leur développement économique. Le Schéma National d'Aménagement du Territoire recommande ainsi depuis 2004 l'application d'une politique économique territoriale visant la constitution des entreprises en réseaux afin de mieux affronter la globalisation de l'économie. Des pôles économiques qui à terme seraient entre les mains des régions. C'est pour cela qu'a été conçu l'Observatoire des dynamiques des territoires, dont la mise en place est prévue cette année. Ses principaux objectifs sont en effet d'identifier, de suivre et d'observer les projets de développement du territoire, ainsi que de mesurer les dynamiques et les inégalités territoriales, mais également de servir de «système de veille stratégique» et de révéler les nouvelles tendances de l'organisation des territoires. Les conclusions de la Commission consultative sur la régionalisation (CCR) ne sauraient donc se passer du volet développement des territoires. On prend peu de risques à parier que les travaux de la CCR viendront enfoncer le clou en annonçant un nouveau transfert de prérogatives économiques aux régions. La régionalisation avancée sera aussi économique Les régions seront sans aucun doute amenées à avoir plus de prérogatives économiques. C'est en tout cas comme cela qu'est pensé l'aménagement du territoire depuis quelques années déjà. Le ministère de l'Habitat a ainsi dirigé en 2008 deux études, l'une générale, sur la compétitivité des territoires et l'autre plus concrète, qui renvoie aux possibilités d'une organisation territorialisée de la production au Maroc. C'est-à-dire comment mieux structurer les entreprises et les potentialités d'un espace donné, selon sa main-d'œuvre disponible, ses atouts économiques, etc. Dix Systèmes productifs localisés (SPL) potentiels ont donc été identifiés. Les SPL évoqués concernent les couples filière/territoire suivants : Tanger/textile-habillement, Casablanca/mécanique, Casablanca/technologie de l'habillement, Casablanca, technologie de l'Information, Souss-Massa/Agriculture intensive, Souss-Massa/Agriculture extensive, Fès/Artisanat, Guercif-Taza/Textile-habillement, Guercif/Oléiculture, Erfoud/Tourisme. Coordination des activités économiques Un projet pilote est actuellement en cours de réalisation, en coopération avec les ministères de l'Industrie et de l'Artisanat et l'ONUDI à Fès. Le but est d'aider les acteurs locaux à maîtriser les nouvelles règles de coordination des activités économiques. «Dans le cadre des discussions de notre département autour de la régionalisation avancée, nous allons encore plus loin que ce qui est actuellement mis en place. Nous parlons «d'espace projet». Il s'agirait de détacher les activités économiques de l'échelle de territoire proposée par le découpage administratif existant. Cela pourrait permettre, toujours dans une logique contractuelle, à deux communes ou deux régions, de s'associer autour d'un même projet économique», confie Mohamed Hardouza, directeur adjoint de l'Aménagement du territoire au ministère de l'Habitat, de l'Urbanisme et de l'Aménagement du territoire. Mais la bonne volonté des départements ne saurait résoudre à elle seule les inégalités entre les régions. Sans l'implication des professionnels sur le terrain, aucun suivi des politiques locales ne saurait voir le jour.