Littérature. En marge du SIEL, l'esprit de Abdelkebir Khatibi a veillé sur une rencontre qui a réuni un parterre d'une génération mixte, jeune, créative et nouvellement écrivaine La rencontre du mardi 16 février au Salon international de l'édition et du livre (SIEL) a été sans conteste un évènement d'exception pour l'assistance. Organisé autour du thème de l'écriture chez les nouvelles générations, le débat modéré par Abdellah Baïda a connu un échange entre jeunes écrivains maghrébins de langue française, notamment Mabrouk Rachedi (Algérie), Rachid Djaïdani (Algérie-Soudan), Samira El Ayachi (Maroc) et Fatima Aït Bounoua (Maroc). Universalité des expressions Sur l'estrade improvisée pour de lasalle Abdelkebir Khatibi, Fatima Aït Bounoua, professeur de langue française, est installée aux côtés de Rachid Djaïdani, écrivain et scénariste algéro-soudanais de nationalité française. Fatima Aït Bounoua est nouvelliste écrivaine par reconnaissance d'abord, ensuite par passion. Encore inconnue des lecteurs marocains, l'écrivaine profite de l'occasion pour se faire connaître auprès du public marocain. Invitée d'honneur de cette rencontre, elle a veillé à écouter ces intellectuels dont l'expression diffère pour chacun. Des expressions pas nécessairement cantonnées dans le témoignage, la sociologie, l'ethnologie ou dans des cris de détresse. Mais simplement, des expressions au ton empreint d'universalité sans être condamné à un registre de langue défini. Ecritures nouvelles ? Non ! La raison d'inviter Aït Bounoua à cette discussion par le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME) est de suggérer, à travers son expérience comme à travers celles de Samira El Ayachi et des autres invités, le débat autour des courants auxquels peut se greffer cette nouvelle génération d'auteures. Nouvelles générations, écritures nouvelles ? Des générations nouvelles, oui ! Mais, pas forcément des écritures nouvelles. «Etant professeur de français, ce titre me permet des conforts dans le style, de nouvelles expériences dans la pensée et des réalisations de littérature française sans subir des a priori», explique Aït Bounoua. Si elle parle d'a priori, ce n'est nullement par scepticisme ou par méfiance, mais par riposte devenue acquise à force d'accumuler critiques et remarques, sur un territoire où l'on est «immigré», où l'on écrit en langue française. «Avec nos origines, c'est comme si nous devions à la France d'être corrects quand on écrit ou, sinon, se faire accompagner par un professeur de langue française», argumente-t-elle. C'est qu'aux yeux de ces jeunes écrivains d'origine autre que française, l'on ne sait apprécier une plume et un style littéraire détachés de leur métissage culturel. Ou sinon, cantonnés dans un registre expressionniste non exhaustif. «C'est qu'on écrit là où on nous attend le moins. C'est surtout un témoignage de vécu, de maltraitance sociale sinon physique que la parole de ces immigrés, que nous sommes, nous est seulement la «bien-entendue». Sinon des cris de haine ; à défaut, bourrés d'espoir», témoigne Samira El Ayachi, sourire aux lèvres. Même son de cloche auprès des participants qui n'hésitent pas à déclarer qu'«il y a des discours qu'ils attendent de nous. On est des écrivains et il s'avère que nous sommes maghrébins». Une philosophie tant partagée par tous pour clamer une reconnaissance plus acclamée qu'elle ne l'est. Des itinéraires partagés L'image de générations de banlieusards, bercées par le rap de ghetto et pas souvent calées à l'école républicaine, plane sur le pays des cinq républiques. Hormis une révolution d'intellectuels guidée par des virtuoses, des littéraires et des écrivains de renommée internationale, autant dans les arts qu'en littérature française, cela ne fait pas toujours naturel de se consacrer à sa plume et de l'exprimer dans un exercice semblable à celui de Balzac ou encore Bonaparte. «C'est quelqu'un qui a écrit pour toi ? Vous êtes sûr que cela est ce que vous voudriez prêter pour votre avenir», raconte-t-on à l'unanimité. Tant d'autres questions pointent leurs parcours et décèlent un référent historique et social dans le tissu urbain des banlieues françaises, révélant une jeunesse confrontée au dédoublement culturel puis à toutes sortes de négations de son image. Pour d'autres, si cette littérature contient bien sûr une parole multiple et trouve assurément sa place parmi les textes maghrébins, c'est qu'elle renvoie à l'ensemble de la souffrance maghrébine en exil.