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Agadir étouffe sous les déchets industriels
Publié dans Les ECO le 28 - 01 - 2011

Absence d'un plan directeur régional de gestion des déchets. Une décharge contrôlée de seconde classe fait défaut. L'Observatoire régional de l'environnement est fermé. La ZI d'Anza rejette à l'état brut les eaux usées, depuis des années, dans la mer. Une situation qui devient très alarmante
Où sont évacués les déchets industriels au niveau du grand Agadir ? Une question qui demeure partiellement sans réponse, face à l'absence d'un lieu d'élimination ou de stockage, notamment, une décharge contrôlée de seconde classe pour traiter ce genre de déchets. En effet, si les statistiques relatives aux quantités de déchets ménagers sont bien connues, grâce notamment aux différentes études ayant été effectuées, mais aussi, par le biais de la nouvelle décharge contrôlée de «Tamelast», Il n'en est pas de même pour les déchets industriels (solides, liquides et gazeux). Les seuls chiffres disponibles proviennent du rapport national sur l'état de l'environnement au Maroc, réalisé par l'Observatoire national de l'environnement du Maroc (ONEM) en octobre 2001. À ce propos, la région de Souss-Massa-Draâ est classée 3e en matière de production de déchets industriels. Chiffres à l'appui, la région génère 63.100 tonnes par an, derrière le Grand Casablanca (410.200 t/an) et Doukkala Abda (119.600 t/an). S'agissant de la répartition de ces déchets par secteur d'activité, il en ressort que l'agroalimentaire contribue à hauteur de 49.000 tonnes par an, suivi de la chimie et de la parachimie (13.400 t/an), puis de la mécanique, de la métallurgie et de l'électronique avec 700 t/an. «Dans un délai de cinq (5) ans courant à compter de la date de publication de la présente loi (c'est-à-dire le 7 décembre 2006), le territoire de chaque région doit être couvert par un plan directeur régional de gestion des déchets industriels, médicaux et pharmaceutiques non-dangereux et des déchets ultimes, agricoles et inertes», stipule la loi n° 28-00 relative à la gestion des déchets et à leur élimination, (publiée au Bulletin officiel, n° 5480 du 7 décembre 2006).
Déficit en statistiques
Cette dernière a déterminé non seulement les objectifs octroyés au plan directeur régional, mais aussi, les acteurs chargés de l'élaboration de ce document, en l'occurrence, le Conseil régional, sous la responsabilité du wali et en concertation avec la Commission consultative constituée de représentants des Conseils préfectoraux et provinciaux, de l'administration, ainsi que les organismes professionnels concernés par la production et l'élimination de ces déchets. Force est de constater qu'à moins d'un an de l'échéance (5 ans, à compter du 7 décembre 2006) prescrite dans la loi 28-00, aucun plan relatif à la gestion des déchets et à leur élimination n'est actuellement en phase de préparation au niveau de la région de Souss-Massa-Draâ, sachant bien que le grand Agadir abrite, à lui seul, trois grandes zones industrielles à savoir : Anza, Tassila et Aït-Melloul. L'Observatoire régional de l'environnement, censé contribuer également à la mise en œuvre de ce plan et mettre à la disposition du large public les études relatives à la question environnementale, a été fermé inopinément dès son inauguration. Les causes en sont des problèmes liés au statut et aux ressources humaines. Dans le même compte de faits, la stratégie de développement économique et social de la région de Souss-Massa-Draâ, présentée le jeudi 23 décembre à l'occasion de la session extraordinaire du Conseil régional, n'a mentionné ni de près ni de loin la mise en place d'un plan directeur de gestion des déchets dédié à la région. Par conséquent, le problème des déchets industriels inscrits dans le cadre de la création d'une décharge de seconde classe est loin d'être résolu. Pour certains, «cette situation est due principalement au retard enregistré dans la publication du décret n°2-09-683 du 6 juillet 2010 (23 rejeb 1431), diffusé au Bulletin officiel n°5862 et fixant les modalités d'élaboration du plan directeur régional de gestion des déchets industriels, médicaux et pharmaceutiques non-dangereux, des déchets ultimes, agricoles et inertes et la procédure d'organisation de l'enquête publique afférente à ce plan». Pour l'heure, seulement un centre de dépôts de gravats a été mis en place au niveau de la préfecture d'Agadir-Ida-Outanane, suite à l'arrêté n°10 du 9 juin 2010 du wali, stipulant le rejet des déchets du BTP, de végétaux et de sable dans ce lieu aménagé pour ce type de déchets non-industriels. «À raison seulement de 200 jours d'activité par an, les rejets liquides industriels sont de l'ordre de 3.198.000 de millions m3 au grand Agadir, soit 15.990 m3 par jour, en termes de débit industriel», affirme la Régie autonome multiservices d'Agadir (RAMSA).
Rejets en mer
Il y a lieu de noter que la zone industrielle d'Anza rejette à l'état brut les eaux usées en mer sans traitement préalable. Le débit estimatif de ces eaux usées est égal à 1.536.000 m3 par an, soit 6.126 m3 par jour. Ces rejets demeurent une bombe à retardement, dans la mesure où ils engendrent une très forte pollution impactant le milieu naturel et humain, notamment en provoquant des problèmes sanitaires, la perturbation des écosystèmes et la diminution de la qualité des eaux de la mer au nord d'Agadir. D'ailleurs, la baignade a été interdite depuis plusieurs années à proximité de la ZI d'Anza, qui ne dispose actuellement d'aucune station d'épuration permettant la dépollution des eaux usées, que ce soit de la part des unités industrielles implantées dans cette zone ou du côté des acteurs concernés. Cette situation alarmante a poussé ainsi la RAMSA, en tant que responsable d'assainissement, à la préparation d'un projet de dépollution au nord d'Agadir qui sera lancé en mars 2011. L'enveloppe budgétaire dédiée à ce projet est de 400 millions de DH. Il sera financé principalement par l'Agence française de développement (AFD), en plus de la contribution du programme national d'assainissement liquide. Notons dans ce sens que le plan directeur d'assainissement du grand Agadir prévoit un montant global de 2.463,06 millions de DH en matière de travaux d'infrastructure, dont 828 millions de DH consacrés à la première tranche (1998-2007) et 1.635,06 millions de DH pour la seconde (2008-2015). La zone industrielle d'Anza a également été identifiée, dans le cadre de l'audit effectué les 25 et 26 janvier 2010 par les services de la wilaya, comme étant l'une des sources responsables des odeurs fréquemment perceptibles à proximité de la localité d'Anza, de la zone touristique et du centre ville d'Agadir. C'est pourquoi, suite à la visite effectuée le mercredi 6 mai 2010 par le secrétaire d'Etat chargé de l'Eau et de l'environnement, Abdelkébir Zahoud, à Agadir, trois conventions ont été signées, dont une relative à la lutte contre la nuisance olfactive, avec la wilaya d'Agadir. La société canadienne Odotech a été mandatée dans le cadre de cette convention pour effectuer son expertise odeur, à travers l'identification et la classification des sources émettrices d'odeurs, ainsi que l'évaluation des nuisances provoquées par les sites industriels d'Anza. Dans ce sens, ledit audit a permis d'identifier non seulement 32 sources de désagrément olfactif appartenant à six unités industrielles dans cette zone, mais aussi des sites générateurs de nuisance, autres que les unités de fabrication de farine de poissons et les conserveries. Une étude d'impact odeur initiale des installations a également été réalisée dans ce sens. Elle a ainsi permis de cerner la problématique des odeurs à la base de l'audit réalisé et de déterminer le degré de responsabilité des générateurs d'odeurs, ainsi que les solutions appropriées pour minimiser l'impact sur l'environnement et les riverains. Pour ce faire, la wilaya d'Agadir procédera prochainement, selon des sources proches du dossier, à la mise en place d'un système de surveillance automatisé (Odoscan et Odowatch) de suivi et de gestion continue des odeurs. Ce système permettra de détecter les odeurs, lorsqu'elles dépassent le seuil limité et permettra également de réagir avant que les émanations constituent une nuisance olfactive.
Lutter contre les nuisances olfactives
Dans le cadre aussi de ce projet de lutte contre la nuisance olfactive, la dernière phase qui est celle de l'accompagnement sera couronnée par un appel d'offres attribué en fin du mois à un prestataire fournisseur de solutions, en vue de réduire le désagrément olfactif de la part des unités industrielles. S'agissant d'Odoscan, il se veut un système composé d'un ordinateur, du logiciel «OdoScan», d'une tour et d'une station météorologique installée au préalable sur le ou les sites industriels prédéfinis avec la valeur de la concentration d'odeur mesurée auparavant, grâce à un prélèvement d'échantillon d'odeur et à son analyse olfactométrique par mesure. Les paramètres du logiciel sont installés d'avance pour modéliser la dispersion atmosphérique d'odeur et afficher en temps réel son panache résultant en unité-odeur par mètre cube d'air. OdoScan associe, de ce fait, les données météorologiques en temps-réel provenant de la station météorologique avec la valeur de la concentration d'odeur mesurée au préalable. En ce qui concerne OdoWatch, c'est aussi un système intégré de mesure qui comprend un ou plusieurs nez électroniques (NE) implantés sur les sites détectés de façon à identifier et quantifier les émissions d'odeurs. De surcroit, cet outil est muni d'un système de communication unissant les données météorologiques reçues de la station météo (fournies en standard avec le système OdoWatch) avec celles envoyées par les nez électroniques. Ce système modélise la dispersion atmosphérique des odeurs et affiche le panache odeur en superposition à la carte aérienne du site. Par ailleurs, toutes les unités industrielles ont un rôle important à jouer dans la gestion des déchets industriels (liquide, gazeux ou solides), en conciliant justement leur développement économique avec les préoccupations environnementales. La RAMSA n'est pas en mesure de traiter, à elle seule, les rejets ou les éjections liquides générés à des quantités importantes dans le réseau d'assainissement et, par conséquent, dans les stations d'épuration (STEP) qui sont au nombre de trois au niveau du grand Agadir. Concernant la STEP de Bensergao, le débit épuré est de 273.750 m3 par an (soit 750 m3 par jour). Quant à celle de M'zar (sud d'Agadir), elle traite au stade primaire 16.425.000 m3/an (soit 45.000 m3 par jour) et au stade secondaire 3.650.000 m3 par an (soit 10.000 m3/ jour). Pour sa part, celle de Drarga de l'Office national d'eau potable (ONEP) traite un débit épuré égal à 1.000 m3 par jour. Il faut noter que la majorité des rejets industriels liquides, à l'exception de la zone d'Anza, sont traités aux STEP de Bensergao et de M'zar. En effet, les caractéristiques de ses rejets industriels au niveau du grand Agadir sont très chargées en matières organiques provenant principalement des activités de transformation de la pêche, des industries agroalimentaires, des huileries, de chimie, de métallurgie et bien d'autres. Ces liquides se distinguent, avant tout, par leur forte conductivité et un degré très élevé de salinité et par des concentrations en DBO5 (demande biochimique en oxygène), DCO (demande chimique en oxygène) et MES (matières en suspension) qui sont parmi les critères de pollution organique et minérale des eaux. Il faut ajouter à cela la production du gaz H2S (hydrogène sulfuré) dans la canalisation et le réseau d'assainissement, ce qui provoque une nuisance olfactive aux habitants d'Anza et de Aït-Melloul, sans exclure la destruction progressive du réseau et des ouvrages d'assainissement. De l'avis de Hanafi Aboukir, chef de la division Eau au sein de la RAMSA, «la plupart des unités industrielles disposent de système de prétraitement constitué généralement par une fosse de décantation (destinée à prétraiter les eaux usées afin d'en retirer les matières décantables) munie d'une grille à huile (déshuileur ou dégraisseur)». Force est de constater que les unités ont, en fait, «un simple dégrillage retenant les matières volumineuses et permettant la filtration des écailles de poissons ou autres. Toutefois, il ne s'agit pas d'un prétraitement au vrai sens du terme, puisque les charges ne subissent aucune minoration ou réduction des matières organiques», réplique Philippe Alléau, directeur du cabinet ATP conseil. Les unités de traitement de poissons générant des rejets élevés, chargés en matières organiques et de sel, se situent dans les ZI de Aït-Melloul et de Tassila (actuellement au nombre de 8). «Ces unités sont tenues de réaliser leurs propres STEP pour traiter leurs effluents avant rejet dans le réseau d'assainissement, du fait qu'elles constituent la principale source d'odeurs», ajoute Aboukir. Jusqu'à présent, les seules sociétés ayant mis en place leurs propres STEP sont Belma (société de conserves de poissons) et Copag (société de laiterie à Taroudant), dans le cadre du Fodep (Fonds de dépollution industrielle financé par le gouvernement allemand à hauteur de 24 millions €). D'ailleurs, le dernier reliquat de ce fonds touche à son terme. Les autres unités ayant procédé aux études nécessaires pour la réalisation de leur STEP, dans le cadre du même fonds, sont André export qui est en cours d'acceptation et le groupe Bicha (Doha) ayant déjà déposé son dossier pour bénéficier du financement du Fodep. Au total, trois unités industrielles toutes implantées à la ZI de Aït-Melloul ont mis en place leurs propres STEP, tandis que les autres, installées à Anza, Tassila et même au quartier industriel d'Agadir n'ont pas encore pris conscience que la gestion des déchets liquides industriels est aujourd'hui un enjeu économique et écologique de taille. De l'avis de Philippe Alléau, cette résistance de la part des industries à l'égard de la mise en place de STEP est logique. En réalité, ce sont des investissements très lourds. Ils retombent indéniablement sur les coûts de production, de vente et surtout de compétitivité (régionale et nationale) pour assurer leur fonctionnement. À titre d'exemple, la STEP de la Copag a nécessité plus de 17,2 millions de DH et celle de Belma 6,5 millions de DH. Actuellement, la vraie problématique réside dans la question des boues. En admettant que les unités industrielles s'impliquent dans le processus d'installation des STEP, collectives ou individuelles, où seront déversés ces sous-produits industriels en l'absence d'une décharge ou d'un incinérateur respectant les normes environnementales mises en vigueur ? La société de conserverie Belma, considérée comme étant la première à s'impliquer dans ce processus, s'est trouvée dans l'impasse à l'issue de l'installation de la décharge contrôlée de Tamelast dédiée uniquement aux déchets ménagers, mais aussi, après le blocage de ses silos de stockage de boue. C'est pourquoi, elle est actuellement en arrêt et la société a décidé de rejeter ses effluents dans le réseau d'assainissement. L'une des problématiques également c'est la manière dont la boue produite pourrait être éliminée ou recyclée en absence d'un lieu d'élimination ou de stockage. En effet, ces boues disposent d'un degré élevé de cécité. Chose qui fait appel à d'autres techniques, en l'occurrence le compostage, le séchage solaire ou le mélange avec d'autres substances, dont le gypse ou d'autres supports. À ce propos, la nécessité d'installer une décharge munie d'un incinérateur pour éliminer les déchets industriels est d'une importance cruciale. De l'avis de Khadija Sami, chef de service régional de l'environnement de Souss-Massa-Draâ, «l'incinération demeure une solution adéquate, à condition qu'elle soit conforme aux normes environnementales, notamment le traitement thermique de déchets et leur élimination sans pollution de l'air». Cependant, quoique les déchets industriels liquides soient mesurés grâce au travail entrepris par la RAMSA, notamment dans le cadre de ses études et de son programme de dépollution industrielle, les données sur les déchets solides et gazeux restent indisponibles. Ainsi, en l'absence d'une décharge contrôlée de seconde classe, la collecte des déchets industriels se fait majoritairement par les unités. Ils sont soit stockés dans les usines ou dans des lieux à proximité, dépendant des unités (boues, sables, chutes de ferrailles, fûts, etc., soit confiés à une tierce partie pour leur élimination ailleurs, d'où la nécessité de multiplier les efforts du côté des acteurs, publics et privés, dans le cadre d'une vision globale et d'une synergie constructive autour de la politique environnementale à mener, en vue de remédier à l'ensemble de ses lacunes.
À retenir
➤ Jusqu'à présent, aucun plan relatif à la gestion des déchets et à leur élimination n'est actuellement en phase de préparation au niveau de la région de Souss-Massa-Draâ.
➤ Pour l'heure, seulement un centre de dépôts de gravats a été mis en place au niveau de la préfecture d'Agadir-Ida-Outanane.
➤ La RAMSA n'est pas en mesure de traiter, à elle seule, les rejets ou les éjections liquides générés à des quantités importantes dans le réseau d'assainissement.
➤ Au total, trois unités industrielles toutes implantées à la ZI de Aït-Melloul ont mis en À RETENIR place leurs propres STEP.
Repères
➤ La région génère 63.100 tonnes par an, derrière le Grand Casablanca (410.200 t/an) et Doukkala Abda (119.600 t/an).
➤ Les rejets liquides industriels sont de l'ordre de 3.198.000 de millions m3 au grand Agadir, soit 15.990 m3 par jour, en termes de débit industriel.
➤ La STEP de la Copag a nécessité plus de 17,2 millions de DH et celle de Belma 6,5 millions de DH.
➤ Un audit a permis d'identifier 32 sources de désagrément olfactif appartenant à six REPÈRES unités industrielles à Anza.


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