... Je te dirai si tu es. Bien lire ce que j'ai écrit : ce n'est pas «qui tu es», mais «si tu es», pour bien situer le débat. Parce que, tu le sais ou tu ne le sais pas, si tu ne lis pas, tu n'es pas. Tu n'existes pas. Bien entendu, je ne parle pas de toi. Toi, tu n'es pas concerné (e). Toi, je sais que tu lis. La preuve, tu es en train de me lire. Si ce n'est pas une preuve, ça... Et, je suis sûr que tu vas partager mon avis, ce que tu lis, ce n'est pas n'importe quoi et, en plus, ce n'est pas n'importe qui qui écrit ce que tu lis. Comme tu as dû le deviner, une fois n'est pas coutume - alors que, franchement, je devrais le faire plus souvent - je vais te parler culture. Ça nous changera un peu de la politique, quoique je préfère te prévenir tout de suite, je risque d'y revenir très vite. C'est comme ça. La politique, c'est vraiment un cercle vicieux. Tu as beau tourner en rond pour y échapper, tu finis toujours par y retomber. Chassez le ridicule, il revient au salon. Et voilà ! Je l'ai trouvée, ma transition. Elle n'est pas géniale, géniale, mais je ne peux pas être génial tous les jours. Déjà, estime-toi heureux que je daigne accepter de venir chaque matin éclairer ta lanterne grâce à mes lumières diffuses. Bref, revenons au salon. Comme tu le sais, le Salon du livre vient d'ouvrir ses portes et je m'en voudrais de ne pas profiter de cette opportunité unique qui n'arrive qu'une fois par an, pour essayer d'ouvrir avec toi un débat qui me tient à cœur depuis toujours : la crise de la lecture dans notre pays. Au fait, excusez-moi, je n'ai pas fait attention, je vous tutoie. Mais, entre nous, je crois que j'en ai bien le droit. Depuis le temps qu'on se connaît toi et moi, on ne doit pas seulement se tutoyer, on doit carrément s'appeler un jour et se faire une bouffe. Et plus si affinités. (Là, bien sûr, il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté : c'est à la gent féminine, et à la gent féminine seule, que je m'adresse). Bon, maintenant, je dois abréger et revenir à l'essentiel, c'est-à-dire au prochain Siel. Quelle belle transition ! (Non, avouez que tout compte fait, je suis effectivement un mec génial). Je disais donc que le Siel s'est ouvert, que c'est bien, mais, en toute sincérité, je pense que s'il ne tombe pas sur nos têtes, je suis hélas, certain, qu'il ne va pas en sortir grand chose, pour ne pas dire rien du tout. Que M. Le ministre et néanmoins ami m'excuse et que M. Le directeur du Livre et néanmoins copain me pardonne, mais je suis sûr que, comme d'habitude, comme toujours, comme hier, comme demain, on va papoter, on va radoter, on va se raconter ses prouesses personnelles, on va se mesurer les orgueils, on va se comparer les ego, on va admirer nos chevilles en train d'enfler, ça va être le pied, quoi ! Mais, est-ce que c'est ça qui va pousser les gens à aimer la lecture et la faire aimer à leurs enfants ? Je n'en suis pas très certain. Car, M. Le ministre, M. Le directeur du Livre, mesdames les éditrices et messieurs les éditeurs, pouvez-vous dire, à voix haute s'il vous plaît, et sans rougir, le nombre de livres qui ont été vendus cette année au Maroc ? C'est tout simplement honteux ! Et, pourtant, je persiste à croire qu'on mérite mieux. Maintenant, ne me demandez surtout pas qu'elle serait la solution, je n'en sais fichtre rien ! Tout ce que je sais, c'est qu'il n'y a pas grand monde dans ce bled qui lit et qui veut lire, aujourd'hui, qu'ils soient cadres, ouvriers, artistes, paysans ou patrons, y compris leurs rejetons ! C'est à qui la faute ? Qu'est-ce que j'en sais moi ? Tiens ! Demandez à Voltaire. Bon salon et bon week-end quand même.