Le mot d'ordre est lancé. Priorité à l'emploi, surtout celui des jeunes. Dans la perspective de l'émergence économique à l'horizon 2020 mais aussi et surtout suite aux assauts, de plus en plus pressants, de la jeunesse marocaine, les autorités gouvernementales et leurs partenaires économiques et sociaux ont décidé de passer à la vitesse supérieure. Objectif : Résorber le déficit en matière de chômage, qui tourne autour de 10% et surtout garantir les conditions d'une employabilité productive, capable d'accompagner les grands chantiers lancés par le royaume. Et ce ne sont pas les initiatives qui manquent. Alors que la CGEM peaufine actuellement avec le gouvernement son pacte national pour l'emploi, d'autres pistes sont explorées pour booster au maximum les potentialités nationales. Et il y a urgence. Les résultats, assez satisfaisants, enregistrés dans le domaine de l'éducation et de la formation professionnelle, ont accentué le nombre des diplômés «déversés» chaque année sur le marché du travail. En dépit du besoin croissant en main-d'œuvre, le constat est clair. Les entreprises marocaines peinent à absorber le lot annuel des diplômés qui sortent de nos universités et établissements de formation professionnelle, condamnés à venir grossir le rang des diplômés-chômeurs. On estime à près de 400.000 les jeunes diplômés qui arrivent sur le marché pour une capacité, actuellement, de l'ordre de 150.000 postes que peuvent offrir les entreprises nationales. La nécessité de promouvoir l'entrepreneuriat chez les jeunes s'impose d'elle-même, surtout que le goût pour la création d'entreprise au sein de cette frange importante de la population ne se dément pas. Selon les résultats d'une enquête commandée par le département de la Jeunesse et des sports sur les besoins des jeunes marocains, près de 52% des sondés ambitionnent de créer leur propre entreprise. Un pourcentage assez prometteur et qui continuera de prendre de l'ampleur avec la multiplication des initiatives destinées à promouvoir la culture entrepreneuriale chez les jeunes, les étudiants principalement. Pourtant, à la lumière de la réalité, cet aspect ne suffit en aucun cas à garantir le succès de ces initiatives sans que soient mis en place, en amont, des mécanismes susceptibles d'accompagner les jeunes entrepreneurs non seulement dans la création d'entreprises mais aussi dans leur pérennisation. De nouvelles mesures sont donc devenues plus qu'indispensables afin de tenir compte des multiples défis que soulève la question de l'employabilité au Maroc. C'est dans ce cadre que le gouvernement s'attelle actuellement à peaufiner le texte sur le statut de l'auto-entrepreneur, annoncé comme un important levier permettant enfin de donner un sérieux coup de pouce à la promotion entrepreneuriale et à l'emploi des jeunes. Le texte est actuellement aux mains d'une commission ministérielle, qui œuvre à corriger les lacunes et insuffisances relevées dans d'autres pays afin de l'adapter au contexte et aux réalités nationales. L'adoption du texte devrait en principe intervenir avant la promulgation de la loi de finances 2012. C'est en tout cas l'avis et le vœu de plusieurs partenaires, travaillant avec la commission ministérielle, qui annonce le statut comme une «véritable révolution» dans la mesure où il permettra d'apporter les réponses nécessaires aux défis du moment. Promouvoir l'auto-emploi Avant même son lancement, l'initiative séduit largement au sein des structures économiques et politiques. Au Centre des jeunes dirigeants (CJD), c'est la priorité des priorités comme le souligné Driss Belkhayat, responsable de la section marocaine. L'auto-entrepreneuriat permettra en effet de «libérer les énergies en même temps qu'il créera immédiatement des emplois», pouvait-on lire dans la lettre que vient d'adresser le CJD au gouvernement et aux acteurs socioéconomiques pour garantir le développement économique, la croissance et l'emploi des jeunes. En cause, la formule que met en avant cette forme d'«entreprise individuelle à statut simplifié». C'est un régime qui permettra, en effet, d'alléger les procédures administratives lors de la création de l'entreprise mais également accorde à l'auto-entrepreneur un statut juridique et fiscal des plus souples. Le statut d'auto-entrepreneur est en principe accordé à toute personne souhaitant exercer une activité commerciale, artisanale ou de service, comme profession principale ou complémentaire. La création d'entreprise se fait par simple voie électronique, sans immatriculation au registre du commerce. Plus, l'auto-entrepreneur n'est tenu qu'à une comptabilité simplifiée de même que les charges et prélèvements fiscaux sont réduits à leur strict minimum. C'est en France que ce régime a connu plus d'engouement depuis son lancement le 1er janvier 2009. Alors que le gouvernement tablait sur 100.000 auto-entreprises pour la première année, 523.000 entités bénéficiant de ce statut ont été enregistrées au 31 juillet de la même année. Un exploit que voudrait rééditer le Maroc à travers un projet destiné aux jeunes, porté initialement par le Rassemblement national des indépendants (RNI) baptisé «Bidaya». Selon la mouture annoncée par le parti de Salaheddine Mezouar, le projet permettra à toute personne, et quel que soit son âge, de monter son affaire via simplement un formulaire électronique, sans capital social minimum requis. Pour les charges sociales, un taux unique de 10% est appliqué (toutes autres charges franchisées) pour un chiffre d'affaires limité à 120.000 DH pour les services et 240.000 pour le commerce. Certes, les discussions en cours devront permettre d'aménager ces mesures, afin qu'elles puissent véritablement insuffler une dynamique à l'économie nationale en favorisant l'auto-emploi et en réduisant la part de l'informel dans le tissu économique. Et c'est sur cela que la commission ministérielle, qui a fait appel à plusieurs experts, devra plus mettre l'accent afin de ne pas exporter les mêmes insuffisances que ceux décelées en France où la tendance est devenue décroissante après l'intérêt marqué des premières années de mise en œuvre. Car les risques ne manquent pas, surtout ceux relatifs à une utilisation abusive ou détournée de ce statut qui, en principe, n'est juste «qu'une étape d'entraînement» devant déboucher sur un statut classique. Une véritable bouée de sauvetage donc pour l'emploi dont l'impact ne sera connu qu'une fois les mesures mises en œuvre. A.Y.B «Une opportunité pour démocratiser la création d'entreprise» : Zakaria Fahim, Expert consultant de la commission de pilotage du projet «Auto-entrepreneur». Le statut de l'auto-entrepreneur est annoncé comme une piste pour répondre aux défis de l'emploi. Qu'est ce qui peut justifier cette option ? Zakaria Fahim : C'est un projet important. Si on fait le parallèle avec la France, ils attendaient 100.000 entreprises par an et en ont enregistré 300.000, plus de 800.00 sur deux ans et un million sur trois ans. On espère faire le même chemin et c'est pour cela qu'on est en train de travailler pour tester les hypothèses, afin de dégager les pistes qui s'adaptent à notre contexte. L'objectif est de permettre une libération des énergies, puisque c'est un projet global, sociétal, qui permet de créer des entreprises et en même temps, d'offrir la possibilité de donner une couverture sociale en parallèle à des gens qui, il n'y a pas longtemps, vivaient dans l'informel. Pour le micro-crédit, on accompagnait des gens afin de créer de la valeur, mais on ne leur offrait pas de cadre propice pour qu'ils puissent sortir de l'informel. C'est cela l'avantage de l'auto-entreprise, c'est qu'elle permet dans l'immédiat de démocratiser la création d'entreprise, parce qu'on démarre sans frein. C'est en quelque sorte et à mon avis, un modèle de rupture, qui devrait normalement permettre à des salariés, jeunes et moins jeunes, d'oser créer leurs entreprises. On a vu qu'il y avait le même espoir suscité pour les TPE et dans une certaine mesure pour les PME/PMI. Pourtant, des obstacles apparaissent encore pour la pérennisation de ces structures... Je pense que la première chose à laquelle s'attellera l'auto-entrepreneur, à travers un démarrage rapide de son activité, est de travailler en même temps qu'il se fait plaisir. Cela se traduit comme un entraînement, qui fera que même s'il tombe, il puisse se relever. C'est comme si vous aviez un enfant à qui vous voudriez apprendre à nager et que vous jetteriez directement à la mer. Le résultat est qu'il va, à coup sûr, se noyer. Alors que si vous lui appreniez d'abord à nager dans un bassin, il pourrait par la suite affronter les grands défis. Et c'est ce qu'on a fait jusque là au Maroc, pousser les jeunes dans l'entrepreneuriat sans une formation de base qui leur permette de justifier d'une certaine culture. Avec l'auto-entrepreneuriat, vous avez un entraînement sur deux ou trois ans, qui va servir de base à l'auto-entrepreneur pour mieux maîtriser son projet et ainsi devenir plus crédible. C'est la meilleure manière de promouvoir l'entrepreneuriat et de doter les jeunes des outils et instruments nécessaires pour que leurs projets deviennent compétitifs. Qu'est-ce qui justifie actuellement l'opportunité de ce statut et à quel niveau se trouve le projet ? Aujourd'hui, on a 400.000 jeunes qui arrivent sur le marché. Les entreprises ne peuvent en absorber que 150.000. Il y a une réalité mathématique qui parle d'elle-même. L'auto-entrepreneuriat est une opportunité qu'imposent les circonstances et qui constitue une étape importante pour passer, dans le cadre de la promotion de la culture d'entreprise, de l'état de souris à celui de gazelle et de la gazelle à l'éléphant. La commission ministérielle qui réunit trois départements, (Economie et finances, Industrie et commerce et Affaires générale) est à pied d'œuvre, sous le pilotage du RNI qui porte l'initiative, ainsi que du CJD et de plusieurs experts, afin que la mouture du projet soit effective prochainement, pour qu'on puisse aller de l'avant dans la mise en œuvre de ce statut.