«Affolant !». Ainsi qualifient les producteurs de carreaux en céramique, le rythme des importations de ce produit sur les premières semaines de l'année en cours. Depuis l'entame de 2011 jusqu'au 23 février dernier, les importateurs ont déclaré leur intention d'importer 8 millions de mètres carrés de céramique, d'une valeur de 457 millions de dirhams, selon les chiffres communiqués par le ministère du Commerce extérieur. «C'est quatre fois plus que le volume importé à la même période de l'année passée», s'alarme David Toledano, président de la Fédération marocaine de l'industrie des matériaux de construction. Cette ruée des importations était prévisible avec la levée, fin 2010, des mesures de sauvegarde (quotas et droits de douane additionnels sur les importations) au bénéfice de la filière locale de production de carreaux en céramique. Ligne rouge de l'OMC Ces mesures avaient été mises en place en 2005 pour trois ans et prolongées pendant deux ans et demi jusqu'à fin 2010. L'actuel contexte se prêterait encore à une autre extension de ces mesures. Reste que «le Maroc a déjà épuisé la période autorisée par l'Organisation mondiale du commerce», fait savoir Toledano. Pour autant, les industriels de la céramique n'en démordent pas. Ceux-ci ont, en effet, obtenu ce début d'année du ministère du Commerce extérieur de soumettre l'importation de carreaux en céramique à la procédure de Déclaration préalable à l'importation (DPI). Au passage, c'est en application de ce dispositif que le département de tutelle publie les statistiques sur les intentions d'importations de carreaux en céramique citées plus haut. Du reste, l'intérêt de la DPI est qu'elle permet l'obtention de données rapides sur les flux d'importation d'un produit donné, alors que les mêmes statistiques de l'Office des changes ne sont fournies que quelques semaines plus tard. Selon les procédures générales de la DPI, ces données sont censées être analysées pour établir si le flux des importations est de nature à léser la production locale. Dans le cas d'espèce, aucune mesure de sauvegarde ne pourra s'ensuivre, le Maroc ayant déjà épuisé ses possibilités. Néanmoins, «la DPI permettra de mieux cerner les importations de carreaux et de déceler les éventuelles anomalies», insiste Toledano. En parallèle, les industriels de la céramique préparent d'autres voies de contre-attaque. Des négociations sont en cours avec le ministère du Commerce extérieur pour décrocher des subventions, lesquelles viendraient compenser le coût élevé de l'énergie au Maroc qui grève la compétitivité du produit national par rapport à celui importé. Un autre recours souhaité par les professionnels consiste en l'introduction d'une requête auprès de l'OMC contre les pays exportateurs de carreaux de céramique vers le Maroc pratiquant du dumping. «C'est une démarche sophistiquée qui nécessitera un certain temps pour aboutir, car il faut prouver précisément les cas de dumping», relativise néanmoins le président de la a Fédération de l'industrie des matériaux de construction. Pour contre-attaquer à plus court terme, les industriels de la céramique envisagent de miser davantage sur la créativité, l'incorporation de plus de valeur ajoutée dans leur produit, la montée en gamme... Reste encore à rester compétitif avec les augmentations de coûts de production qui s'ensuivraient forcément. R.H