C'est hier que s'est tenu, à Skhirat, l'atelier national sur les modalités d'octroi de l'aide financière de l'Etat pour le développement de la mécanisation agricole. Ce système de subvention a connu deux toilettages majeurs en mars 2010 et, plus récemment, au mois de janvier dernier. Aussi, l'évènement se voulait-il une session de formation à ces nouveautés, impliquant des agriculteurs ainsi que l'ensemble des parties prenantes de la distribution des subventions à l'achat de matériel agricole. Les quelque 300 participants ayant pris part à l'événement avaient bien des zones d'ombre à éclaircir, ce qui a d'ailleurs fait largement déborder la session des débats sur le temps qui lui était imparti. Le ministère de l'Agriculture et l'Association marocaine des importateurs du matériel agricole (AMIMA) officiaient en chefs d'orchestre lors de cette initiative pédagogique. L'un et l'autre ont un intérêt vital à bien faire comprendre les articulations de la nouvelle formule de l'aide étatique aux agriculteurs. L'AMIMA, qui regroupe les six plus grandes sociétés nationales importatrices de matériel agricole, pesant 90% de parts de marché, voit là l'occasion de redonner du tonus à ses ventes de tracteurs qui génèrent l'essentiel du chiffre d'affaires réalisé auprès des agriculteurs. Certes, l'année 2009 a vu s'écouler un record de près de 6.800 unités sur le marché local alors qu'on n'en était encore qu'autour de 1.000 tracteurs vendus jusqu'en 2005. L'année dernière pourtant, ces ventes semblaient retomber dans leurs travers avec seulement 3.832 unités écoulées. La mauvaise pluviométrie sur la période explique cet essoufflement, mais cela démontre également que «les nouveaux mécanismes d'octroi de l'aide étatique pour l'achat de matériel agricole ont été mal assimilés», relate Chakib Ben El Khadir, président de l'AMIMA. D'où le déploiement de l'actuel effort pédagogique. Pour le département de l'Agriculture, aussi, l'enjeu est de taille. «La mécanisation agricole joue un rôle essentiel dans la réussite du Plan Maroc Vert, en raison de son impact sur l'amélioration des techniques de production, la modernisation des exploitations et l'augmentation de la productivité dans l'ensemble des filières agricoles», justifie le ministre de l'Agriculture Aziz Akhannouch. En lien, l'enjeu est de faire passer le taux de mécanisation de l'agriculture nationale de 0,4 cheval à l'hectare actuellement à un cheval à l'hectare conformément aux standards internationaux et en application des recommandations de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Pour y parvenir, le Fonds de développement agricole, qui a mobilisé durant les trois dernières années une enveloppe totale de près de deux milliards de dirhams pour les subventions du seul matériel agricole, fluidifie davantage ses rouages. Le nouveau système précédemment cité a permis d'élargir le champ du matériel agricole subventionné pour répondre à de nouveaux besoins exprimés par les agriculteurs et d'accorder une forte incitation aux projets d'agrégation à travers des subventions bonifiées bénéficiant à cette cible particulière. En outre, les procédures de traitement des dossiers ont connu en janvier 2011 une amélioration dans les délais de traitement des demandes de subvention qui sont passés de 12 à cinq jours. Reste pour tous les toilettages mis en œuvre à se concrétiser sur le terrain par une plus large diffusion du matériel agricole. Il faudra encore lever quelques contraintes pour y parvenir, selon l'AMIMA. On cite, en premier, la durée pour le renouvellement de l'accès à la subvention publique fixée actuellement à dix ans. Ce délai est jugé excessif et il est proposé de le ramener à 5 ans tout au plus. En outre, on relate des difficultés pour les agriculteurs pour accéder aux financements et aux concours bancaires, ce à quoi pourrait remédier la mise en place d'un Fonds de garantie. Enfin, le marché national du tracteur neuf continue d'être concurrencé par le matériel d'occasion importé. R.H «Les problèmes de financement pourraient limiter la mécanisation» : Chakib Ben El Khadir, Président de l'Association marocaine des importateurs de matériel agricole (AMIMA). Les Echos quotidien: L'objectif du ministère de l'Agriculture est de porter le taux de mécanisation national de 0,4 cheval par hectare actuellement à un cheval par hectare à moyen terme. Quel potentiel cela représente-t-il pour le marché national des tracteurs ? Chakib Ben El Khadir : Pour réaliser cet objectif, il faudrait parvenir à un volume annuel de vente de tracteurs compris entre 10.000 et 12.000 unités. Nous évoluons vers ce rythme progressivement. Du reste, nous estimons que l'actuelle consommation du marché qui s'établit aux alentours de 6.000 tracteurs est un chiffre tout à fait honorable. L'AMIMA espère signer un contrat-programme avec l'Etat lors du prochain Salon international de l'agriculture de Meknès (SIAM). Quelles en sont les grandes lignes ? Comme pour tout contrat-programme, notre accord apportera une vision et des engagements réciproques entre l'Amima et le ministère de l'Agriculture pour déterminer le déroulement du business de la mécanisation sur les années à venir. Il y a donc des engagements que nous attendons de la part de l'administration, notamment au niveau des taux de subvention et autres. L'administration attend de nous, en contrepartie, un engagement pour la modernisation de la mécanisation au Maroc, autrement dit une participation en termes de vulgarisation et d'accompagnement des agriculteurs, un engagement à côté du ministère en termes de préparation d'études et de stratégie ainsi que des embauches de jeunes formés aux métiers du machinisme agricole. Quelles contraintes grèvent encore le développement de la mécanisation ? Il y a une contrainte qui est liée à la subvention. Nous sommes lucides et honnêtes sur le fait qu'il y a encore cinq ans, il n'y avait pas de subvention. Nous n'avons donc pas à faire la fine bouche par rapport à cette aide. Mais cela ne nous empêche pas d'être exigeants et de souhaiter que cette aide soit maintenue dans le temps, que ses procédures d'octroi soient clairement expliquées et que la démarche pour en bénéficier soit de plus en plus simplifiée. À côté de cela, il y a des problèmes de fond qui ont trait à la capacité de nos agriculteurs à acheter et surtout à payer du matériel agricole. Il y a là un problème parce que les sociétés qui distribuent le matériel agricole financent elles-mêmes les agriculteurs. La situation était tenable pendant un certain temps quand on écoulait 1.000 tracteurs au niveau national. Mais aujourd'hui, avec un volume qui approche 7.000 tracteurs vendus, il y a risque d'essoufflement du distributeur et cela pourrait grandement limiter la mécanisation de notre agriculture.