En général, je n'aime pas trop qu'on veuille transposer systématiquement chez nous tout ce qui se fait ailleurs, mais je pense que cette fois-ci, ça vaut le coup. Je sais que beaucoup d'entre vous suivent assidûment, à la fois par nécessité et par défaut, l'actualité de l'Hexagone. Si c'est votre cas, je suis sûr que vous n'avez pas raté la déclaration fracassante de la première secrétaire du Parti socialiste français, déclaration qui a complètement dérouté ses adversaires de droite et totalement dégoûté ses ennemis d'extrême droite. Et il y avait bien de quoi. En plein débat insolite sur «L'identité nationale» avec son soubassement nauséabond «C'est quoi être Français ?», Martine Aubry a eu l'outrecuidance de proposer qu'on accorde aux étrangers, tout bonnement, le droit de voter aux élections, élections municipales et cantonales seulement, certes, mais élections quand même. En fait, elle n'en a pas parlé comme d'une simple proposition, mais elle a carrément annoncé que le groupe socialiste à l'Assemblée Nationale allait déposer une proposition de loi dans ce sens. Elle a rappelé que durant sa campagne présidentielle, Sarkozy avait dit qu'il était favorable à cette loi, et que, par conséquent, «il devrait la faire voter» pour que, a-t-elle ajouté, un sourire narquois en coin, «elle soit portée par l'ensemble de la République française». Je connaissais l'humour noir, je viens de découvrir l'humour rose. Si ce n'est pas un piège tendu à la droite parfois intelligente mais souvent maladroite, ça lui ressemble astucieusement. Et ça a fait mouche du premier coup. À peine quelques minutes après, tout le landernau de la majorité a commencé à s'agiter dans tous les sens. Commençons par Eric Besson, ce nouveau ministre «d'ouverture» qui a perdu repères et compères et qui veut fermer toutes les frontières. Il a déclaré qu'il était favorable à ce vote, mais, a-t-il tenu à préciser, «à titre personnel». Il a voulu certainement rappeler son allégeance indéfectible à son mentor qui, lui, l'était, bizarrement d'ailleurs, «à titre intellectuel». Sarko, intellectuel ? On aura tout vu ! Objection ! Lui ont rétorqué aussitôt Jean François Copé et Xavier Bertrand. Et de lui rappeler en chœur que si Sarko avait bien dit qu'il était pour le vote des étrangers, il avait néanmoins émis une condition formelle : «la réciprocité». Et voilà où je voulais en venir. Pourquoi nos socialistes, ou ce qu'il en reste, ne profitent-ils pas de cette occasion en or pour proposer, à leur tour, un projet de loi qui accorderait le vote aux Français du Maroc ? Pourquoi vous rigolez ? Je suis sérieux ! Et je vous assure que ça va être tout bénéf. Je vous explique : d'abord, grâce à cette initiative, nos socialos à l'eau pourraient reprendre du galon, devenir moins pantins, et - qui sait ? - avoir plus de strapontins. Et d'un ! De deux : en prenant Sarko au mot, on va, du coup, donner l'occasion à tous nos concitoyens de là-bas de devenir, eux aussi, de vrais électeurs, alors qu'ils n'étaient jusqu'alors que de vulgaires consommateurs. Et, enfin, de trois : en permettant aux Français résidents au Maroc – les FRM – de participer à nos élections, on va, à un moindre coût que Daba, booster ce fameux et malheureux taux de participation qui donne tant de froides sueurs aux fins cuisiniers de notre for intérieur. Et je voudrais finir par une belle cerise sur ce beau gâteau : on pourra enfin dire, sans peur, sans crainte et sans rougir, que grâce à la nouvelle ère, Français et Marocains sont, désormais, dans la même galère ! Martine, laissez-moi vous dire une dernière chose : je vous adore car, vraiment, vous valez Delors !