En débat aux Etats-Unis, où une cour d'appel a confirmé mercredi une ordonnance bloquant l'application du décret de Donald Trump y mettant fin pour les enfants de migrants clandestins, le «droit du sol» est appliqué dans plus d'un tiers des pays dans le monde. Dans la foulée de son investiture le 20 janvier, Donald Trump a signé un décret – dont l'application a depuis été bloquée par plusieurs juges de première instance – revenant sur le droit du sol, en vertu duquel tout enfant né sur le territoire américain a la nationalité américaine. Il a faussement affirmé que les Etats-Unis, où ce principe est appliqué depuis plus de 150 ans, étaient le seul pays au monde à accorder la citoyenneté de naissance. Or 38 pays reconnaissaient le droit du sol sans conditions au 1er janvier 2024, essentiellement sur le continent américain, d'après les données de l'Observatoire global de la citoyenneté, basé à l'Institut universitaire européen près de Florence (Italie). Citoyenneté et loyauté Les enfants nés aux Etats-Unis, au Canada, au Mexique, en Argentine ou encore en Equateur obtiennent ainsi de façon automatique la citoyenneté du pays dès leur naissance. Une spécificité héritée du 19e siècle, lorsque les premiers Etats américains, affranchis de l'occupation coloniale, voulaient attirer l'immigration européenne pour répondre à un enjeu de peuplement. «Au 19e siècle, les Etats-Unis et les pays émergents d'Amérique latine sont quasiment vides parce que la population amérindienne a été décimée de façon absolument massive après l'arrivée des Européens en 1492», relève le démographe Jean-François Vignot. Attribuer aux enfants d'immigrés la nationalité du pays dès la naissance permettait aussi de «s'assurer de leur loyauté», explique le chercheur – ces citoyens faisant leur service militaire sur place plutôt qu'en Angleterre, en Espagne ou au Portugal. Certains pays d'Amérique latine, comme la Colombie ou la République Dominicaine, appliquent le droit du sol avec des exceptions en rapport avec le lieu de résidence des parents. Afrique : des cas rares En Afrique, la liste des pays qui pratiquent le droit du sol inconditionnel se limite au Tchad, la Tanzanie, le Mozambique, le Lesotho, et, depuis 2022, également le Bénin. Auparavant, il fallait qu'un parent soit né dans le pays. Pourquoi ces pays observent-ils le droit du sol absolu? «Le point de départ est généralement une forme de transplantation juridique du régime de citoyenneté de l'ancienne puissance coloniale qui était en place au moment de l'indépendance», explique Maarten Vink, directeur de l'Observatoire global de la citoyenneté. Par exemple, lorsque le Mozambique est devenu indépendant du Portugal en 1975, la loi portugaise sur la citoyenneté incluait un droit du sol inconditionnel, ensuite restreint en 1981. Le droit du sol absolu est également en vigueur à Tuvalu, en Moldavie, au Bangladesh et au Pakistan, du moins en théorie. En réalité, Islamabad et Dacca n'appliquent pas ce principe aussi systématiquement que d'autres pays, indique Maarten Vink. Un total de 33 pays, en plus du droit du sang, appliquent un droit du sol conditionnel, principalement en Europe occidentale et en Afrique de l'Ouest. La France, l'Espagne et la Belgique pratiquent ainsi le «double droit du sol»: un enfant né dans le pays de parents étrangers a la nationalité si au moins l'un d'eux y est également né. En Belgique, il faut en plus que le parent en question ait été résident pendant cinq des dix années précédentes. En France, un enfant né sur le territoire de parents étrangers pourra acquérir la nationalité dès ses 13 ans, à condition d'en faire la demande et d'avoir résidé au moins cinq ans dans le pays. Sur l'archipel français de Mayotte, récemment dévasté par un cyclone, il faut en plus qu'un des parents ait été résident régulier en France au moins trois mois au moment de la naissance. Sami Nemli / Les Inspirations ECO