L'enquête de conjoncture du Haut-Commissariat au plan pour le troisième trimestre 2024 met en lumière un paysage économique marqué par les perceptions pessimistes des ménages, malgré une stabilisation apparente de certains indicateurs globaux. Leurs attentes et comportements reflètent des tensions importantes en matière de niveau de vie, de chômage, de consommation et d'épargne, dans un contexte de reprise économique inégale. À trois mois de la fin de l'année 2024, les ménages marocains continuent d'exprimer des inquiétudes quant à leur avenir. Selon l'enquête du Haut-Commissariat au plan (HCP) pour le troisième trimestre, l'Indice de confiance des ménages (ICM) affiche une stabilité fragile, à 462 points. Cette légère hausse par rapport au trimestre précédent (461) reste insuffisante pour dissiper les craintes persistantes liées au niveau de vie, au chômage et à la hausse des prix, l'indice se situant toujours en deçà du niveau de 2023 (465 points). Les ménages sceptiques La majorité des ménages perçoit une dégradation continue du niveau de vie. 81% déclarent que leur situation s'est détériorée au cours des 12 derniers mois, et 57% anticipent une aggravation dans l'année à venir. Le solde d'opinion reste fortement négatif à -493 points, illustrant un pessimisme durable. Les inquiétudes vis-à-vis de l'emploi demeurent également élevées. 82% des ménages prévoient une augmentation du chômage dans les mois à venir, ce qui se traduit par un solde d'opinion de -763 points, en légère détérioration par rapport au trimestre précédent. Cette situation fragilise davantage la confiance et nourrit une incertitude persistante. Par ailleurs, 79% des ménages jugent que le moment n'est pas opportun pour effectuer des achats de biens durables. Le solde d'opinion pour cet indicateur reste négatif à -697 points, soulignant la prudence accrue des consommateurs. Sur le plan de l'épargne, les perspectives sont également faibles, bien que le solde d'opinion ait légèrement progressé à -782 points contre -804 au trimestre précédent. 11% seulement des ménages envisagent d'épargner dans les prochains mois, témoignant de la difficulté à constituer une épargne malgré quelques signaux d'amélioration. Pressions inflationnistes persistantes Les prix des produits alimentaires continuent de peser sur le budget des ménages. 98% des répondants affirment que ces prix ont augmenté au cours de l'année écoulée et 84% prévoient une nouvelle hausse dans les 12 prochains mois. Le solde d'opinion relatif à cette question atteint -835 points, confirmant la persistance de tensions inflationnistes qui entravent le pouvoir d'achat et aggravent les contraintes financières des foyers. Un contexte économique à plusieurs vitesses Sur le plan macroéconomique, la croissance reste inégale. Selon le HCP, le PIB a progressé de 2,8% au troisième trimestre 2024, soutenu par une reprise des exportations et une demande intérieure vigoureuse. Cependant, le secteur agricole reste en difficulté, avec une contraction de 4,1%, en raison de conditions climatiques défavorables et d'un recul de certaines productions animales. Cette situation affecte la consommation des ménages et renforce la dépendance aux importations alimentaires. Le secteur industriel, en revanche, a enregistré une performance notable, avec une croissance de 4,4% des industries d'extraction. Cette hausse a été stimulée par la demande mondiale en phosphate, accentuée par la réduction de l'offre chinoise. Néanmoins, certaines filières manufacturières, notamment le textile et l'agroalimentaire, continuent de souffrir d'une demande extérieure incertaine. Malgré une hausse des transferts publics et des revenus salariaux, notamment au profit des ménages les plus modestes, ces mesures ne suffisent pas à compenser pleinement les effets de l'inflation, en particulier dans les zones rurales où l'activité économique reste limitée. Bien que l'investissement ait progressé de 9,6% au troisième trimestre, les entreprises restent prudentes face aux incertitudes économiques internationales. C'est dire que l'économie nationale présente un tableau contrasté à l'approche de 2025. La faible confiance des ménages, associée à une inflation persistante, entrave la demande intérieure, moteur traditionnel de la croissance.