Journaliste, analyste sportif, homme de culture, grand érudit… Belaïd Bouimid, emporté par la maladie mardi, était un homme aux multiples casquettes. Ceux qui l'ont côtoyé retiennent surtout un homme dont l'humilité n'avait d'égale que son immense culture. «Quand un être cher devient un souvenir, le souvenir devient un trésor», dit l'adage. Une pensée que ne contrediront pas ceux qui ont côtoyé Belaïd Bouimid. Le journaliste s'est éteint mardi matin, à 73 ans, après une longue maladie. Ses chroniques et son coup de crayon laissent une marque indélébile dans le secteur de la presse marocaine où il se sera distingué par ses caricatures, mais aussi ses chroniques. Féru de sport, il laisse surtout l'image d'un homme attachant et très ouvert. «Nous n'étions pas toujours d'accord, mais cela ne nous empêchait pas d'être de bons amis. Il acceptait le débat contradictoire. C'était quelqu'un de tolérant et de très ouvert», se rappelle Amine Birouk, directeur des programmes à Radio Mars, où il a collaboré avec le défunt à partir de 2010. Sur ces antennes, Belaïd Bouimid était aussi connu sous le sobriquet de «Camarade Président», notamment en raison de ses affinités avec la gauche, et son statut de président de l'Union africaine de la presse sportive (2005 et 2009). Humble et rassembleur Durant sa carrière, il aura côtoyé nombre de personnalités et accédé à certains titres, mais aura toujours cultivé l'humilité. «Il avait pour principe le respect des autres et le fait de ne pas se sentir supérieur à quiconque. Servir sans se servir était sans doute l'une de ses grandes qualités», poursuit Birouk, qui souligne la disponibilité et la bonhomie du défunt. Un trait de caractère que retient aussi M'hamed Bhiri, vétéran de la SNRT, qui confie, amusé, que la moustache de Belaïd Bouimid lui conférait «des allures de personnage de bande dessinée». C'est dire à quel point l'illustre disparu était attachant. Son entourage lui reconnaît d'ailleurs un talent certain pour faire aimer le sport même à ceux qui ne s'y intéressaient pas. «Il savait utiliser des mots clairs, et il avait une manière très artistique d'amener les choses», poursuit Bhiri. Belaïd Bouimid savait aussi rassembler des personnes. Larbi Alaoui, ancien journaliste, qui l'a côtoyé à Al Bayane se rappelle comment dans les années 1990, il lui a permis de faire la rencontre du dramaturge Tayeb Saddiki, légende du théâtre marocain, disparu en 2016, et grand ami de Bouimid. «Je le croisais souvent à Rabat sans jamais lui adresser la parole, par timidité. C'était le Orson Welles, et moi je n'étais qu'un jeune journaliste. Un jour, j'ai couvert un évènement auquel il participait, et il a beaucoup aimé l'article. Il ne savait pas que c'était moi qui l'avait écrit, et Belaïd lui a dit que c'était moi, et nous a présentés. C'est ainsi que j'ai été amené à le côtoyer régulièrement», raconte Larbi Alaoui, ému. Un puits de culture M'hamed Bhiri se souvient aussi que lors de ses émissions, «ce n'était pas la peine de lui poser beaucoup de questions, car dans ses réponses, il était capable de rebondir sur plusieurs sujets». Une agilité intellectuelle qui découle certainement de l'important bagage intellectuel de l'homme. «C'était un maître. Un vrai érudit. Il n'arrêtait jamais de lire, et c'était un vrai touche-à-tout», renchérit Amine Birouk. Ce trait intellectuel ressortait aussi dans les nombreuses caricatures que le Camarade aura signées et dans lesquelles il s'évertuait à piquer sans heurter. Son intellect était entretenu depuis son appartement casablancais, son «atelier», une véritable «caverne d'Ali Baba», décrit Tarik Boubiya, président du Café littéraire d'El Jadida, ami de longue date. Là sont savamment entreposées plus de 5.000 œuvres littéraires et d'autres œuvres d'arts d'Afrique et d'ailleurs. Un ami fidèle S'il était attachant, c'est aussi sans doute parce que feu Belaïd Bouimid savait aussi garder ses proches. Tarik Boubiya, originaire de la même ville que le défunt se rappelle comment après s'être perdus de vue pendant des années, ils avaient renoué le contact en 2019 à l'occasion du Salon international de l'édition et du livre (SIEL) qui se tenait alors à Casablanca. «Depuis, nous ne nous sommes plus quittés», confie-t-il, soulignant que les deux amis travaillaient sur un projet de livre. Une espèce de rétrospective sur les chroniques que le défunt animait à la radio et à la télévision. Autre preuve de sa fidélité en amitié : Belaïd Bouimid a choisi les prénoms de ses enfants, Tayeb et Nadir, d'après l'illustre Tayeb Saddiki, et du non moins illustre Nadir Yata, fils d'Ali Yata, et grand nom de la presse. Deux de ses plus proches amis, partis avant lui pour l'au-delà, mais dont Belaïd Bouimid s'est assuré qu'ils ne seraient pas trop loin, avant qu'il ne les rejoigne à son tour. Darryl Ngomo / Les Inspirations ECO