Pourquoi Salmane marche-t-il? Cette phrase doit vous rappeler quelque chose. Cherchez bien... L'été dernier, un drôle de personnage avait décidé d'entreprendre un voyage à pied de Dakhla à Tanger pour faire passer un message aux Marocains. Lequel? «Nous ne sommes pas locataires mais propriétaires de notre pays. Ce n'est pas avec des mentalités telles que «Après moi le déluge» que le pays va avancer. Cette marche était une sacrée expérience. Je l'ai faite pour attirer l'attention du Marocain. Maintenant que c'est fait, je vais passer à l'étape suivante, celle d'attirer l'attention de mes concitoyens sur ce qui intéresse le Maroc», s'emporte Salmane Belayachi. Le Maroc d'abord, voici le nouveau leitmotiv de Salmane. Prétentieux, fou, rêveur, le jeune Meknassi a surpris les Marocains avec son initiative peu ordinaire. Mais il a réussi à les séduire par sa fougue et son optimisme sans limites. Marocain de cœur, américain d'esprit Oui, le Maroco-Américain aime la lumière des projecteurs, c'est sûr. Mais pour lui, ce qui passe pour un ego démesuré n'est que la conscience poussée de sa destinée. «Je pense que je suis un enfant indigo, un de ces enfants qui ont un message à délivrer et qui sont destinés à changer le monde. Je n'aurais pas pu faire autrement». Pas facile pourtant de tout laisser derrière soi quand on a bataillé dur pour arriver là où on est. À 18 ans, Salmane va vivre aux Etats-Unis grâce au soutien de ses parents. Il y restera 9 ans. Après y avoir bâti sa vie, entre études, emplois et mariage, il quittera tout pour rentrer au Maroc accomplir son «œuvre». Pourtant de l'Amérique, il ramènera beaucoup de choses dans ses bagages. «Je suis Marocain de naissance, mais Américain d'esprit. J'aime les USA comme on aime sa femme, mais j'aime le Maroc comme on aime sa mère». Si sa matière brute est marocaine, c'est le pays de l'oncle Sam qui l'a façonné. Difficile de séparer les idées de Salmane de ce qu'il est, un idéaliste extrême accroché aux deux rives de l'Atlantique. « Je veux importer le «Yes we can» ici, parce que nous aussi on peut. Le système marocain me rappelle tous les jours ce que nous ne pouvons pas faire. Alors qu'aux USA tout est fait pour nous pousser à nous dépasser». La bataille du fondateur de l'ONG «Le citoyen marocain», c'est celle des mentalités. Tel un messie, il prêche pour un éveil ou un réveil des consciences. «Je ne suis pas là pour récolter des fonds, je laisse ça à ceux qui savent le faire. Moi, je pense que le militantisme du 21e siècle, c'est la communication. Mon action c'est uniquement de la sensibilisation. Et pour moi c'est bien plus important que les actes. Je préfère motiver un professeur pour qu'il fasse son métier avec passion que de construire une école». Les mentalités, sa bataille Il avait choqué quand il avait publiquement déclaré que les Marocains étaient individuellement intelligents, mais collectivement inefficaces. Pour le jeune homme, tout est histoire d'environnement. «Le problème c'est nous et le défaitisme ambiant». Son argument c'est que les Américains diront toujours à leurs enfants qu'ils sont les meilleurs, même s'ils sont des plus communs. «Ici, même si tu as un énorme potentiel (et le Maroc regorge de potentiels), on te décourage. On étouffe tous les talents de cette façon». Salmane sait que ce qu'il veut entreprendre est titanesque, mais son patriotisme est plus fort que tout. Pour lui, la société marocaine est prédisposée à faire des miracles. Il ne lui manque qu'un coup de pouce. Son ambition est de pousser les gens à être plus individualistes. Pour Salmane, plus individualiste ne veut pas dire plus égoïste. Selon lui, le système américain est basé sur l'individualisme, qui contribue à l'intérêt général. «C'est lorsque l'individu devient égoïste que c'est la crise du système. Moi, je veux plus d'individualisme et moins d'égoïsme pour ce pays». Ses idées tirées de la philosophie de la main invisible d'Adam Smith, Salmane a pris le temps d'y réfléchir. Il a même inventé une théorie, le «Human Development Domino Effect». Dans sa définition du développement, il faut trois choses. «La citoyenneté, c'est-à-dire notre rapport au pays, le contrat social, qui est notre rapport à nos concitoyens et l'auto-mandat, notre rapport à nous mêmes. Ainsi, si je tire ma crédibilité de ma marche, je tiens ma légitimité de l'auto-mandat». Ajoutez à cela le sentiment de propriété qu'un peuple doit ressentir vis-à-vis de son pays et voila la clé de voûte de la réussite pour Salmane, qui espère que son exemple fera des émules. Et celui qui a été décoré par le Roi du Wissam alaouite de l'ordre des officiers de conclure «Nous ne devrions pas oublier l'avant-dernière phrase de notre hymne national «Nous proclamerons au monde que c'est ici que nous vivons!».