En attendant de connaître les contours de l'offre Maroc en matière d'hydrogène vert, il existe des défis communs avec les autres pays souhaitant développer cette filière, mais également des spécificités propres au Maroc. Il s'agit, notamment, de la gestion de l'eau face au déficit hydrique et du recours au dessalement de l'eau de mer. Coût de la production de l'hydrogène vert et ses applications, cadre légal et réglementaire, stockage et modalités de transport et de gestion de l'eau en plus de la mise en place de l'infrastructure portuaire et gazière... Ce sont les principaux défis auquel est confronté le Maroc pour développer sa filière de l'hydrogène vert et ses dérivés. Des points qui ont fait l'objet de débats dans le cadre des différentes sessions techniques initiées en marge de la troisième édition du sommet du World Power-To-X, tenu a Marrakech il y a quelques jours, avec entre autres, la chaîne de valeur technologique en relation avec l'eau et l'électricité ainsi que la question de l'investissement et de la gouvernance. À cela s'ajoute l'intégration du dessalement de l'eau de mer et des contrats pour le Power-to-X en plus de la certification et des normes pour l'hydrogène vert ainsi que les couloirs commerciaux de l'hydrogène vert et les routes maritimes. Selon une récente analyse stratégique sur l'hydrogène vert et ses dérivés au Maroc, publiée en septembre 2023 par l'Institut marocain d'intelligence stratégique (IMIS), le Royaume devra apporter une réponse concrète à ces cinq défis à commencer par la question du coût. Bien que les espoirs tablent actuellement sur la production de l'hydrogène vert à des coûts compétitifs par rapport à l'hydrogène bleu, avec le déploiement massif des différentes technologies d'électrolyse, l'hydrogène vert est toujours deux à trois fois plus cher que l'hydrogène bleu, qui est produit à partir de combustibles fossiles. Les écarts de coût devraient se réduire En termes de perspectives, les écarts de coûts et de performances devraient, selon les experts, se contracter à travers le temps, au fur et à mesure de l'innovation et du déploiement de masse des différentes technologies d'électrolyse pouvant conduire à une convergence vers des coûts similaires. Dans ce sens, l'hydrogène vert pourrait être produit à des coûts compétitifs par rapport à l'hydrogène bleu. Mais pour ce faire, il faudrait combiner sa production, selon le rapport en question, avec l'électricité renouvelable à faible coût qui connaît également une courbe descendante depuis plusieurs années. En ce qui concerne la réglementation applicable, à ce jour, le Maroc ne dispose pas, selon cette analyse stratégique, d'un régime réglementaire complet spécifique qui traite des questions relatives à l'hydrogène. Compte tenu du fait que les installations de production d'hydrogène stockent, manipulent et traitent de grandes quantités de matières dangereuses et sont soumises à des exigences strictes en matière de sécurité, de rapports et de licences, l'une des questions clés est de savoir si une installation de production d'hydrogène sera qualifiée d'«installation à risque majeur» ou d'«installation classée». En outre, une installation de production d'hydrogène sera soumise à diverses réglementations environnementales au même titre que le stockage et le transport de l'hydrogène. De surcroît, il est également important de comprendre le cadre réglementaire actuel qui s'applique à l'exportation d'hydrogène et celle de ses substances connexes, au Maroc et au niveau du pays de destination de l'exportation, et si l'hydrogène est envisagé pour l'approvisionnement du réseau de gaz, comment il pourrait participer au marché national. Le soutien gouvernemental, une condition sine qua non Aussi, il conviendrait de mettre en œuvre rapidement un dispositif de label ou de garantie d'origine renouvelable qui permette de caractériser l'hydrogène vert et son intérêt décarboné. Pour ce qui est de l'intervention étatique, le soutien gouvernemental est nécessaire, à condition de démontrer les avantages que l'industrie de l'hydrogène pourrait apporter au public marocain. Pour sa part, le succès de l'hydrogène dépendra en fin de compte du financement et des politiques publiques adoptées qui rythmeront le développement du secteur, au moins durant les premières phases. À court terme, les projets seront probablement limités à la recherche et au développement à petite échelle et aux projets de procédés industriels ciblant des utilisateurs finaux spécifiques. Les premiers projets à grande échelle seront vraisemblablement financés par des structures multi-sources fortement dépendantes de subventions et de dettes concessionnelles, et limitées aux projets qui ont des accords d'achat à long terme et/ou des sponsors solides. Par ailleurs, le rapport a mis en exergue plusieurs points de vigilance. À ce titre, il convient d'inclure dans l'Offre Maroc, des points de vigilance non négociables. En effet, le secteur privé national devrait profiter de cette opportunité avant les géants pétroliers mondiaux qui investissent énormément dans ce domaine et qui disposent de fonds très importants du fait du renchérissement des cours. De plus, les meilleurs sites de potentiel solaire et éolien doivent être réservés aux acteurs qui créeront le plus de valeur ajoutée pour la communauté nationale en matière d'emplois, de développement industriel et territorial. À cela s'ajoutent : le développement d'un écosystème d'électrolyseurs et de piles à combustible appelé à être enrichi, la question du risque, la conclusion d'accords de transfert de technologie, et la mise en place d'un droit de «préférence nationale». Yassine Saber / Les Inspirations ECO