Les automobilistes ont été surpris en prenant connaissance, jeudi dernier, d'une nouvelle hausse des prix à la pompe. Une augmentation que certains experts estiment injustifiée. Un avis qui ne fait cependant pas l'unanimité. Les distributeurs ont pris tout le monde de court en augmentant à nouveau les prix, dans la nuit de mercredi à jeudi de la semaine dernière. Le prix du litre de gasoil a augmenté de 27 centimes pour atteindre 11,80 DH, tandis que celui du litre d'essence a pris 49 centimes, à près de 14,50 DH dans les stations-service. Certains experts soulignent que cette nouvelle hausse n'est pas justifiée par l'évolution des cours du pétrole ni par celui du dollar. En effet, le cours du pétrole converti en dirham est en repli depuis le 5 février, à 730 DH par baril. En principe, jusqu'au mois de septembre de cette année, les prix devraient varier entre 11,5 DH et 12,50 DH, respectivement, pour le litre de gasoil et d'essence. Par ailleurs, les distributeurs ont vu leurs marges se réduire considérablement au premier semestre, en raison de cette baisse des prix à la pompe, mettant fin aux substantiels bénéfices de l'année 2022. Cependant, Mostafa Labrak, directeur général d'Energysium Consulting, ne partage pas cet avis. Selon lui, cette hausse est justifiée, car la demande en carburants augmente considérablement pendant la période estivale. Il affirme qu'il y a une demande importante de produits pétroliers dans le monde entier pendant l'été, au moment où le cartel des pays producteurs cherche à baisser la production mondiale. Si la pandémie avait perturbé les chaînes d'approvisionnement, la tension sur les marchés pétroliers et gaziers s'est atténuée depuis. Mais malgré cette accalmie, les prix continuent d'augmenter. En effet, on estime que le prix du baril dépassera les 85 dollars et pourrait atteindre les 90 dollars vers la fin septembre avant de se stabiliser. Labrak affirme que la hausse actuelle ne reflète pas la véritable réalité des prix. Selon lui, «les compagnies n'ont pas appliqué à 100% les tarifs normaux pour diverses raisons, préférant s'adapter au marché». Cependant, cette approche, censée rassurer les consommateurs, est critiquée, et les compagnies sont désormais sous le coup d'une enquête du gendarme de la lutte anticoncurrentielle. En effet, le 3 août dernier, le rapporteur général du Conseil de la concurrence a notifié neuf sociétés opérant dans les marchés de l'approvisionnement, du stockage et de la distribution du gasoil et de l'essence, ainsi que leur association professionnelle, pour avoir limité ou contrôlé la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique, et pour avoir réparti les marchés, les sources d'approvisionnement ou les marchés publics. Un impact réel sur les consommateurs À ces griefs s'ajoutent d'autres reproches parmi lesquels la volonté de limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence avec l'intervention d'autres entreprises. Une manière de faire obstacle à la formation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse. Il faut noter toutefois que la notification des griefs, adressés par les services d'instruction, ne saurait préjuger de la décision finale du conseil. Dans ce cadre, cette notification, qui fait suite aux modifications apportées au cadre légal régissant la concurrence au Maroc, ouvre la procédure contradictoire, conformément aux dispositions de l'article 29 de la loi n°104-12 qui garantit l'exercice des droits de la défense. En attendant les conclusions de cette phase contradictoire, la récente hausse du prix à la pompe irrite déjà les consommateurs, en particulier les transporteurs. «Il faut savoir qu'auparavant, le coût de revient pour un autocar de 48 places était d'environ 3 DH/km, alors qu'aujourd'hui il atteint presque 5 DH. Cela représente notre plus grande charge variable, et nous la suivons de près. Par ailleurs, nous avons du mal à comprendre la relation entre le prix du carburant à la pompe au Maroc et celui du baril, ainsi que les raisons de ce décalage», a récemment réagi, sur nos colonnes, Kamil Cherif-Alami, directeur général d'Atlas Rider, acteur important du transport touristique. Du côté des loueurs de voitures sans chauffeur, ils suivent de près l'évolution du prix du carburant, quand bien même il est à la charge du client, car comme le souligne Tarik Dbilij, président de la FLASCAM, «plus le prix du carburant à la pompe augmente, plus la demande de voitures sans chauffeur baisse». Khadim Mbaye / Les Inspirations ECO