Président de l'IMRI (Institut marocain des relations internationales) La France vit, depuis le mois de janvier 2023, une grave crise politique et sociale due au projet de réforme des retraites. Adopté par le Conseil des ministres le 23 Janvier 2023, le projet a pour objet la pérennité de la retraite par répartition, qui est un système basé sur la solidarité intergénérationnelle. La mesure phare de cette réforme est de reporter l'âge légal du départ à la retraite de 62 à 64 ans. Cet allongement du temps de travail a pour but d'équilibrer les caisses de retraite à moyen et long terme. Le texte du projet de loi, portant sur la réforme des retraites, a été examiné en première lecture par l'Assemblée nationale, et envoyé le 17 février 2023 au Sénat. Après quelques modifications mineures, le texte a été adopté par le Sénat le 12 mars, et a donné lieu à la formation d'une Commission mixte Assemblée nationale/Sénat qui a produit son rapport le 15 mars. Le Sénat a procédé à une seconde adoption du texte le 16 mars. Le même jour, Elizabeth Borne, la première ministre, a utilisé l'article 49-3 de la Constitution qui permet d'adopter une loi sans vote. La décision d'utiliser cet article 49-3 est motivée par l'absence d'une majorité absolue présidentielle dans l'Assemblée nationale. En effet, les élections législatives des 12 et 19 Juin 2022 n'ont permis de doter la majorité présidentielle que de 250 députés, alors que la majorité absolue est de 289. C'est la première fois, depuis les années 2000, que le président de la République ne dispose pas de la majorité absolue à l'Assemblée nationale. Dès le départ, cette réforme du système des retraites a donné lieu à l'opposition farouche des syndicats et des partis politiques d'opposition : le «Rassemblement national» (RN) qui dispose de 89 députés, et la «France insoumise» qui en a 75. D'ailleurs, deux motions de censure ont été déposées le 20 mars par le RN et le Groupe transpartisan Liot. Ces deux motions ont été rejetées, ce qui a eu comme conséquence l'adoption de la loi sur la réforme du système de retraite, sous réserve de l'accord du Conseil constitutionnel qui a été saisi le 21 mars. L'adoption de cette loi sur la réforme du système de retraites a donné lieu à un mouvement social d'une ampleur inédite, surtout après le recours à l'Article 49-3 de la Constitution. Divers sondages ont indiqué que 75% des Français sont opposés à cette loi. C'est ainsi que les journées de mobilisation des 31 janvier et 7 mars, à l'appel de l'intersyndicale, constituent les plus grandes journées de mobilisation en France de la période contemporaine. Des grèves ont eu lieu dans les transports, l'électricité, l'enseignement, le raffinage, la collecte et l'incinération des ordures. De même il a été constaté des invasions de voies routières, autoroutières, plateformes logistiques, et stations de péage. La nuit, et en plus des manifestations diurnes, des jeunes ont déambulé dans les rues de nombreuses villes, rejoints par des casseurs qui multiplient les feux de poubelles ou tentent de mettre le feu à des bâtiments publics. Le mouvement social se structure autour d'une intersyndicale regroupant les huit principaux syndicats, ainsi que les trois syndicats étudiants ayant le plus d'élus. Alors que la réforme courageuse du système de retraites en France est justifiée du fait de l'allongement de la vie, c'est sur la forme que le président Macron a péché. D'abord, le moment choisi n'est pas opportun. Les Français, comme d'ailleurs tous les peuples du monde, sont traumatisés par une succession d'événements douloureux : pandémie du Covid-19, guerre en Ukraine, inflation galopante réduisant drastiquement le pouvoir d'achat… Autre erreur commise, Emmanuel Macron n'a pas répondu positivement à la lettre du 9 mars 2023 de l'intersyndicale, sollicitant une rencontre avec lui. Au lieu d'apaiser la situation il a déclaré : «La foule, quelle qu'elle soit, n'a pas de légitimité face au peuple qui s'exprime à travers ses élus». Or, justement, les élus ne se sont pas exprimés sur ce projet de réforme, puisque c'est l'article 49-3 qui a été utilisé. En conclusion, Emmanuel Macron a été très critiqué surtout après l'utilisation par son gouvernement de l'Article 49-3 pour faire passer en force la nouvelle loi sur le système des retraites. Les partis d'opposition et les syndicats ont été très durs à son égard le qualifiant «d'arrogant, hors sol, méprisant». Il doit composer avec eux car il ne dispose pas de la majorité absolue à l'Assemblée nationale. En politique étrangère, on retrouve ces mêmes critiques de la part de certains pays africains et européens. Emmanuel Macron a intérêt à modifier son comportement pour rester productif, tant en politique intérieure qu'étrangère, pour les quatre années de présidence qui lui restent.