En France, le scrutin à l'Assemblée nationale sur la réforme des retraites s'annonce serré et le gouvernement espère éviter le recours au 49.3. Face à un vote plus que jamais incertain, Elisabeth Borne et l'Exécutif font tout pour obtenir suffisamment de voix des Républicains à l'Assemblée pour éviter l'utilisation de la procédure du 49.3. Ayant à peine engrangé un succès au Sénat, le gouvernement part à la chasse aux voix des députés qui devraient se prononcer à leur tour sur la très contestée réforme des retraites, en milieu de semaine prochaine. La première ministre est montée en première ligne dès que le vote du Sénat a été acquis, tard samedi soir, par 195 voix contre 112. Elle a promis de mettre désormais toute son «énergie» pour «que ce texte soit voté». Le président Emmanuel Macron, pour qui cette réforme est politiquement capitale, est en revanche resté sur sa réserve. «Il existe une majorité au Parlement» pour voter la réforme, veut croire Elisabeth Borne, à la veille d'un scrutin autrement plus serré qui s'annonce, probablement jeudi, à l'Assemblée nationale. «On ne se met pas du tout dans l'optique du 49.3», assure son entourage. Le gouvernement a sorti sa calculette et espère obtenir suffisamment de voix des Républicains, pourtant divisés, afin d'éviter le recours à cet outil constitutionnel perçu comme autoritaire, qui permet l'adoption d'un texte sans vote mais expose l'Exécutif à une motion de censure. Après trois jours de répit, les débats parlementaires reprendront mercredi, avec la convocation d'une commission mixte paritaire (CMP). Dans cette réunion, sept députés et sept sénateurs chercheront à s'accorder sur un texte de compromis. Le gouvernement n'y est pas présent mais il peut «tirer les ficelles». Si un accord est trouvé, le texte ira jeudi de nouveau au Sénat pour une dernière validation puis, vraisemblablement, dans un immense suspense, à l'Assemblée nationale. Selon une source au sein de l'Exécutif, Matignon devrait réunir lundi les parlementaires concernés pour préparer le conclave, où les macronistes et la droite sont majoritaires. Dire qu'il existe une majorité au Parlement, c'est «la méthode Coué», a estimé le chef de file des sénateurs socialistes, Patrick Kanner, sur RMC. Il a souligné que 50 voix avaient manqué à la droite et au groupe centriste au Sénat pour voter la réforme, «une alerte non négligeable», selon lui. «Ce texte peut et doit avoir une majorité», assure pourtant, dans le JDD, Stéphane Séjourné, le patron du parti présidentiel Renaissance, en appelant «en responsabilité» les Républicains à voter la réforme. Ce proche d'Emmanuel Macron précise qu'il n'est «pas favorable» à l'utilisation du 49.3. «Il faut que le gouvernement fasse tout pour ne pas l'utiliser, mais si au bout du compte il y a un souci, il devra l'utiliser», a estimé Bruno Retailleau, le patron des sénateurs LR, au Grand rendez-vous Europe 1/Les Echos/CNews. Si le gouvernement y a recours à l'Assemblée, après avoir utilisé la procédure accélérée du vote unique au Sénat, «cela pose un problème de légitimité» et pourrait faire entrer la France dans une «grande colère», prévient Patrick Kanner. Compte tenu du niveau «inédit» des manifestations contre la réforme, «ce serait une forme de vice démocratique», abonde dans le même sens, Laurent Berger, le patron de la CFDT. Le leader syndical met surtout en garde contre le «ressentiment très profond» que l'adoption de la réforme pourrait susciter dans le monde du travail, jugeant que le refus par Emmanuel Macron de recevoir l'intersyndicale ressemble à un «incroyable bras d'honneur à la démocratie sociale». Sami Nemli avec agences / Les Inspirations ECO