Azzedine Baddou fait de la récupération un art. Il donne libre-cours à son imagination dans son atelier 10 bis et ne se met aucune barrière, si ce n'est une quête perpétuelle d'objets insolites, partie intégrante de son processus de création. Son dernier travail, dont une partie sera exposée à la Villa des arts de Casablanca est le fruit de deux de ses acquisitions : des butanes écrasées aux formes sculpturales, sauvées d'une fonderie, et des têtes de mannequins qui lui servent de formes blanches. Les premières deviennent des bustes, après moult remodelages, les secondes sont le substrat d'un caractère et d'une émotion qu'expriment l'habit et la posture de ces «personnages» loufoques qu'il réalise. Ainsi, la galerie de portraits qu'offre à voir Azeddine Baddou est une étape majeure de sa recherche esthétique entamée dès ses premières années d'études à l'Ecole spéciale d'architecture de Paris. On se souvient encore de ses expositions de photographies, de ses installations et peintures sur galets ou sur toiles. Toutes portaient déjà sa marque : un regard sur le monde à la fois fureteur et espiègle, mais constamment bienveillant et généreux. Un regard que l'on retrouve dans ses bustes, conçus avec subtilité et humour à partir de matériaux glanés dans les ferrailles d'objets usuels ingénieusement détournés de leur fonction première. Comme dans une comédie humaine, ils reflètent un monde. Le nôtre tout simplement. «Il faut voir la maison-atelier-caverne-labyrinthe-grotte-sanctuaire d'Azzedine Baddou pour comprendre le regard qu'il pose sur le monde. Un monde où tout est pris dans un tourbillon, une danse irrésistible, une fantasmagorie de formes, de couleurs, de matières, de rêves comme de cauchemars, de magie et de rituels, de chaos et d'ordre, de signes et de traces. Royaume de la métamorphose, c'est un monde qui passe incessamment du rire au cri, des pleurs à la joie, du drame au jeu, du sérieux au dérisoire, du pathétique au grotesque. «Tout s'y enchaîne comme dans une ronde folle où l'artiste se fait le magicien d'un univers fantastique et où il y a des visages et des regards, revêtus de larmes ou de sourires, implorants ou goguenards, qui traduisent un appétit insatiable et magnifique pour ce monde, mais sur lequel tous ces yeux dévorants jettent une interrogation puissante, effarée, suppliante», confie Henry-Claude Cousseau, membre du comité d'acquisition du musée du Louvre et ancien directeur de l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Un rendez-vous coloré et sens dessus-dessous que Baddou donne aux amateurs d'art contemporain du 16 mai au 30 juillet à la Villa des arts de Casablanca.