Une nouvelle étape a été franchie dans le processus de réforme de la fiscalité. Les assises nationales sur la fiscalité qui viennent de se tenir les 29 et 30 avril à Skhirat devront constituer un pas important dans le choix des politiques fiscales lors des prochaines années. Attendues depuis belle lurette par les acteurs économiques et politiques, cet événement majeur, même s'il n'a pas convaincu l'ensemble des participants en raison de son format, a au moins permis de livrer une série de recommandations pour la réforme fiscale. Ces conclusions, synthétisées à l'issue des 5 panels reprennent, pour la plupart des propositions déjà élaborées par plusieurs instances et entités politico-économiques. Certaines ont même été prévues par la Loi finances 2013. Car, il ne faut pas l'oublier, ces dernières années avec l'évolution de la conjoncture économique, l'épineuse question de la réforme fiscale a beaucoup suscité les passions dans les milieux d'affaires marocains. En résumé, et selon le document lu à la fin des travaux par le Directeur général des impôts, Abdelatif Zaghnoun, les assises de la fiscalité préconisent un certain nombre de solutions pour une réforme fiscale réussie lors des prochaines années. Tout d'abord, il est question de «la création d'un équilibre dans la structure des recettes fiscales (directes et indirectes), la rationalisation des dépenses et des exonérations fiscales de manière à répondre aux priorités économiques, et l'imposition progressive de l'agriculture en prenant en compte les spécificités du secteur». Ces recommandations sont inspirées par les participants du premier panel portant sur «législation et équité fiscale». Quant au deuxième panel, consacré à «la fiscalité et compétitivité économique», il fût l'occasion d'importants échanges axés sur la nécessité d'élargir l'assiette fiscale, mais aussi de réformer la TVA. Certains des participants, à l'image de l'ancien ministre du Tourisme, Adil Douiri, ont appelé à l'instauration d'un impôt sur les sociétés (IS) «progressif» dans l'optique d'accompagner les petites et moyennes entreprises (PME) dans leur évolution, avec un panel de taux plus diversifié, à l'image de celui de l'impôt sur le revenu (IR). Selon lui, ce sera un moyen «d'intégrer plus facilement les PME dans le système fiscal tout en préservant les recettes en provenance des grandes entreprises». In fine, et toujours dans le cadre de ce deuxième panel, il a été recommandé de mettre en place un pacte de stabilité fiscale à même d'améliorer le climat des affaires, mais aussi d'alléger la pression fiscale, sans oublier d'adapter les impôts aux capacités financières du tissu entrepreneurial marocain (dont 95% sont des PME). Le troisième panel dédié aux moyens de baliser le chemin «vers une relation de partenariat et de confiance avec le contribuable» a pour sa part insisté sur la nécessité d'améliorer la qualité des services fournis aux citoyens (accueil des contribuables, facilitation et informatisation des procédures), de même que la clarification des textes et la limitation du pouvoir discrétionnaire de l'administration fiscale. En outre, lors du panel 4, l'accent a été mis sur la promotion de l'éthique et de la bonne gouvernance, ainsi que l'amélioration des outils de communication de l'administration, des conditions du contrôle fiscal et du règlement des contentieux. Enfin, les participants au dernier panel portant sur «la régionalisation avancée, du développement local et de la fiscalité», ont pour leur part proposé d'orienter les impôts liés à l'immobilier vers le financement des projets locaux, de canaliser certaines taxes d'Etat vers les collectivités locales et de créer un fonds dédié au financement des projets de développement. Autant de pistes sensées mener vers une réforme fiscale réussie. Q/R Driss El Azami El Idrissi Ministre délégué chargé du Budget Les ECO : Après les assises, quelles sont les prochaines étapes du chantier de la réforme fiscale ? Driss El Azami El Idrissi : Nous nous inscrivons dans une démarche opérationnelle et pragmatique. Les assises ne constituent qu'une étape qui a commencé plusieurs mois auparavant, à travers des consultations auprès des opérateurs économiques, des universitaires etc. Les assises sont donc l'aboutissement de cette étape, mais nous ne sommes qu'à mi-chemin. Viendront ensuite des mesures concrètes, opérationnelles qui seront prises par le gouvernement dans le cadre de la concertation. Comme vous le savez, l'impôt est une matière éminemment législative, ainsi, nous passerons à la phase législative et commencerons à mettre en œuvre ces dispositifs à partir de la loi de finances 2014. A terme, quand-est-ce que la réforme de la fiscalité sera effective ? Cela dépendra des conclusions de l'ensemble de ce processus et de la conjoncture aussi. Il faut marier la mise en œuvre de cette réforme de la fiscalité avec la conjoncture. Si la conjoncture est favorable et s'éclaircit dans le long terme, il sera alors plus facile de concrétiser cette réforme. Dans le cas contraire, nous devrons nous en accommoder. En un mot, je dirais que la réforme dépendra du temps que nous prendrons à nous accommoder de la conjoncture. Il a beaucoup été question de l'élargissement de l'assiette fiscale lors de ces assises. Qu'est-ce que vous comptez faire à ce propos ? Nous allons développer des mesures visant à s'attaquer à l'informel, à faire contribuer les secteurs, ainsi que les citoyens à hauteur de leurs capacités contributives. Et par rapport à cela, nous avons une marge : sur le plan législatif, il s'agira de mettre sur pied des incitations à s'intégrer dans le formel, à participer à l'effort national. Nous avons aussi la volonté d'aller vers plus de contrôle, qui use des nouveaux moyens dont nous disposons, à savoir l'analyse des risques, le suivi des risques au niveau de chaque secteur, mais aussi le renforcement du contrôle par l'augmentation des ressources humaines de l'administration fiscale.