On parle peu des Marocains qui refusent encore de se faire vacciner. Pourtant, selon les experts, les inquiétudes de la population relative à l'innocuité des vaccins peuvent réduire la couverture vaccinale et entraîner la réémergence de maladies évitables par la vaccination. Se faire vacciner ou non ? That's the question ! Certes, beaucoup de Marocains et résidents au Maroc ne se posent guère cette question, et se sont présentés aux centres de vaccination, sans trop se faire prier, en vue de recevoir le produit miracle contre la Covid-19. Plus de 13 millions de personnes ont ainsi déjà reçu une première dose, dont dix se sont fait inoculer les deux injections. Une performance rare en Afrique, faut-il le souligner ? Ce qui fait du royaume une figure de proue en matière de lutte contre la propagation de la Covid-19 sur le continent. Mais derrière ces chiffres encourageants, se cache un petit bémol. Si l'adhésion du public à la vaste campagne de vaccination semble globalement acquise, il subsiste cependant une frange de la population encore réticente et dubitative quant à l'efficacité du vaccin. Selon nos informations, si 94% des personnes âgées de plus de 60 ans ont adhéré au principe en se faisant vacciner, la tranche des 30 à 40 ans ne dépasse pas, quant à elle, les 40%. La faible adhésion de cette catégorie à la vaccination est imputable à de nombreuses causes, nous explique «Fatima Zahra», un nom d'emprunt, âgée d'une trentaine d'années. «Il faut rappeler que la population ciblée au début de la campagne de vaccination, ce n'était pas les jeunes. La communication du gouvernement reposait essentiellement sur la sensibilisation des seniors», souligne notre interlocutrice, qui dit avoir attendu jusqu'en fin juillet pour recevoir sa première dose. «Certes, j'étais un peu réticente au départ, mais si j'ai attendu un certain temps avant de me vacciner, c'est qu'en fait, il m'a été impossible d'obtenir un rendez-vous plus tôt, à cause de mon jeune âge», poursuit la casablancaise qui travaille dans la communication, et doit recevoir sa seconde dose le 18 août prochain. Si cette dernière s'est finalement laissé convaincre, nombre de ses amies demeurent réticentes. «J'ai une amie qui refuse même de porter le masque. Autant vous dire que, pour le vaccin, elle n'y pense même pas!», s'exclame-t-elle, quelque peu dépitée. Au Maroc, aucune étude sérieuse d'ampleur n'a été menée sur le comportement adopté vis à vis du vaccin, sachant cependant que le scepticime constaté chez nous n'est pas spécifique au pays. Abondance de fake news Dans beaucoup de capitales occidentales, des manifestations sont organisées régulièrement par des anti-vaccins. Selon les experts, il n'existe pas de cause unique pouvant expliquer cette appréhension vis à vis de la vaccination, cette attitude étant attribuable à un ensemble de facteurs différents. Parmi les principaux éléments d'explication, les spécialistes avancent les craintes suscitées concernant l'innocuité des vaccins, leur inefficacité supposée, leurs effets secondaires éventuels, voire la phobie des piqûres, sans omettre une méfiance diffuse envers l'industrie pharmaceutique impliquée dans ces programmes de vaccination. À cela s'ajoutent les informations, négatives et souvent erronées, colportées en ligne et dans les médias sociaux. Mais ce n'est pas tout! De nombreuses études laissent entendre que l'omniprésence du discours anti-vaccination sur le Web contribue à alimenter les fortes appréhensions vis-à-vis de l'opération de vaccination. En effet, la plupart des études ayant procédé à l'examen des publications, diffusées sur le Web ou les plateformes de réseaux sociaux à ce sujet, révèlent que la qualité de l'information qui y est présentée varie considérablement, et que ces sites contiennent des renseignements douteux. Or, les inquiétudes de la population relative à l'innocuité des vaccins peuvent réduire la couverture vaccinale, et entraîner la résurgence de maladies évitables grâce à la vaccination, alertent les experts. Dès lors, il devient urgent de lutter contre ces rumeurs afin de dissiper les doutes à l'égard de la vaccination. Plusieurs stratégies sont envisagées, consistant à expliquer les effets secondaires courants indésirables, fréquents ou plus rares, utiliser des descriptions verbales et numériques pour communiquer sur les risques liés aux vaccins et aux maladies, établir des liens pour prendre en compte les questions et les préoccupations exprimées. Il est recommandé enfin de faire preuve de pédagogie et transparence, à l'occasion des communications diffusées, concernant les risques et bienfaits des vaccins, ainsi que les contre indications éventuelles liées à certaines maladies. L'obligation du pass sanitaire, pour l'accès aux loisirs et les déplacements professionnels, serait également une solution à envisager au Maroc. À titre d'exemple, 33 % des jeunes Français interrogés, âgés de 18 à 25 ans, auraient décidé de se faire vacciner contre la Covid-19, à la suite de l'annonce de l'extension de ce nouveau dispositif contraignant. Khadim Mbaye / Les Inspirations ECO