Entretien avec Pr. Moulay Lhassan Hbid, Président de l'université Cadi Ayyad La démarche de l'Université Cadi Ayyad permet la mise en place d'un langage commun avec le monde socio-économique qui l'entoure. Ceci permet de fluidifier l'intelligence collective de toutes les parties prenantes pour le développement de la formation dans la région. Comment L'université Cadi Ayyad (UCA) est ancrée dans la région Marrakech-Safi ? L'université Cadi Ayyad est la plus grande et la plus ancienne institution publique qui relève de l'enseignement supérieur de la région de MarrakechSafi. Cette région, comme toutes les régions du Maroc, est pourvue de sa propre particularité liée à son histoire, à sa géographie, à sa culture, à ses potentiels et à ses difficultés. Ces données contribuent incontestablement à définir le rôle et les orientations de l'université. Les orientations de la formation et de la recherche à Cadi Ayyad, en plus des thématiques transversales que partagent toutes les régions du Maroc, sont aussitôt définies si l'on tient compte de ces données. Dès lors, l'agriculture, la pêche, le tourisme et le patrimoine, l'artisanat et la mobilité urbaine s'imposent dans les choix stratégiques des thématiques de l'université. Comment l'UCA contribue-t-elle au développement de la formation dans la région ? L'UCA a, inscrit dans sa stratégie 2021/2023 quatre axes, à savoir, l'Ancrage territorial, la Digitalisation, l'Internationalisation, et l'Efficience managériale. Ces axes permettront d'homogénéiser les démarches avec les entreprises et les institutions de la région, et inscriront l'université dans une posture entrepreneuriale, comme étant employeur et acteur majeur de son territoire et en tant qu'espace connecté et ouvert, capable d'impulser et d'accélérer les idées et les projets innovants. Quelle est la stratégie de l'Université ? L'université Cadi Ayyad a tracé sa propre stratégie en cohérence avec la feuille de route nationale, et a mis l'innovation comme base transversale qui anime et consolide ses axes stratégiques. Consciente de l'importance de l'innovation, l'université s'oriente de plus en plus vers les concepts de Co-innovation et de Co-pilotage. Nous voulons dire par là que le temps où l'université travaille dans une démarche hermétique est révolu. L'université n'est plus une entité autonome, mais évolue dans un écosystème qui la lie aux entreprises, aux institutions gouvernementales et aux autres fournisseurs de l'économie du savoir avec lesquelles elle est amenée à travailler en étroite collaboration. La Cité de l'innovation a été créée pour matérialiser cette volonté de mettre en place un lieu de concentration d'une intelligence collective et de collaboration qui fédérera des partenariats régionaux de haute qualité. Elle est destinée à être un véritable accélérateur de la compétitivité de Marrakech-Safi. En termes de coopération, quels sont les engagements de l'Université avec ses partenaires locaux ? Tisser des liens entre l'université, l'entreprise et les opérateurs industriels est plus que jamais nécessaire à l'aube d'un Maroc qui sort d'une crise sanitaire sans précédent, et à l'aune de la mise en œuvre du Nouveau modèle de développement. Celui-ci a attaché un grand intérêt à l'enseignement supérieur en l'intégrant dans ses choix stratégiques avec l'ambition de faire du Maroc un pôle de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Le Nouveau modèle de développement a scellé le sort de l'université et celui du monde socio-économique en l'ancrant dans son territoire régional et national et en explicitant l'importance de ce lien. En plaçant l'université au cœur de l'écosystème territorial, le Maroc ambitionne de développer ainsi une nouvelle approche de la formation supérieure, axée sur la recherche-action étroitement liée au terrain, dont les thèmes de recherche sont indexés sur les enjeux de développement national et local, et en appui et collaboration avec le secteur privé. Ce pari devrait permettre un saut qualitatif dans le domaine de la formation et de la recherche scientifique et l'innovation en les installant dans une dynamique continue de progrès. Dans ce sens, l'université renforce cette démarche reliante qu'elle a déclenchée il y a quelques années, à l'instar de la rencontre entre l'université et le monde socio-économique en 2017, dans l'objectif d'échanger et d'écouter les attentes de l'entreprise. Quelles sont vos priorités, surtout suite à la crise sanitaire ? Une de nos préoccupations, suite à la crise sanitaire, est l'amélioration de l'axe du digital et de l'environnement numérique de travail, l'intégration de nouveaux modes d'apprentissage via d'autres plateformes et des solutions innovantes. Un effort a été entrepris depuis deux ans et qui concerne la mise à niveau du data center de l'université. D'autres actions aussi importantes ont été réalisées dans ce sens et ont permis de doter l'université de la fibre optique, d'installer l'intranet et d'augmenter la capacité du débit. De ce fait, notre université se trouve devant l'urgence d'accélérer le développement de la politique de numérisation parce que nous empruntons de plus en plus la voie de l'université virtuelle. Pour cela nous devons étendre la digitalisation pour qu'elle touche les systèmes de gouvernance, les pratiques d'accès à l'information, ou l'utilisation des ressources. Une autre de nos priorités concerne la dispersion de la recherche et ses dispositifs qui subissent un certain engourdissement. Les défis liés à la recherche concernent l'augmentation de son budget, le renforcement de l'interaction à l'international (cotutelle, mobilité…), etc. Nous cherchons à nous appuyer beaucoup plus sur nos partenariats afin de booster la recherche de nos équipes pour plus de visibilité à l'international. Dans ce sens, nous ambitionnons de créer des Masters, des Chairs croisées et des équipes mixtes avec les partenaires socio-économiques et avec les partenaires universitaires. Propos recueillis par Sanae Raqui / Les Inspirations Eco Docs