Décidément, bien qu'il soit soumis tout autant que les autres grandes destinations portuaires du monde aux risques que représente le développement actuel de l'activité maritime, force est de constater que le Maroc a eu le mérite ces dernières années de s'imposer dans la cartographie globale des infrastructures portuaires. D'abord, c'est en faisant valoir son positionnement géographique que le royaume est devenu une plateforme incontournable du transport maritime. Il est considéré par le CNUCED parmi ces pays qui font l'exception en Afrique. Dans le continent, «les positions géographiques de l'Egypte, du Maroc et de l'Afrique du Sud au niveau des nœuds des réseaux mondiaux maritimes contribuent à une meilleure connectivité de ces pays dans le continent», peut-on lire dans la revue annuelle du transport maritime du CNUCED. Tanger Med, par exemple, est situé sur la deuxième ligne maritime la plus fréquentée au monde avec plus de 100.000 navires par an et 20% du trafic mondial de conteneurs. Cela permet aujourd'hui au continent noir d'être directement relié au reste du monde, comme en témoigne particulièrement le nombre croissant de compagnies asiatiques qui desservent aujourd'hui ces pays. L'exception du Maroc dans la région s'illustre également dans la capacité de certains de ses ports à accueillir les grands bâtiments maritimes. Pour le CNUCED, cette donne est d'autant plus importante que la croissance du trafic de conteneurs ces dernières années a permis la naissance d'un nouveau segment de navires, nettement plus grands et appelant des infrastructures particulières. «De tels vaisseaux ont besoin de ports en eaux profondes avec des chaînes d'accès, une profondeur de plus de 18 mètres et des équipements de manutention spécifiques», précise le CNUCED. Seuls quelques-uns des plus grands ports au monde à proximité des principales routes maritimes permettent à ce type de navires d'accoster. À ce titre, si ces navires sont encore trop grands pour la quasi-majorité des ports africains, à l'exception du Maroc, de l'Afrique du Sud, de l'Egypte et de l'Île Maurice, c'est là un des éléments qui conforte le choix du Maroc de construire deux de ses principaux joyaux portuaires, Tanger Med et Nador West Med, sur la côte méditerranéenne. Cartographie portuaire future Il y a lieu de souligner que la stratégie portuaire du Maroc est construite selon des motivations diverses. À ce titre, elle prévoit de doter le royaume, à l'horizon 2030, de six pôles portuaires couvrant la totalité des côtes marocaines. Dans un premier temps, la vocation «mondiale» de cette stratégie se concentre principalement sur le pôle Nord-Ouest, grâce à Tanger Med. De tous les ports marocains, c'est aujourd'hui la principale infrastructure ouverte sur des flux en provenance de tous les pays du monde. Profitant notamment de son positionnement géographique, Tanger Med et ses extensions sont actuellement le port dont le développement reste étroitement lié à la conjoncture mondiale du commerce maritime. Pour en faire tout un pôle, les autorités marocaines sont actuellement en phase de réhabilitation du port de Tanger Ville, lequel est appelé à devenir une infrastructure touristique capitalisant sur l'activité croisière et plaisance. En revanche, le deuxième pôle, celui de l'Oriental, sera conçu de manière à ce être un point reliant le Maroc aux côtes sud de la méditerranée. L'enjeu est de permettre à l'industrie de la région et plus globalement à l'industrie marocaine, d'être directement reliée à l'Europe sans pour autant devoir passer par Tanger Med, dont l'activité est appelée à s'accroître significativement à l'avenir. Parallèlement, les pouvoirs publics espèrent en faire une plateforme pour les pays du sud de la méditerranée vers le continent africain. C'est d'ailleurs ce qui explique l'appel lancé par les officiels marocains, au lancement des travaux de construction du port de Nador West, aux opérateurs espagnols. Plus au sud, la stratégie portuaire prévoit la création d'un pôle Casablanca-Kénitra. Il s'agit là principalement de conserver la position de Casablanca en tant qu'infrastructure portuaire majeure du pays en dépit du lancement de Tanger Med et de Nador West, et de pouvoir faire face au défit foncier en vue de son expansion. Kénitra en soutien à Casablanca C'est dans ce sens que le lancement du port de Kénitra permettra au port de Casablanca de se limiter aux produits à forte valeur ajoutée, notamment les conteneurs. Le reste du trafic sera transféré petit à petit vers les ports de Mohammédia et de Kénitra. Sur un autre registre, développé autour du port de Jorf Lasfar, le pôle d'Abda Doukkala fait désormais office d'unité spécialement dédiée à l'industrie lourde locale, notamment au Groupe OCP, à l'ONE ou à la Sonasid. De grandes extensions portuaires sont même prévues dans ce sens afin de permettre à ce pôle de répondre aux exigences découlant de la création d'une nouvelle raffinerie d'hydrocarbures à Jorf Lasfar. Le port de Safi conservera, pour sa part, sa vocation commerciale généraliste, participant au développant des activités touristiques et de la pêche de la région. Enfin, dans le but d'assurer un équilibre régional entre les ports précités et les régions plus au sud, le port d'Agadir représentera à terme le pôle portuaire du Souss et assurera le traitement des flux en provenance ou à destination principalement des îles espagnoles frontalières des côtes marocaines. Il est appelé à assurer la complémentarité du pôle de Casablanca-Kénitra. C'est ainsi que le pôle portuaire du sud devrait avoir une activité plus diversifiée. D'un côté, l'ONE et l'OCP lui confèrent sa vocation industrielle, d'un autre, la forte activité de pêche entre la région de Oued Dahab et les Îles Canaries en fera également un pôle de développement de la pêche dans les côtes sud. C'est dire la diversité portuaire qui marque aujourd'hui la stratégie en cours de développement du royaume. Cela devrait permettre d'armer le Maroc d'infrastructures à même de lui permettre de développer ses échanges avec l'international, mais également de lui assurer un certain équilibre dans le trafic.