La chambre criminelle de premier degré près la Cour d'appel de Tanger a enfin rendu son verdict dans l'affaire du petit Adnane, sauvagement violé et assassiné en septembre dernier par un homme de 24 ans. Le principal accusé a été condamné à la peine capitale. Un jugement qui divise les partisans et les opposants à cette peine qui est toujours prononcée par les juges, mais dont l'exécution est suspendue depuis 1993. Le débat autour de la peine capitale refait surface. Faut-il abolir cette peine ou au contraire la maintenir devant certains crimes aussi abjects qu'abominables ? Depuis le déclenchement de la dramatique affaire Adnane Bouchouf, 11 ans, qui a suscité choc et émoi auprès de l'opinion publique, la polémique est relancée. Sur les réseaux sociaux, nombreux sont ceux qui ont salué le verdict rendu par la chambre criminelle de premier degré près la Cour d'appel de Tanger à l'égard de l'assassin de Adnane, et certains ont même appelé à exécuter cette sentence. Quant aux défenseurs des droits de l'Homme, ils plaident pour l'abolition de la peine de mort, qui a été supprimée des législations de plusieurs pays, quelle que soit l'atrocité des crimes commis car ils estiment qu'il ne s'agit pas d'une peine dissuasive. C'est la position de la présidente du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), Amina Bouayach, qui a, à plusieurs reprises, souligné que la peine de mort est anticonstitutionnelle. Le plaidoyer du CNDH depuis des années ne semble pas trouver écho auprès du gouvernement. Le Maroc n'a pas voté en décembre dernier en faveur de la résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies appelant à un moratoire sur la suspension de l'exécution de la peine de mort, dans la perspective de son abolition et n'a pas encore adhéré au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort. Le mouvement des droits de l'Homme et le CNDH, se référant à l'article 20 de la Constitution qui consacre le droit à la vie, prônent la suppression de la législation de cette peine qui n'est plus «acceptée par l'évolution civilisationnelle de l'humanité», d'autant plus que la tendance générale dans les droits de l'Homme est à son abolition. Ils s'appuient aussi, dans leur argumentaire, sur la non-exécution de cette peine au Maroc depuis 1993. Cela peut être considéré comme une suppression «de facto» de la peine sans qu'elle soit annulée dans la loi. Les défenseurs des droits de l'Homme plaident pour la réforme du Code pénal en vue de mettre fin à la peine capitale. Le texte amendant le Code, bloqué depuis plus de quatre ans à la Chambre des représentants, ne prévoit pas d'abolir cette peine. Il y apporte quelques nouveautés : suppression de la prononciation de cette peine dans les cas de «tentative» de certains crimes ou de participation, sauf pour le terrorisme. Quelle est la position du gouvernement ? Le ministre de la Justice, Mohamed Benabdelkader, a récemment souligné que «bien que la législation marocaine maintienne la peine de mort, les articles de loi prévoyant cette peine restent limités», précisant que les lois marocaines comprennent 36 articles prévoyant la peine capitale, dont 30 dans le Code pénal, un article dans le dahir relatif à la répression des crimes contre la santé de la Nation et cinq articles dans le Code de la justice militaire, «qui sont tous des articles destinés à contrer l'ennemi». Le gouvernement œuvre, selon le responsable gouvernemental, dans le cadre d'une refonte du Code pénal et de la politique pénale, à ramener les 36 articles prévoyant la peine capitale à quelque 11 articles». Un débat sociétal sur ce dossier s'impose, selon le Conseil national des droits de l'Homme. Cette question, rappelons-le, est considérée par le département de Mustapha Ramid comme un point conflictuel qui divise encore la société, dans le cadre du plan national de la démocratie et des droits de l'Homme. D'aucuns soulignent qu'il est difficile d'abolir cette peine sous un gouvernement dirigé par le Parti de la justice et du développement (PJD). Même les parlementaires ne sont pas parvenus à discuter le dossier au sein de l'institution législative, bien que certains groupes aient déposé des propositions de loi sur le sujet. Les crimes de droit commun en tête des condamnations à mort Au cours de l'année 2019, quelque 11 condamnations à mort ont été prononcées en première instance et en appel. Le nombre de condamnés à mort, au cours de l'année 2019, s'élève à 72, dont une femme, selon les chiffres de l'Observatoire marocain des prisons (OMP). Les crimes de droit commun représentent 71% des crimes pour lesquels les personnes ont été condamnées à mort, tandis que les crimes d'extrémisme et de terrorisme représentent 29% des condamnations à mort. 52% des condamnés à mort poursuivis pour des crimes d'extrémisme et de terrorisme sont âgés entre 40 et 50 ans, selon l'OMP. Jihane Gattioui / Les Inspirations Eco