Le projet de généralisation de la couverture sociale, qui s'étend sur cinq ans, devra tracer son calendrier de départ. Il englobe une série de mesures, jugées stratégiques, pour toucher de nouvelles catégories de population. La protection sociale, en tant que composante incontournable des politiques publiques, sera le principal enjeu du projet de Budget pour l'année prochaine. Les préparatifs de la loi de Finances 2021 ont finalisé l'étape de formulation des prévisions pour l'ensemble des départements, ce qui permettra à l'Exécutif de boucler le projet dans les délais imposés par la Constitution. Il ne s'agit plus d'alerter sur l'importance des écarts entre les niveaux de protection sociale et les besoins des couches sociales ciblées, mais d'établir un système de gouvernance efficace alors que la lutte contre la Covid-19 traverse une période décisive. C'est le cadre normatif qui focalise actuellement l'attention, essentiellement la ratification de la convention 102 de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur les normes minimales de sécurité sociale, ainsi que l'ensemble du dispositif préconisé par ladite organisation concernant les soins médicaux et les indemnités de maladie. Vers un système national complet L'une des principales difficultés rencontrées concerne la vulnérabilité de la protection sociale des travailleurs du secteur informel. Il s'agit d'abord de mettre en place un dispositif de «rétention», dans le régime de sécurité sociale, des assurés en cessation de déclaration, parallèlement aux mesures qui seront prises en vue d'étendre la couverture sociale aux travailleurs non salariés et celles relatives au refus de cotiser. «Un dialogue sera ouvert avec les professionnels et les partenaires économiques et sociaux sur le parachèvement d'une vision pratique et globale, englobant le calendrier de la mise en œuvre, le cadre légal et les options de financement», indique la feuille de route du gouvernement. Elle ajoute que celui-ci devra «œuvrer à ce que ce dialogue soit constructif et permette la poursuite de la généralisation de la couverture médicale obligatoire ainsi que la pérennité du régime». Plusieurs mesures d'accompagnement sont projetées, essentiellement l'adaptation du cadre légal régissant l'AMO et l'élaboration d'un projet de loi élargissant le cercle des bénéficiaires d'allocations familiales aux travailleurs indépendants et aux personnes exerçant une activité non salariale. Le dispositif, projeté dès 2021, repose aussi sur «la requalification des établissements sanitaires et des centres de santé primaires, ainsi que sur l'organisation du processus de soin». L'Etat compte énormément sur l'opérationnalisation du Registre social unifié (RSU) pour améliorer l'impact des politiques sociales et assurer un meilleur ciblage. «Le gouvernement a tiré les leçons de la pandémie de la Covid-19 ; il devra poursuivre la généralisation de la couverture sociale et donner la priorité à la réforme du système sanitaire», notifie la feuille de route. La 3e phase de l'INDH sera également intégrée au dispositif prévu pour la réduction du déficit en infrastructures et services sociaux de base destinés aux personnes en situation de précarité. À souligner que, parmi les chantiers stratégiques qui seront initiés, figurent l'actualisation et le renforcement de la législation relative à la médecine du travail dans l'ensemble des secteurs d'activité, ainsi que l'adoption des décrets d'application de l'assurance-maladie des indépendants et des professions libérales. Quel apport de la gouvernance? Une nouvelle ingénierie de l'intervention des organes chargés de la généralisation de la protection sociale devra être mise en place. À l'ordre du jour, on retrouve l'implantation d'un système national d'information intégré en matière de protection sociale, s'articulant autour de l'adoption d'un identifiant social qui permet la convergence des systèmes d'information de la protection sociale et la dématérialisation des flux. Il s'agit d'élaborer une grille d'indicateurs pour l'évaluation des risques, des résultats et de la qualité de service des organismes de prévoyance sociale, s'appuyant sur une description rigoureuse de leurs procédures de gestion, d'allocation de ressources, d'exécution de budgets et d'accès des assurés aux prestations auxquelles ils ont droit. D'autres projets devraient être programmés courant 2021 pour permettre à la couverture médicale de base d'atteindre les objectifs tracés pour les cinq prochaines années. L'engagement gouvernemental d'atteindre 90% de taux de couverture d'ici 2025 demeure réalisable, au vu des mesures qui seront finalisées par l'ensemble des intervenants en faveur de la pérennisation du régime. Pour l'année en cours, et outre l'amorce du processus de renouvellement des conventions, le gouvernement devra se focaliser sur les mesures destinées à l'amélioration de l'offre de soins. Les 12 régions sanitaires disposent actuellement de 838 centres de santé urbaine et de 1.274 autres situés dans le monde rural, avec un corps médical qui ne dépasse pas 12.000 médecins et un peu plus de 31.000 personnes travaillant dans le corps paramédical. Concernant le panier de soins, les efforts qui seront déployés devront se focaliser sur les soins préventifs, essentiellement la vaccination, le suivi de grossesse et la santé maternelle, ainsi que les consultations spécialisées et celles d'urgence. Selon la réglementation en vigueur depuis 2011, plusieurs conditions sont exigées pour étendre le RAMED à d'autres catégories vulnérables, à savoir l'exclusion de la personne ciblée des autres régimes d'assurance maladie obligatoire (parce qu'assuré ou ayant droit), leur lieu de résidence et l'incapacité de faire face aux dépenses de soins. En milieu urbain, toute personne ayant un revenu annuel inférieur à 5.650 DH reste éligible au régime de l'assurance maladie, alors que dans le rural, c'est «le score patrimonial» qui est appliqué pour identifier les catégories ciblées. Les principales recommandations des parlementaires Le dernier rapport de la Commission des secteurs sociaux au sein de la Chambre des représentants sur le statut de la Caisse marocaine de l'assurance maladie (CMAM) émet plusieurs remarques en vue de «remédier aux dysfonctionnements qui entachent la CNOPS, sachant qu'il n'y a plus de temps à perdre». Cette urgence, relative aux contraintes, fait retentir la sonnette d'alarme, avec deux points qui inquiètent les députés : la gouvernance et la convergence. Les membres de la Commission des secteurs sociaux ont mis en avant la problématique des cotisations et des catégories ciblées «dont la majorité approche l'âge de la retraite, avec le risque de complication de la santé des adhérents, dont 50% sont actuellement atteints de maladies chroniques, outre le problème des médicaments». Toujours est-il que les conclusions finales du rapport de la commission témoignent d'un certain optimisme. Un impact positif est attendu avec la création de cette «nouvelle structure qui impose la bonne gouvernance et instaure la reddition des comptes». Les députés ont, enfin, insisté sur «les délais d'élaboration des décrets d'application de la nouvelle loi», dans l'optique de réduire le coût de la réforme entamée. Le nouveau statut de la CMAM est entré en vigueur en février 2020, en attendant que «les décrets d'application de la nouvelle loi soient publiés au BO en vue de la mise en place des organes dirigeants de la caisse, ainsi que la promulgation du décret fixant les critères et modalités de désignation du Conseil d'administration et des textes relatifs à la désignation des membres et du directeur de la caisse», selon le rapport parlementaire élaboré. Younes Bennajah / Les Inspirations Eco