Ils sont tous là. Au Symposium international de la microfinance au Maroc, qui se tient, hier et aujourd'hui à Skhirat, tout le gratin de la microfinance et de la finance est présent. Il faut dire que l'enjeu est de taille. Bailleurs de fonds internationaux, banques de la place, réseaux d'association de la microfinance, associations de microcrédit (AMC) marocaines et étrangères, mais aussi universitaires et chercheurs sont tous venus assister à la présentation de la stratégie nationale de la microfinance pour les 10 ans à venir. Présentée par Tariq Sijilmassi, en sa qualité de président de la Fédération nationale des associations de microcrédit (FNAM), cette stratégie fixe aux acteurs du secteur de la microfinance au Maroc les priorités de sa nouvelle phase de développement jusqu'à l'horizon 2022. Elaborée en totale collaboration entre les 13 AMC qui constituent la FNAM, cette stratégie fixe à la fois des objectifs quantitatifs et qualitatifs à travers sept leviers stratégiques, dont découlent par la suite 48 actions particulières. Un encours de 25 MMDH d'ici 2022 Activité financière non lucrative (les remboursements sont réinjectés en faveur des décaissements de microcrédits), le microcrédit et la microfinance de manière globale, restent des outils majeurs de la lutte contre la pauvreté au Maroc comme ailleurs. Développé à grande échelle dans les années 2000, le microcrédit marocain reste néanmoins en deçà du potentiel réel. D'après les derniers chiffres fournis par la FNAM, le microcrédit au Maroc profite actuellement à près de 900.000 bénéficiaires actifs pour un encours global de 5 MMDH. Depuis ses débuts, soit en 1997 avec la création du leader d'aujourd'hui Al Amana, ce sont 40 MMDH de microcrédits qui ont été accordés pour 4,5 millions de bénéficiaires, et l'équivalent de près d'un million de temps pleins créés. Créateur d'activités génératrices de revenus, le microcrédit se donne aujourd'hui un objectif quantitatif ambitieux : il s'agit de multiplier par 5 l'encours actuel pour le porter à 25 MMDH, d'atteindre le nombre de 3,2 millions de bénéficiaires actifs et de permettre la création de 2 millions d'équivalents temps pleins additionnels. Tout ça en seulement 10 ans ! Pour y parvenir, 40 MMDH doivent être mobilisés d'ici 2022 auprès des bailleurs de fonds habituels. Nul doute que ces derniers sauront être réceptifs aux besoins d'un secteur qui leur est lucratif, à défaut de l'être pour lui-même. Un benchmark qui n'est pas flatteur Comparé à des pays tels que le Pérou, ou encore la Bolivie, très proches du Maroc en termes de potentiel de microcrédit, le Maroc reste largement en retrait, comme le révèle une étude de benchmarking diligentée par la FNAM et réalisée par le cabinet Oliver Wyman et sur laquelle s'est appuyé la FNAM pour élaborer sa vision 2022. Leader dans la région MENA en termes d'encours, le Maroc ne se place que 21e mondial pour le nombre d'encours de microcrédits. Il n'est également placé que 15e mondial pour le nombre de ses bénéficiaires. Face à cet état de fait, la stratégie dévoilée hier à Skhirat souhaite par-dessus tout accorder au secteur un poids plus important. À travers la mise en place d'outils fiscaux ou encore l'amélioration de son passif, le microcrédit doit pouvoir atteindre d'ici 10 ans un taux de pénétration de 9,2% de la population, contre 2,5% actuellement. En parallèle, au Pérou, le microcrédit finance tout de même 10,5% de la population. De la même façon, alors que le microcrédit ne pèse pour l'instant que 0,6% du PNB national, cette proportion doit atteindre, d'ici 2022, 1,8% du PNB. Outils réglementaires en changement «Le portefeuille crédit a été assaini. Le taux de PAR à 30 jours aujourd'hui est revenu à un taux raisonnable de 3-4%», résume Tariq Sijilmassi, président de la FNAM. «Néanmoins, il n'empêche que le secteur reste confronté à des contraintes qui limitent son développement. L'implication des acteurs du secteur, le soutien des pouvoirs publics et des autorités financières, l'accompagnement des bailleurs de fonds, sont indispensables pour notre avenir», poursuit-t-il. «Le secteur a besoin de levées de fonds», conclut-il.