c Face au défi, fixé comme l'un des enjeux prioritaires pour les pays africains et ceux de l'envolée des cours des principaux produits alimentaires sur les marchés internationaux, les investissements visant à accroître les rendements agricoles s'intensifient sur le continent. Ceci constitue une opportunité pour l'OCP, puisqu'au cœur des politiques agricoles mises en place et en cours d'élaboration, figure au premier plan l'accroissement de l'utilisation d'engrais et de fertilisants. Ce qui est sûr, face à la multiplication des défis, c'est que les pays africains se sont lancés, avec le soutien de plusieurs partenaires, à relever le défi de la sécurité alimentaire. Les initiatives en ce sens se multiplient comme l'illustre l'appel lancé cette semaine par le Centre international pour l'amélioration des cultures du blé et du maïs (CIMMYT) et l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), pour soutenir les investissements agricoles en Afrique. L'objectif est d'accompagner les pays de la région dans la réduction de leurs importations massives de céréales et par la même occasion, de se mettre à l'abri de la volatilité des prix tout en parvenant, enfin, à assurer la sécurité alimentaire des populations. C'est ce qu'a expliqué Bekele Shiferaw, directeur du programme socio-économique du CIMMYT, à l'occasion de la présentation le 9 octobre à Adis Abeba, d'une étude sur le potentiel africain en matière de production de blé. Selon les explications données par l'expert, «rien qu'avec l'eau de pluie, sans irrigation, mais avec les apports en fertilisants appropriés, 20 à 100% des terres arables seraient propices à la culture du blé» dans plusieurs pays du continent. «Il ne s'agit pas pour l'Afrique de se lancer sur le marché mondial, mais notre étude montre qu'aux prix actuels, il serait plus compétitif pour de nombreux pays de cultiver plutôt que d'importer, car la production domestique ne couvre encore que 40% de la demande totale du continent, et bien moins encore si on ne regarde que l'Afrique Subsaharienne où elle est d'environ 30%», a plaidé l'expert. Selon les résultats de l'étude, «un investissement indicatif de 250 à 300 dollars par hectare, en comptant le travail, les semences et les fertilisants, assureraient un revenu net de 200 dollars par hectare». Au cœur des défis actuels, donc, l'utilisation des engrais, un aspect où l'Afrique accuse un sérieux retard et qui plombe ses résultats dans le domaine agricole. Terrain balisé Face aux perspectives qui s'offrent pour l'OCP en Afrique, il y a lieu de relever que l'Office ne part pas de rien. En effet, l'Office est déjà bien présent en Afrique et ces dernières années, ses ventes ont connu une évolution assez soutenue, mais qui demeure en deçà du potentiel du marché, surtout en perspective de la révolution agricole qui se dessine. Selon les statistiques de l'OCP, les volumes d'engrais distribués par le groupe en Afrique ont été multipliés par sept en cinq ans, passant de 60.000 tonnes en 2007 à près de 400.000 en 2012. À cela s'ajoutent des actions d'accompagnement menées par le groupe. Toutefois, il faut aussi retenir que l'OCP s'est engagé dernièrement à la création d'un fonds d'innovation pour le développement agricole africain. Le projet en cours de structuration, «vise à mettre en place un système d'incubation et de financement pour soutenir le développement d'entreprises africaines innovantes», souligne t-on à l'OCP. Des expériences sont en train d'être menées en partenariat avec plusieurs pays, comme le Mali notamment, sur le projet de carte de fertilité des sols d'Afrique Subsaharienne. Cette expérience que l'office entend généraliser progressivement en Afrique, s'appuie sur l'expérience déjà menée au Maroc. Il s'agit là d'un argument commercial certain, puisqu'en dépit de sa capacité de production actuelle, l'OCP ne constitue pas un fournisseur majeur d'engrais sur le continent. Pour étoffer son offre, le groupe a d'ailleurs étudié les possibilités de mettre au point des engrais adaptés à différents besoins spécifiques, afin de tenir compte de la capacité financière des pays importateurs et de la possibilité d'une application directe de phosphates bruts. Il convient en effet de noter que selon une note du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), le continent ne consomme qu'environ 1% de la production mondiale d'engrais et en produit actuellement encore moins, ce qui nécessite l'importation massive d'engrais ou de produits dérivés en provenance des pays asiatiques, comme la Chine ou l'Inde. «Accroître la production locale d'engrais constitue le moyen d'en faciliter la distribution à des prix plus abordables», ont souligné les experts de l'organisation panafricaine. Marchés prometteurs «Avec le plus grand potentiel en terres arables du monde, l'Afrique nous offre certainement un créneau porteur», a confié récemment aux Echos quotidien, un haut cadre de l'OCP, en marge d'une réunion qui s'est tenue à Rabat. «L'exemple de l'expérience menée au niveau des pays d'Amérique latine pourrait, d'ailleurs, bien servir de modèle à l'Afrique», a-t-il estimé. Il faut dire que le groupe OCP a flairé le filon depuis quelques années et prépare progressivement, mais sûrement, une véritable offensive vers ces nouveaux marchés qui aiguisent l'appétit des grands pays agricoles. L'OCP s'est donc fixé comme but de préparer le terrain dans le sillage de l'ambition africaine du Maroc. Rien que ces deux dernières années, l'organisation d'évènements réguliers de grande envergure, par le groupe au Maroc, témoigne de cette volonté de prendre pied en Afrique. Il s'agit d'abord de la conférence pour le développement de l'agriculture en Afrique «FMB Africa» et récemment, de la première édition du Forum international sur la sécurité alimentaire, qui a réuni en mars dernier près de 300 participants à Rabat sur des thématiques liées aux moyens de soutenir «une révolution agricole verte en Afrique». Preuve que la mayonnaise prend et que les intérêts convergent, pour la prochaine édition de ce second évènement, il a été décidé, au sortir de la rencontre de Rabat, d'associer en plus des experts, les responsables politiques «pour les sensibiliser à l'importance de la question», selon Mostapha Terrab, DG de l'OCP. Le défi à ce niveau est assez évident et l'OCP ne fait aucun mystère de ses ambitions, comme l'atteste la stratégie commerciale spécialement déclinée pour promouvoir l'offre marocaine. Selon la FAO, le principal défi pour le monde, pour ce qui est de la sécurité alimentaire, réside dans le fait de parvenir à «augmenter la production alimentaire de 70% d'ici à 2050». Il est évident, selon plusieurs experts et analyses, comme ceux de la BAD qui ont mis en place un vaste programme dans ce cadre, que les engrais industriels joueront un rôle majeur dans l'atteinte de cet objectif. «Ils sont le seul moyen dont dispose l'humanité pour augmenter substantiellement les rendements à l'hectare et donc limiter l'extension des terres agricoles au détriment d'un couvert forestier déjà mis à mal», note un document explicatif de l'OCP. «Aujourd'hui des solutions existent pour bénéficier des avantages indéniables de la fertilisation, tout en prévenant et en éliminant l'effet potentiellement néfaste des engrais, y compris phosphatés, sur l'environnement», ajoute le document qui met en avant le concept de révolution agricole «doublement verte», capable d'accroître les rendements tout en respectant les écosystèmes et l'environnement. Ce qui constitue une attitude responsable qui contraste avec le nouveau phénomène d'accaparement des terres, «qui prend de plus en plus d'ampleur sur le continent». Ces dernières années, l'envolée des prix alimentaires s'est accompagnée d'une offensive des investisseurs internationaux sur les terres arables africaines et qui sera destinée à la production agricole. En marge de la tenue de l'AG du FMI et de la Banque mondiale qui a démarré mardi dernier à Tokyo, cette dernière a été épinglée par plusieurs organismes de la société civile sur les conséquences néfastes de cette «ruée vers les terres africaines». Selon l'ONG internationale Oxfam, «alors que les prix alimentaires grimpent, les investisseurs achètent d'énormes surfaces. Ces dix dernières années une surface équivalente à six fois celle du Japon a été vendue dans les pays en développement». Le phénomène est plus marqué en Afrique où près de 5% des terres arables ont déjà été vendues aux investisseurs privés. «En 2008, lors de la dernière hausse importante des prix alimentaires, les investissements et achats fonciers ont grimpé de 200%», a déclaré aux médias Hannah Stoddart d'Oxfam. Au-delà des débats et des enjeux, cela illustre le fait que plus que jamais, l'Afrique sera le nouvel eldorado pour les producteurs et exportateurs d'engrais et autres fertilisants. Demande et consommation mondiale en hausse Preuve de l'engouement pour les engrais comme outil de renforcement de la sécurité alimentaire, la production mondiale a augmenté de 4 % en 2012, selon l'Association internationale de l'industrie des engrais (IFA). L'organisme a relevé que cette hausse est due au fait que «les agriculteurs des pays émergents misent de plus en plus sur les fertilisants pour doper les rendements de leurs cultures, propulsant la demande d'engrais à des niveaux records». En 2011, elle s'élevait à 225 millions de tonnes (Mt) de nutriments contre 216 Mt en 2010 et d'après l'IFA, la demande globale devrait croître de 2,1 % par an en moyenne au cours des cinq prochaines années. Cela est confirmé par les premiers chiffres de l'année en cours. Sur les six premiers mois de 2012, l'Asie a concentré 66% de la consommation mondiale d'engrais, avec 95 Mt, les Etats-Unis ont consommé 22 Mt d'engrais, en plus des importations d'urée. L'Union européenne n'importe plus d'engrais azotés, mais plutot ses besoins en potasse et phosphore. Si la consommation d'engrais est à peu près similaire en Europe et en Amérique du Sud (environ 15 Mt), c'est l'Amérique latine qui enregistre des hausses importantes d'utilisation d'engrais. «L'Europe de l'Est et l'Afrique subsaharienne sont d'assez petits marchés, mais avec des taux de croissance supérieurs à la moyenne». Les perspectives de croissance se trouvent donc en Afrique, où l'usage d'engrais demeure le plus faible au monde. En moyenne, il est de 8 kg par hectare, contre 96 kg par hectare dans les pays de l'Asie du Sud-Est et de 145 kg dans les pays développés. L'Afrique représente seulement 2 % du commerce mondial du marché des engrais.