La perturbation du monde des affaires marocain par la corruption se confirme, d'après les résultats de l'indice des pays exportateurs de corruption. Le Maroc reste mal classé sur ce critère et cela traduit le contexte très particulier dans lequel intervient cette nouvelle enquête. «Sur le plan politique, il y a un doute qui commence à s'installer sur la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles concernant la lutte contre la corruption», s'est inquiété Abdessamad Sadouk, secrétaire général de Transparency Maroc, lors de la présentation des résultats de l'enquête. «Jusqu'à présent, nous n'avons aucune visibilité sur la stratégie du gouvernement en matière de lutte contre la corruption, qui reste la 3e barrière contre la capacité de stimuler les investissements étrangers», a noté l'ex-président de la commission d'éthique au sein de la CGEM.L'échantillon retenu par l'enquête a révélé, quant à lui, que des entreprises de toutes tailles sont concernées. «48 % des entreprises enquêtées possèdent entre 5 et 49 employés, avec des secteurs couverts très variés, comme les services, les industries de transformation légère ou encore les travaux publics», a expliqué Azzeddine Akesbi, membre de Transparency Maroc. L'une des premières grandes conclusions nous pousse à tirer la sonnette d'alarme. En effet, sur l'échelle de 1 à 5 qui a été mise en place, le Maroc a un score moyen de 4,1. Si 49 % des répondants marocains ont affirmé qu'il est courant que les fonds publics soient mal utilisés par les hauts responsables, 28 % des chefs d'entreprises marocains imputent leur échec à remporter de nouvelles affaires au cours des12 derniers mois à ce que leurs concurrents ont dû payer des pots-de-vin pour remporter le marché. D'autres scores plus préoccupants sont à chercher dans ce que les entreprises appellent «le comportement non éthique, largement courant parmi les officiels du secteur public ou encore la non poursuite des crimes associés à la corruption», qui restent des facteurs défavorable pour l'environnement des affaires. Les actions du gouvernement sont aussi jugées par 72 % des entreprises marocaines comme ineffectives. Ce seuil donne une idée du gigantesque travail qui attend la nouvelle instance de probité, dont le statut final a été déposé au SGG la semaine dernière. En ce qui concerne les mesures pouvant être prises par les entreprises, les patrons privilégient plus «les initiatives collectives contre la corruption», ainsi que «la mise en place d'un système de vigilance exercé sur les partenaires et la chaîne d'approvisionnement». Même si 58 % des entreprises disposent déjà d'un code éthique, il reste encore beaucoup à faire quant à la mise en place d'un réel soutien pour les dénonciateurs de la corruption, ainsi que la pleine activation de la protection juridique des lanceurs d'alerte. Le faible mouvement de dénonciation des actes de corruption est également confirmé par les données des Centres d'assistance anti corruption (CAJAC) . Du 1er mai au 30 août 2012, les 4 centres du pays ont reçu près de 300 plaintes, dont 33 ont eu des suites judiciaires. Les secteurs de la santé et des collectivités territoriales forment le gros des plaintes adressées. Les entreprises marocaines sont aussi toujours désarmées face aux pratiques liées à l'abus de pouvoir, au trafic d'influence, ainsi qu'au manque de transparence. Point de vue Abdesamad Sadouk,Secrétaire général de Transparency Maroc. L'enquête intervient dans un contexte très particulier. Sur le plan politique, nous constatons une mise à l'écart confirmée de la société civile dans la mise en œuvre de la Constitution. L'exemple le plus saillant est celui du projet de loi sur l'accès à l'information sur lequel le gouvernement travaille en catimini, alors que la société civile a accumulé une expertise dans ce domaine crucial pour la lutte contre la corruption. Sur le plan économique, la situation reste difficile, avec un potentiel de stimulation des investissements handicapé par le phénomène, comme le confirme la position peu glorieuse occupée par le Maroc dans le classement du World Economic Forum, qui avait mentionné la bureaucratie, l'accès à l'information et la corruption comme les 3 barrières principales devant le potentiel d'attractivité du Maroc.