Le président de la chambre des représentants n'a pas hésité à tirer sur le gouvernement critiquant son manque de réactivité aux initiatives législatives parlementaires. Sur les 219 propositions de loi présentées au cours de cette législature, le gouvernement n'en a validé que 13. Du côté de l'Exécutif, on estime que la balle est dans le camp de l'institution législative. Les propositions de loi peinent à franchir le cap de l'institution législative. Et malgré sa particularité, la session printanière n'a pas fait l'exception bien que les groupes parlementaires aient présenté des initiatives législatives urgentes ayant trait à la gestion des différents impacts socio-économiques de la crise sanitaire. À ce titre, le président de la Chambre des représentants, Habib El Malki, ne cache pas sa frustration. Il n'y va pas avec le dos de la cuillère en pointant du doigt le gouvernement qui ne donne pas son aval à la majorité des propositions de loi en dépit de ses engagements exprimés à plusieurs reprises. «Logiquement, c'est une situation incompréhensible. La législation ne peut donner ses véritables fruits qu'en respectant l'initiative législative», a-t-il précisé lors d'un point de presse, tenu vendredi, à l'occasion de la clôture de la session printanière. Le gouvernement est appelé par la chambre basse à assumer ses responsabilités dès la prochaine rentrée ; et ce dans le cadre de la coopération et de la complémentarité entre les deux institutions. Mais visiblement, le gouvernement ne l'entend pas de cette oreille. Pas plus tard que jeudi dernier, le ministre d'Etat chargé des droits de l'Homme et des relations avec le Parlement, Mustapha Ramid, en a rejeté l'entière responsabilité sur le parlement qui «ne programme pas des séances mensuelles pour discuter les propositions de loi, comme prévu par la loi fondamentale ainsi que la loi organique régissant les travaux du gouvernement». Il faut dire que le parlement n'a pas encore pu activer les dispositions constitutionnelles relatives à la promotion des propositions de loi. Cela fait plus d'une année que le bureau de la chambre des représentants a pris la décision de tenir la séance mensuelle pour examiner les initiatives législatives, mais sans pour autant passer à l'action. Comment expliquer ces tergiversations? Répondant à la question des Inspirations ECO, Habib El Malki souligne qu'il est difficile de tenir la séance mensuelle, sans la présence des ministres concernés. Lors de la prochaine rentrée, la chambre basse compte prendre le taureau par les cornes en vue de donner un coup de fouet aux propositions de loi. De quoi s'agira-t-il exactement ? Aucun détail ne filtre sur cette question. El Malki s'est contenté de souligner que certaines initiatives allaient être prises pour que le gouvernement porte un intérêt aux propositions de loi et assume ses responsabilités en la matière. Il est à rappeler que le gouvernement justifie son rejet des propositions de loi en se basant sur plusieurs critères dont la nécessité de la conformité du texte avec la constitution et que ses dispositions de ce dernier n'empiètent pas sur les prérogatives du gouvernement. Les parlementaires doivent, en effet, éviter le volet organisationnel qui est une attribution propre à l'Exécutif. Cette carte a été brandie moult fois par les différents gouvernements pour rejeter des propositions de loi dans les deux chambres du parlement. Le coût financier des propositions de loi est également un motif de rejet des initiatives législatives parlementaires. Certains textes nécessitent un montage financier clair définissant les sources budgétaires, ce qui fait défaut à quelques propositions de loi. Les parlementaires doivent également prendre en considération l'impératif du respect de l'harmonie des lois pour éviter qu'une proposition de loi soit en contradiction avec les dispositions d'autres textes juridiques en vigueur. Une réforme en retard Par ailleurs, l'action parlementaire ne peut être rehaussée sans l'amendement du règlement intérieur. Ce chantier est ouvert depuis plusieurs mois sans aboutir à des résultats concrets. Habib El Malki compte s'y attaquer au cours de la prochaine rentrée parlementaire pour introduire de nouvelles dispositions relatives à la gestion de l'action parlementaire en période de crise et améliorer certaines dispositions du texte, notamment en ce qui concerne le déroulement de la séance des questions orales (rationalisation de la gestion du temps, caractère spontané de certaines questions, suivi des engagements gouvernementaux...). Contrairement à la chambre des conseillers, celle des représentants ne compte pas introduire le vote électronique car il est jugé «anticonstitutionnel et il est difficile de s'assurer de l'identité du votant». En tout cas, le verdict de la cour constitutionnel sur le nouveau règlement intérieur de la chambre haute permettra de trancher cette question. Retraite des parlementaires Le dossier de la retraite des parlementaires est au point mort. Habib El Malki a pointé en février dernier «certaines parties» qui bloquent cette réforme, mais sans les nommer. Le président de la chambre des représentants qui défend la légitimité de cette retraite dont le projet est gelé depuis de longs mois a indiqué que le dossier était toujours à l'ordre du jour et qu'il n'avait pas été examiné au cours de cette session à cause de la crise sanitaire. Rappelons à cet égard qu'une réforme paramétrique a été proposée : relever l'âge de perception de la pension à 65 ans et baisser le montant de la pension. Mais cette réforme est jugée insuffisante par certaines composantes de la chambre des représentants, à commencer par le PJD. Le groupe parlementaire du parti de la lampe est contre l'appui financier de l'Etat pour assurer la retraite des parlementaires. Une position qui rejoint celle du gouvernement qui considère qu'il s'agit d'une affaire interne du parlement. Code pénal : l'éternel blocage Le projet de loi modifiant et complémentant le code pénal est toujours bloqué au parlement depuis 2016. Difficile de faire sortir ce texte des tiroirs de la chambre basse même si tous les groupes parlementaires avaient déposé leurs propositions d'amendement, après plusieurs tergiversations. Interpellé sur ce dossier, le président de la chambre des représentants estime qu'il s'agit d'un texte à caractère sociétal et ayant trait aux libertés individuelles et collectives nécessitant le consensus autour de ses dispositions. Le blocage risque de durer longtemps. Il s'avère difficile d'accorder les violons sur les points de discorde dont les dispositions relatives à l'enrichissement illicite. Les composantes de la majorité restent divisées sur les amendements à introduire au texte qui ne va pas visiblement franchir le cap de l'institution législative. Jihane Gattioui / Les Inspirations ECO