«Au Maroc, une personne dont le père ne travaille pas dans le cadre du secteur formel a nettement moins de chances d'avoir un emploi dans ce secteur». Ce constat est celui de la Banque mondiale, dans son tout dernier rapport sur le développement dans le monde 2013, intitulé «Emplois». Ce document de 401 pages souligne également que dans les entreprises du royaume, les liens familiaux peuvent influencer les revenus du travail. Les salaires sont beaucoup plus élevés au sein des multinationales que dans les entreprises locales. En effet, indique le rapport, «des preuves évidentes montrent que les entreprises engagées sur les marchés mondiaux offrent des salaires plus élevés». Cette réalité est partagée par la plupart des pays à travers le monde. Toujours à propos du Maroc, l'institution financière internationale fait remarquer à son tour que le programme «Idmaj» a facilité l'accès des jeunes au marché du travail. Seulement, le taux de chômage des diplômés du supérieur s'élevait encore à 17% (en 2009). Ce pourcentage est 3,7 fois plus élevé chez les jeunes qui ont arrêté leurs études dès le primaire. Au Maroc, comme dans la majorité des pays en développement, «de nombreux emplois... se trouvent dans l'agriculture et dans de très petites entreprises», poursuit le rapport 2013 sur le développement dans le monde. 600 millions d'emplois à l'horizon 2030 Ce rapport insiste aussi sur la nécessité d'augmenter les opportunités de création d'emploi au niveau mondial. «Au cours des 15 prochaines années, 600 millions de nouveaux emplois devront être créés pour absorber l'accroissement de la population en âge de travailler, principalement en Asie et en Afrique subsaharienne». Il s'agit d'un défi de taille pour les acteurs politiques et économiques, au moment où «le monde se débat pour sortir de la crise mondiale». Cette crise ne cesse d'élargir la cohorte des chômeurs. Actuellement, estime la Banque mondiale, «quelque 200 millions de personnes, dont 75 millions ont moins de 25 ans, sont au chômage». Des millions d'autres, pour la plupart des femmes, n'appartiennent même pas au monde du travail. Pis, près de la moitié de tous les travailleurs des pays en développement poursuivent des activités dans le cadre de la petite agriculture ou pour leur propre compte. Ces activités «ne procurent généralement ni salaire régulier ni avantages». Ainsi, note le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, «le problème, pour la plupart des habitants pauvres de ces pays, n'est pas l'absence de travail ou l'insuffisance d'heures ouvrées», mais plutôt la faiblesse de leurs revenus, car «ils ne gagnent pas assez pour améliorer leurs perspectives d'avenir et celles de leurs enfants». La solution à tous ces problèmes ? Elle varie en fonction du niveau de développement. Dans les pays majoritairement agricoles, préconise l'institution de Bretton Woods, l'emploi passe par l'amélioration de la productivité de la petite agriculture. Dans les pays en voie d'urbanisation, il dépend de la construction de logements et des infrastructures favorisant l'activité économique. Dans certaines économies en développement, comme c'est le cas du Maroc, la Banque préconise d'éliminer les privilèges qui écartent les plus jeunes du marché du travail. Dans les pays vieillissants, principalement occidentaux, elle propose d'allonger la durée de la vie active et d'offrir une protection sociale minimale, ce qui ne sera certainement pas du goût des organisations syndicales. Plaidoyer pour le secteur privé Le rapport de la BM prête un rôle primordial au secteur privé dans les prochaines années, pour la résolution des problèmes d'emplois dans le monde. Ce secteur s'impose déjà comme «le principal moteur de la création d'emplois», notamment dans les pays en développement, où il est à la base de «90 % de tous les emplois». Quant à l'Etat, il est invité à veiller à ce que les conditions soient réunies pour permettre une solide croissance entraînée par le secteur privé, en atténuant les obstacles qui empêchent ce dernier de créer des emplois. Ainsi, le rapport 2013 préconise une démarche à trois niveaux pour aider les pouvoirs publics à atteindre ces objectifs. Primo, assurer les éléments fondamentaux de la politique publique, à savoir une stabilité macroéconomique, un climat favorable à l'activité économique, des investissements dans le capital humain et la primauté du droit. Secundo, mettre en place des politiques de l'emploi bien conçues pour assurer une croissance capable de produire de l'emploi, même en dehors du marché du travail. Enfin, les pouvoirs publics sont appelés à «identifier de manière stratégique les emplois qui contribuent le plus au développement, dans leur contexte national particulier», tout en éliminant les obstacles qui empêchent le secteur privé de créer davantage d'emplois. Le Maroc, qui est en train de peaufiner sa stratégie de l'emploi, a de quoi s'inspirer. Le Maroc bien parti ? Elle devrait être fin prête en début d'année 2013. La stratégie nationale de l'emploi, qui est en cours de finalisation, accorde une place importante au secteur privé. À en croire le ministre de l'Emploi et de la formation professionnelle, cette stratégie a fait l'objet d'une large concertation avec les partenaires sociaux. À commencer par le patronat. Un intérêt particulier est accordé à la formation professionnelle privée, en effet, 58 nouveaux établissements ont vu le jour pour la seule rentrée 2012-2013. Notons que ceci contribuerait à diminuer le gap de l'incohérence entre formation et besoins du marché. D'autre part, la bonne entente affichée entre le gouvernement et la CGEM est plutôt de bon augure pour l'économie nationale. Ceci, surtout au moment où la Banque mondiale conseille aux pouvoirs publics d'atténuer les obstacles qui empêchent au secteur privé de créer des emplois. Au Maroc, les attentes des patrons portent sur la résolution de quatre problèmes majeurs. Le premier est lié à la «fluidification de l'acte d'investir et d'entreprendre» plombée par les blocages des projets d'investissement, les lourdeurs bureaucratiques, ou encore la loi sur l'urbanisme. La deuxième équation concerne les droits et coûts du travail. Les patrons souhaiteraient la révision de certaines dispositions du Code du travail se rapportant notamment au droit de grève. Troisième préoccupation, les difficultés de trésorerie des entreprises, où les retards sur les délais de paiement constituent un facteur réel de déséquilibre des entreprises. Last but not least, les patrons marocains, reprennent le refrain du parti de Benkirane : l'instauration de l'équité fiscale et de l'égalité des chances dans le monde économique. Sur toutes ces doléances, le gouvernement promet des solutions. La séance de travail du 19 septembre dernier (voir lesechos.ma), tenue dans les locaux de la CGEM a été l'occasion de le réaffirmer. La balle est dans le camp du gouvernement et les milieux d'affaires sont dans l'expectative. Si Benkirane tient ses promesses, le Maroc se placera alors en bonne position pour mettre en œuvre les recommandations de la Banque mondiale. Ce qui ne passera pas inaperçu dans les prochains rapports des institutions internationales.