Près de 62,5% des journaux électroniques, au Maroc comptent sur l'autofinancement. Voilà des chiffres révélateurs de la réalité du média électronique dans le pays. Bien que le secteur soit en pleine effervescence : augmentation de 17% du nombre de nouveaux journaux en ligne entre 1996 et 2009 et de 25% en 2010, l'état des lieux dressé par l'Organisation islamique pour l'éducation, les sciences et la culture (ISESCO) est loin d'être reluisant. Le taux de financement par la publicité ne dépasse pas 44,28%. En plus du vide juridique et réglementaire dans lequel évolue le secteur, un «vide» économique se fait clairement sentir. Preuve en est, 83% des e-journalistes travaillent, selon l'étude, sans contrepartie matérielle, et ceci «en raison de la non-institutionnalisation de ces organes de presse sous forme d'entreprises médiatiques». Un constat que les professionnels, pratiquement tous médias confondus, ne cessent de ressasser sans grand résultat. Si le marché publicitaire dans sa globalité souffre d'un manque d'investissement et d'une suroffre médiatique, les «entreprises» de presse apparaissent encore pour beaucoup d'annonceurs comme étant la cinquième roue du carrosse. Problème de marché ou problème d'entreprise ? À en croire les conclusions de l'enquête menée auprès de 349 journalistes de la presse marocaine dans 52 villes marocaines, la responsabilité serait en quelque sorte triangulaire. Un secteur d'amateurs La crédibilité des médias électroniques est beaucoup remise en question auprès des annonceurs nationaux. C'est d'autant plus le cas lorsqu'on apprend que 46% des personnes engagées pour faire du e-journalisme sont des amateurs et que plus de 31% de ceux qui exercent cette presse le font dans le but d'exprimer des opinions personnelles, et d'ajouter en dehors de quelques journaux en ligne qui ont fait leurs preuves, notamment en mettant en place une structure entrepreneuriale stable, 63% des journaux «existent de manière fictive» avance l'étude. En clair, ces «entreprises de presse» ne relèvent pas de sociétés et ne sont pas enregistrées de manière légale. Or, à en juger les conclusions de l'enquête, cela serait dû dans 53% des cas à «leur incapacité financière». Une fois de plus le manque de ressources est pointé du doigt. Une réglementation absente L'absence de cadre juridique pour réglementer le secteur est sans conteste un des éléments clés de cette réalité relatée par l'étude. Bien qu'il permette, d'une part l'émergence d'une nouvelle presse à travers les médias électroniques, ce vide législatif ne favorise pas la structuration du secteur. En ce sens que la publication d'un code dédié à la presse en ligne «qui soit de nature organisationnelle et non pas censurielle», précise néanmoins l'ISESCO, permettrait de définir les droits et obligations des journalistes. Un principe pour lequel les concernés ne semblent pas être trop reticents. En effet, «96% des journalistes de la presse électronique sont favorables à la promulgation d'un code de déontologie pour le secteur», affirme l'enquête, alors que 40% craignent que cette loi n'apporte des restrictions limitant la liberté d'exercice de leur profession. Parmi eux, 32% croient fermement que ces restrictions seront bel et bien réelles, précise l'étude. À ce titre, la ligue propose aussi de développer l'expérience de cette presse dans le cadre de la stratégie du Maroc numérique, tout en appelant à réfléchir à la publication d'une autorisation de protection de la propriété intellectuelle et morale des journaux électroniques, car il faut le souligner 74% des journalistes interrogés estiment que «le contenu de leurs journaux ne jouit pas de la protection intellectuelle requise». Pourtant, les e-journalistes se professionnalisent et l'on estime à 73% le nombre de journalistes qui sont aujourd'hui conscients de la nécessité de mentionner les sources de l'information. Le marché est ailleurs L'étude n'apporte pas vraiment de chiffres à ce niveau mais s'il y a lieu de remettre en question l'importance du financement dans le développement du secteur, c'est en partie à cause des annonceurs. Néanmoins, de quels annonceurs s'agit-il ? Si les grands comptes de la communication ont été les premiers à comprendre l'intérêt d'être présents sur la Toile, les budgets e-com restent assez restreints, étant donnée l'importance du champ médiatique visé. Néanmoins, le modèle économique du Web est différent. Ce n'est pas sur les grands comptes qu'il faut miser mais sur les petites structures aux budgets plus modestes et aux intérêts (cibles et communication) plus adaptés au Web. Une piste que les «entreprises de presse» devraient donc creuser.