On le présente souvent comme l'un des secteurs les plus porteurs de notre économie. Pourtant, il est loin de faire l'unanimité auprès des experts internationaux. Dans son indice dédié au secteur de la distribution dans les pays émergents au titre de l'exercice 2012, le cabinet international AT Kearney classe en effet le Maroc au 27e rang sur les 30 pays retenus, soit en recul de dix places (sept places sur base comparable) comparativement à l'année précédente. C'est la deuxième fois de suite que le Maroc recule dans ce classement après avoir été classé 15e en 2010. AT Kearney explique principalement ce recul par «le contexte régional». En parallèle, le cabinet ne remet pas totalement en cause le potentiel que présente le secteur. «Il y a des signes de croissance puisque le marché tend à se stabiliser et de nouveaux magasins de distribution commencent à ouvrir», est-il noté. Avec des signes de croissance avérés, le contexte régional est-il déterminant pour justifier cette chute dans le classement ? Pour répondre à cette question, il suffit de regarder du côté de la conjoncture économique du pays, qui n'a pas échappée au cabinet américain. Bien que le Maroc présente une croissance moyenne de 5% par an sur les dernières années, la conjoncture actuelle a été soulevée dans l'élaboration de l'indice du secteur de la distribution. Pour AT Kearney, le fait que le déficit commercial du Maroc ne cesse de se creuser et que la croissance des économies des principaux partenaires du royaume continue de ralentir, induit aujourd'hui une forte pression sur l'économie marocaine. Dans ce contexte, il s'agit aujourd'hui de mesurer l'impact que pourrait avoir pareille conjoncture sur la consommation locale des Marocains et qui constitue le seul moteur de croissance du secteur de la distribution. En effet, notons que l'attractivité que pourrait avoir le Maroc pour des investisseurs étrangers dans ce secteur reste étroitement liée à la capacité de l'économie nationale à soutenir la consommation interne. Jusque-là, le gouvernement marocain avait inscrit ce volet en tête de ses préoccupations, osant même des mesures pour soutenir le pouvoir d'achat en dépit de leur impact sur les finances publiques. Cependant, la donne est aujourd'hui toute autre. Pour les économistes, il ne fait plus aucun doute que ce soutien de la consommation interne est l'une des causes principales du creusement du déficit de la balance commerciale. Or, le Maroc ne peut plus se permettre cela s'il veut garder l'indépendance de sa décision économique. Il ne serait de ce fait pas étonnant de voir le gouvernement mettre un frein, dès la prochaine loi de finances, à ces mesures de soutien de la demande intérieure. Du coup, le secteur de la distribution se verrait amputé de l'un des plus importants atouts à présenter à d'éventuels investisseurs étrangers. D'ailleurs, parmi les principaux critères retenus par AT Kearney dans l'élaboration de son indice, figure justement l'attractivité du marché de la distribution. À ce niveau, le Maroc est loin d'être un bon élève puisque sur une échelle de 100, il affiche un score de 23,5, soit une légère amélioration comparativement à 2011 (22,6), mais qui reste loin derrière des pays comme l'Arabie Saoudite, le Liban ou même la Tunisie. Cette dernière, qui pointe dans le classement global à la 30e position, affiche en effet un score de 35 en termes d'attractivité du marché, mais présente cependant une saturation du marché plus importante que celle du Maroc. C'est là l'un des rares points forts qui sont relevés pour le Maroc dans cette analyse. Bien que le contexte sectoriel soit jugé des plus concurrentiels par les opérateurs, avec notamment la présence de grands groupes nationaux et étrangers, le marché marocain est en effet jugé moins saturé que ce qu'il n'était en 2011. Toutefois, force est de constater que l'analyse du cabinet américain place le Maroc au même niveau en termes de saturation que le Brésil, premier pays dans l'indice global. C'est dire les marges qui restent à prendre par les opérateurs, ou même par des investisseurs étrangers. Il reste juste au Maroc à travailler sur son risque pays qui constitue un handicap majeur relevé par le cabinet AT kearney. Selon ce dernier, sur les trente pays émergents classés, près de deux tiers affichent un niveau de risque pays moins important que celui du Maroc. Plusieurs raisons expliquent cela : il y a cette dépendance de l'économie et du niveau de consommation, du secteur agricole et de la demande des pays européens. Ensuite, les indicateurs macro-économiques révèlent la persistance de certains déficits, à l'instar de celui de la balance commerciale ou encore du déficit budgétaire. Enfin, la période de transition constitutionnelle n'est toujours pas complètement consommée et le retard pris dans la mise en place effective de la nouvelle Constitution ne permettent toujours pas de réduire la pression politique. C'est dire que le chemin reste encore long pour le secteur de la distribution, qui reste finalement dépendant des performances de toute l'économie. Néanmoins, force est de constater que le potentiel est bien là, en dépit des critiques relevées dans le classement. «Même si les modèles traditionnels de distribution résistent bien dans les zones rurales, les préférences des consommateurs et le soutien du gouvernement illustrent la transition continue du commerce de détail moderne, comme les centres commerciaux», souligne-t-on auprès du cabinet américain. Selon ce dernier, il y a clairement une place dans le marché marocain pour les commerces de détail modernes, vu qu'ils ne représentent que 10 à 15% du chiffre d'affaires global du secteur de la distribution. L'enjeu est donc clairement de faire porter cette quote-part à des niveaux plus importants. C'est d'ailleurs l'un des objectifs que se fixe le plan Rawaj, initié par les pouvoirs publics qui vise justement à relever la contribution de ce secteur au PIB national et à la création d'emploi et ce, via la modernisation du commerce de détail. En attendant, pour croître, le secteur continue de s'appuyer sur «l'évolution grandissante de l'urbanisme que connaissent les villes aujourd'hui, et les changements de comportement d'achat des consommateurs», comme le soulignent les analystes de Sogebourse dans une récente note analytique sur le secteur. Le commerce en ligne, la révolution Les Marocains sont-ils vraiment de plus en plus friands des modèles de commerce modernes ? En tout cas, une nouvelle tendance semble bel et bien s'installer. «C'est surtout le recours à des comportements d'achat de plus en plus modernes de la part du consommateur marocain qui s'annonce prometteur pour les commerçants du royaume», fait-on remarquer auprès d'Oxford Business Group. Le développement des transactions en ligne est le principal exemple sur lequel se base le groupe britanique pour justifier cet optimisme. Celui-ci juge en effet qu'avec la hausse impressionnante des opérations effectuées en ligne par cartes de crédit ces dernières années, c'est un nouveau monde qui s'ouvre aux commerçants, avec des perspectives de croissance 24 h/24 et 7 j/7. «Comme le montre la gamme de services désormais accessible en ligne, les commerçants font tout pour satisfaire une demande grandissante», ajoute la même source.