Les conclusions de la mission qu'effectuent des hauts membres de la fondation Robert-Kennedy pour la justice et les droits de l'Homme ont-elles perdu d'avance toute crédibilité ? Tout laisse à le croire, au regard de la valse de critiques émanant principalement des associations marocaines de la société civile qui ont dénoncé le caractère impartial de la mission. C'est aussi ce que laisse entendre la position affichée par le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki Moon, lors d'un entretien téléphonique avec le souverain, le week end dernier. Le responsable onusien a en effet souligné que «les Nations unies n'ont aucune intention de changer les termes de leur médiation, dont le but est de parvenir à une solution politique au conflit acceptable de part et d'autre». Dans le même cadre, Ban Ki Moon a également tenu à porter à la connaissance du souverain, que ses émissaires, principalement Wolfgang Weisbrod-Weber, nouveau représentant spécial, «rempliront dans les limites du cadre précis, tel que fixé par le Conseil de sécurité, leurs mandats relatifs à l'avancement du processus de règlement». En clair, pas d'élargissement des attributions de la mission de surveillance des Nations unies, un objectif que vise la fondation Robert-Kennedy et qui illustre sa prise de partie, comme l'ont souligné plusieurs structures de la société civile marocaine. En marge de la visite de la délégation qu'elle conduit, la présidente de la fondation et chef de la mission, Kerry Kennedy, avait indiqué que sa délégation «cherchera à évaluer la situation des droits de l'Homme en se rendant sur place et en rencontrant des défenseurs des droits de l'Homme, les autorités gouvernementales et des familles ordinaires séparées par le conflit», ajoutant qu'elle souhaitait «sensibiliser l'opinion à cette situation et soutenir l'élargissement du mandat de la MINURSO à la surveillance des droits de l'Homme». Impartialité Arrivée depuis vendredi à Laâyoune, la délégation qui devrait également se rendre dans les camps de Tindouf a vite fait de soulever la polémique en raison de son agenda de travail. Selon plusieurs associations de la région, la mission n'a prévu de rencontrer que 4 associations sur près de 800 structures associatives, dont la majorité œuvre pour la promotion du développement humain et des droits de l'Homme dans les provinces du sud. Pourtant, si certaines de ces structures avaient déjà décidé de boycotter les rencontres avec la mission, d'autres ont vivement exprimé leur volonté de rencontrer ses membres pour leur faire part de leur vision de la situation. C'est ainsi que la Commission indépendante de défense des droits de l'Homme au Sahara (CIDDHS) a décidé de boycotter les réunions de la délégation de la fondation Robert-Kennedy, une décision prise «en raison de la partialité flagrante et des préjugés de certains membres de la fondation, qui ont choisi de se ranger aux côtés d'un seul camp et d'adopter une vision unilatérale de la situation sur place, loin de toute objectivité». Même son de cloche du côté de la Ligue des défenseurs des droits de l'Homme au Sahara, qui a exprimé sa «profonde préoccupation quant au déroulement de la visite à Laâyoune de membres de cette fondation, qui suivent un agenda préétabli et partial, en rupture avec les principes de démocratie et des droits de l'Homme, ce qui priverait ses rapports de toute crédibilité». Cette mobilisation sans précédent tranche d'ailleurs avec la sérénité affichée par le gouvernement qui s'appuie sur les initiatives prises par le Maroc pour le respect des droits humains, tant dans les provinces du sud que dans l'ensemble du royaume, à la lumière des réformes politiques et juridiques engagées depuis une décennie. Le gouvernement serein Le gouvernement attend certainement la suite des évènements et notamment la publication du rapport de la mission pour se prononcer, afin de ne pas verser dans le procès d'intention. «Nous attendons des organisations internationales, que ce soit la fondation Robert Kennedy ou autre, qui développe une vision objective, impartiale et réelle tant pour les provinces du sud du royaume que pour les camps de Tindouf, aux fins d'une solution politique durable et définitive de ce conflit artificiel», a souligné à ce titre le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi. Ce dernier a d'ailleurs tenu à souligner que la visite des membres de la délégation, se déroule «dans des conditions normales» réfutant ainsi les allégations infondées que cette tournée soit soumise à «un quadrillage sécuritaire», comme annoncé par des médias algériens. Depuis l'annonce de la visite de la délégation, les accusations n'ont cessé de fuser de part et d'autre, notamment du Polisario, ce qui a provoqué la vive réaction de la société civile locale. Pour une mission sensée se prononcer sur la situation des droits humains, l'objectif semble raté d'avance, c'est le moins que l'on puisse dire. C'est peut-être ce qui explique la sérénité affichée, officiellement, par le Maroc qui met en avant les différents rapports en la matière en plus de la ratification de plusieurs textes internationaux considérés comme des standards en la matière, et qui ont été salués par une large frange de la communauté internationale. Carte de visite Présidée par Kerry Kennedy, nièce de l'ancien président américain John Fitzgerald Kennedy, la délégation de la fondation Robert-Kennedy (RFK) séjournera dans la région jusqu'au 31 août prochain. Elle est composée de plusieurs personnalités, parmi lesquelles, Mary Lawlor, directrice de Front Line Defenders, Margarette May Macaulay, juge à la Cour interaméricaine des Droits de l'Homme ou Eric Sottas, ancien secrétaire général de l'Organisation mondiale contre la torture. Selon la présidente de la fondation, la fondation RFK publiera dans un rapport les observations des membres de la délégation une fois la mission achevée. En dépit de la présence d'une palette d'experts parmi les membres de la délégation, les conclusions de cette organisation risquent de ne pas porter loin. Outre les soupçons d'un financement algérien qui pèserait sur les fonds de la mission, ses positions se situent aux antipodes de celles exprimées par plusieurs membres du congrès américain, dont certains ont fait récemment le déplacement à Rabat.